Focolari
Hedwig Reyntjens
Une expérience d'Evangile
à travers un mouvement qui s'appelle «Focolari».
Ce mot italien signifie
«petits foyers de lumière».
La règle d'or
L'origine du mouvement des Focolari remonte à 1943. En plein coeur de la deuxième guerre mondiale, dans la ville de Trente,
au Nord de l'Italie, les bombardements étaient intenses. Tous les projets s'écroulaient. Aller chercher quelqu'un à la gare,
entreprendre des études, autant de tâches impossibles ! On ne savait pas s'il fallait faire face à l'avenir ou à la mort.
Dans cette situation limite, Chiara Lubich s'est demandé : « N'y a-t-il pas d'idéal qui ne puisse être détruit ? »
Et elle comprit : « Seul Dieu ne peut être détruit ; et l'Ecriture est le moyen qui nous reste pour l'atteindre. »
Réfugiées dans les abris anti aériens plusieurs fois par jour, pendant les bombardements, Chiara et ses amies se lancent dans la lecture de l'Evangile.
Le chapitre 17 de St Jean les a particulièrement frappées et soutenues. Là, Jésus a prié « pour que tous soient Un ».
Dans un monde où tout s'écroule et se déchire, prendre conscience de cette prière de Jésus change le regard.
Elles comprennent que vivre pour l'unité conduit à aimer chacun, à aimer en prenant les devants sans attendre,
à vivre en aimant l'autre comme soi-même. C'est ainsi que le petit groupe se met à vivre de cet idéal.
Ces jeunes filles découvrent une dimension universelle : l'amour est un idéal proposé dans toutes les religions.
Cette règle d'or « fais à autrui ce que tu voudrais qu'on te fasse », se retrouve en islam et dans les grandes religions du monde.
Au fil des mois, le groupe s'agrandit, trouvant en Jésus crucifié et abandonné la mesure pour aimer chacun,
pour dépasser la souffrance et la destruction, pour créer des liens surnaturels et reprendre sans cesse le chemin de l'unité.
Le mouvement des Focolari est maintenant présent dans tous les pays. Il s'affirme dans les différents domaines de la vie :
dans l'économie, la politique, le sport, les loisirs.
Il met à la base de toute activité cette « règle d'or » de l'amour, conscient que cela peut transformer les personnes,
les relations, renouveler le milieu de travail, le milieu de vie, etc.
Des paroles à vivre
Chiara Lubich et les membres du premier groupe, au tout début, ont pris en main l'Evangile pour lire la Parole de Dieu.
Ils ont découvert que les mots de l'Evangile n'étaient pas des lettres mortes, mais des paroles à vivre.
L'originalité des Focolari consiste à 'vivre' le texte plus qu'à le méditer ou l'étudier.
On a pour habitude de prendre une parole du Nouveau Testament chaque mois.
Celle-ci était commentée par Chiara Lubich jusqu'à sa mort récente, le 14 mars dernier.
A chacun ensuite de mettre en pratique cette parole et de voir ce qu'elle produit en nous.
Il s'agit aussi de faire part à d'autres de cette expérience que chacun fait et ainsi d'élargir l'espace où Dieu se donne en Jésus.
Grâce à ce mouvement, j'ai découvert que c'est le Christ lui-même qui est vivant à travers sa parole, si nous la mettons en pratique.
C'est lui aussi qui nous permet, par sa parole, de donner la vie aux autres.
Cette mise en pratique de la parole de Dieu permet la présence de Jésus au milieu de nous.
On était invité, au mois de juin, à découvrir l'Esprit Saint et à voir comment il nous rend libres et nous rejoint dans notre vie.
S'il y a des décisions à prendre, « Là où est l'Esprit du Seigneur, là est la liberté » (2 Co. 3,17).
Quelqu'un avait un poste important aux Nations Unies qui rendait la vie difficile pour sa famille.
On lui proposait d'aller dans un autre pays pour y prendre un poste important, ce qui était une promotion.
Il s'est bien gardé de répondre à cette proposition alléchante ; il a réfléchi avec son épouse ; il a laissé cette parole -
«Là où est l'Esprit du Seigneur, là est la liberté» - faire son travail en lui.
