L’assassinat de Samuel Paty nous a tous laissés sans voix, choqués, presque prostrés. Comment en est-on arrivé là ? Comment est-il possible que la terreur puisse s’abattre sur un enseignant qui ne faisait que son métier, et qui s’efforçait de le faire le mieux possible ? N’est-il plus possible, en France, de parler librement ? Et puis progressivement le débat s’est déployé, enflammé, a pris une tournure ahurissante. Il n’était visiblement pas permis d’émettre des doutes sur la légitimité qu’il y a à montrer à tout prix toutes les caricatures religieuses, même les plus outrageantes, sans être accusé de céder devant l’islamisme. La défense des caricatures devenait le haut lieu du combat pour la liberté d’expression et dans certaines villes de France, celles-ci furent même projetées sur les murs. Et la question initiale de se renverser : comment en est-on arrivé là ? Comment en est-on arrivé à faire de ces caricatures la quintessence de la liberté d’expression et des « valeurs » de la République laïque ?
Nous nous emparerons du dossier selon la part qui nous revient. Nous chercherons à éclairer le regard que le christianisme et l’islam peuvent porter sur la liberté d’expression à partir de leurs ressources propres, sans négliger de nous intéresser à la façon dont, dans l’histoire récente, des sociétés tant chrétiennes que musulmanes ont concrètement interagi avec ce concept juridique.
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Regards chrétiens et musulmans
La liberté d’expression est un concept moderne qui entre dans la Déclaration universelle des droits de l’homme en 1948. Il serait donc anachronique de chercher à définir comment les sources scripturaires de l’islam et du christianisme prennent position à son égard. En revanche, il n’est pas vain de chercher à éclairer à partir de ces mêmes sources le regard que l’islam et le christianisme peuvent et doivent porter aujourd’hui sur ce droit. Tant le Coran que les Évangiles accordent en effet une grande importance à la parole humaine, à sa valeur et à ses implications éthiques.
Jamel El Hamri et Christine Fontaine nous introduisent à cette quête de « résonnances » entre le Coran et la tradition islamique d’une part, les Évangiles de l’autre, et ce droit contemporain. Mustapha Cherif poursuit en développant une réflexion sur l’attitude à laquelle l’islam invite les musulmans face aux expressions injurieuses à l’égard de leur foi.
L'expression en islam : un équilibre entre liberté individuelle et responsabilité collective
Jamel El Hamri
La liberté d'expression selon les évangiles
Christine Fontaine
L'islam face aux débats actuels sur la liberté d'expression
Mustapha Cherif
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Entre religion et politique
La liberté d’expression est un droit éminemment politique, puisqu’elle implique le droit de critiquer les gouvernants et toute idéologie, ou religion, au fondement de l’ordre social. Pour cela, son
acceptation n’est simple ni sur le plan religieux, ni sur le plan politique, et plus encore quand les deux ordres sont liés. L’histoire de ces deux derniers siècles le montre de façon exemplaire tant au sein du monde catholique que du monde sunnite.
Michele Brignone et Sadek Sellam proposent deux regards, parfois solidaires, parfois divergents, sur le rapport que ces deux mondes ont entretenu avec ce droit au cours du XXe siècle, rappelant qu’on ne saurait le comprendre, pour l’islam, hors du contexte (post-)colonial.
L’article de Sadek Sellam rejoint également celui de Selma Lajab : tous deux éclairent, dans le contexte du Maghreb contemporain, les luttes qui se jouent autour de cette liberté, souvent obstruée pour des raisons qui s’avèrent en définitive plus politiques que religieuses.
Liberté religieuse et religions à l'époque moderne : regards croisés entre christianisme et islam
Michele Brignone
La liberté d'expressiond dans les pays du "printemps arabe"
Sadel Sellam
La bande dessinées, le dessin de presse et la caricature au Maghreb. Un combat pour la liberté
Selam Lajab
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Du blasphème et des caricatures
En France, des siècles de guerres de religions entre catholiques et protestants ont engendré un nombre incalculable de morts. Les lois de 1905, en actant la séparation de l’Église et de l’État, ont permis la pluralité d’expressions au sein de la société française. Le blasphème, après des siècles de répression (parfois sanglante), est devenu un droit tout aussi légitime que celui de rendre un culte à Dieu.
Depuis quelques années, ces lois semblent devenir en partie impuissantes à empêcher les morts dont elles étaient censées protéger la société. La présence en France d’islamistes guerriers en est certes la cause et céder sur le droit au blasphème ou sur les caricatures serait leur donner raison sur notre société pluraliste. Cependant il ne faudrait pas oublier que cette liberté peut aussi réveiller, chez des Français d’origine européenne, des réflexes de rejet ou de haine à l’égard des « étrangers ». Elle peut aussi ébranler profondément des croyants qui ne sont ni guerriers ni intégristes.
Trois aspects différents de cet ébranlement sont évoqués par Anne-Sophie Vivier Muresan, des femmes de la Caravelle et Jean Verrier.
Du symbole en caricature
Anne-Sophie Viviver-Muresan
C'est quoi l'expression qu'ils veulent faire passer ?
Des femmes de la Caravelle
Histoire du blasphème en Occident
Jean Verrier
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