Et, à cette lumière, il a compris qu'il devait refuser ce nouveau poste afin d'être plus disponible pour les siens.
S'il a pu, guidé non par le désir de réussir une carrière mais pour aimer ses proches, renoncer à cette promotion, c'est grâce à l'Esprit,
qui avait opéré en lui un travail de libération.
Le plus petit d'entre les miens
Je peux aussi vous livrer un témoignage personnel, vécu il y a quelques années.
La parole qui nous avait été donnée à vivre était : « Ce que tu auras fait au plus petit d'entre les miens, c'est à moi que tu l'auras fait ».
J'étais jeune prêtre ; on m'avait demandé d'aller visiter les paroissiens hospitalisés,
en particulier dans une maison spécialisée pour des malades d'Alzheimer ou des personnes
en soins palliatifs. Lorsque j'y allais, je savais que les rencontres qui m'attendaient seraient vraiment des rencontres avec Jésus.
La première personne que j'ai visitée s'appelait Claire. Une infirmière était auprès d'elle. Claire n'avait plus de visite :
elle ne réagissait plus à rien et n'éprouvait plus aucun sentiment. La première réaction de l'infirmière, en me voyant, a été la surprise.
Elle m'a demandé de l'aider à redresser Claire dans son lit ; on l'a soulevée en la tenant chacun de son côté.
Peut-être le fait d'entendre une voix inhabituelle, peut-être le fait de percevoir l'appui de mon bras ont provoqué une réaction.
Elle s'est tournée vers moi, elle a ouvert les yeux et m'a fait un très beau sourire. L'infirmière a été très surprise car
Claire avait cessé d'avoir des réactions depuis longtemps. Elle m'a regardé droit dans les yeux. Je ne pouvais pas échanger avec elle :
elle avait quitté depuis longtemps l'univers de la parole. J'ai tracé une croix sur son front ; elle s'est endormie et je l'ai quittée.
Elle était vraiment pour moi, grâce à la parole, « le plus petit d'entre les siens ».
Vous m'avez visité
Le soir, en rentrant chez moi, j'ai téléphoné à un ami prêtre, lui aussi membre des « Focolari ». Je lui ai raconté la scène et celui-ci m'a répondu
: « As-tu compris qu'avant que tu ne la bénisses, son sourire avait été la bénédiction de Dieu pour toi ? » Je cite cette conversation avec cet ami
prêtre pour montrer que l'expérience que nous faisons de la parole doit être partagée. L'expérience de ces échanges que nous avons entre nous fait
partie du travail que fait en nous la parole évangélique. Quand nous vivons ainsi, la présence de Dieu grandit au milieu de nous.
Chiara Lubich a défini ainsi les caractéristiques de l'amour chrétien : d'abord, il s'agit d'aimer chacun,
sans exclure qui que ce soit ; sans exclure nos ennemis. L'amour ne s'arrête pas aux membres de notre famille ou des êtres qui nous sont chers.
Il s'agit aussi « d'aimer en premier », sans attendre que l'autre fasse preuve de bienveillance à notre égard.
Et puis, comment et jusqu'où aimer ? L'amour va jusqu'à être prêt à donner sa vie pour l'autre. Aimer comme Jésus a aimé,
c'est-à-dire vivre hors de soi pour entrer dans les joies, les douleurs, les peines de l'autre ;
vivre pour lui tel qu'il est et tel qu'il se présente à moi.
Reconnaître Jésus crucifié
Aimer, dans l'esprit diffusé par Chiara Lubich, c'est également reconnaître et aimer Jésus abandonné et crucifié,
dans chaque souffrance, qu'elle soit petite ou grande, et cela toujours, immédiatement et avec joie.
La « règle d'or », évoquée plus haut, permet de nous retrouver, chrétiens et musulmans. « Fais à autrui ce que tu voudrais qu'il fasse pour toi. »
Ce principe est aussi présent dans la religion musulmane et dans les grandes traditions religieuses. Cette valeur commune, si nous la faisons nôtre,
peut nous rapprocher. Lorsque Chiara Lubich a été interpellée, pendant la guerre, par la parole de Jésus
- « Qu'ils soient un » -, elle a compris qu'il s'agissait de tous les hommes, quels qu'ils soient.
Pour connaître les focolari