Abdelmajid-Jean-Marie DUCHEMIN,
1908 -1988,
un prêtre devenu musulman
Un prêtre hors du commun
L'abbé Jean-Marie Duchemin a été un prêtre hors du commun du diocèse de la Sarthe.
Pendant la deuxième guerre mondiale, sa renommée débordait les limites de la paroisse de Bernay-en-Champagne,
où il s'est abstenu de mettre une croix sur les tombes de deux prisonniers algériens fusillés par les Allemands.
Tout le diocèse a eu des échos de la réception qu'il organisa, en présence du Cardinal Grente et du préfet de la Sarthe,
en l'honneur d'un paroissien qui venait d'avoir son douzième enfant. C'est à lui qu'a pensé le Cardinal,
évêque du Mans et académicien, quand la duchesse des Cars lui a demandé un « prêtre intelligent et cultivé ».
Affecté au château de Saint-Symphorien, il a été le confesseur de la duchesse jusqu'à ce qu'un conflit autour d'une école libre
l'amène à soutenir les fermiers contre les châtelains. Ses souvenirs de cette période furent ravivés
quand je lui ai signalé la publication dans les années 1980 des carnets de l'abbé Mugnier, ce «confesseur des duchesses » de la fin du 19° siècle.
Avocat, prêtre ou antiquaire
Ne parler que de cet aspect de la vie du père Duchemin serait très réducteur.
« Dans mon jeune temps, je voulais être avocat, peintre ou antiquaire », disait-il.
« Après ma sortie du séminaire, j'ai fini par avoir les connaissances de ces trois professions ».
Il pouvait en effet reconnaître très facilement un faux canapé Louis XV.
Il a écrit de nombreuses pièces de théâtre pour venir en aide aux prisonniers de guerre.
Et il est devenu peintre, signant ses toiles « Dutou », comme Duchemin-Touchard, ce dernier patronyme étant celui de sa mère,
morte peu de temps après sa naissance en 1908 au Mans.
Il avait acquis les connaissances d'un avocat pour les besoins de son action en faveur de la réinsertion des jeunes délinquants.
C'est sa grande connaissance de ces jeunes qui lui valut d'être conseiller à la Liberté surveillée
et d'être réveillé un jour à 3 heures du matin par le procureur de la République qui lui demandait
d'aller parlementer avec un jeune forcené qui, après son évasion de prison, s'était réfugié dans une maison de campagne
qu'encerclaient des dizaines de gendarmes et de policiers.
Avec son regard à la fois perçant et doux, sa voix lente et son langage très précis,
il persuada le forcené de lui remettre son arme. « Car je sais que tu ne la remets pas à ces salauds de gendarmes »,
lui précisa-t-il en lui faisant part de l'indulgence de la justice promise par le procureur.
Avec l'aide du Coran
Il s'est engagé dans cette action après son départ en 1959 de Pezè-le-Robert pour s'installer au Mans.
En 1963, il s'est occupé d'un ancien sous-officier algérien dont le contrat d'engagement de 5 ans venait
d'expirer au camp d'Ovour, dans une forêt à 8 kms du Mans. Ce «rapatrié» était en train de sombrer dans l'alcoolisme.
S'apercevant qu'il avait appris le Coran par coeur, le père Duchemin, après avoir lu son bréviaire,
discutait tous les matins avec lui d'une sourate du Coran pour le sortir de sa déchéance, et l'aidait à surmonter ses remords,
car il finit par lui avouer qu'il avait torturé. « Mais sur ordre de mes supérieurs », précisait-il.
Aidé par des chefs d'entreprise catholiques, le père Duchemin réussit à trouver plusieurs emplois à cette victime morale de la guerre d'Algérie.
Avocat, prêtre ou antiquaire
Ne parler que de cet aspect de la vie du père Duchemin serait très réducteur.
« Dans mon jeune temps, je voulais être avocat, peintre ou antiquaire », disait-il.
« Après ma sortie du séminaire, j'ai fini par avoir les connaissances de ces trois professions ».
Il pouvait en effet reconnaître très facilement un faux canapé Louis XV. Il a écrit de nombreuses pièces de théâtre
pour venir en aide aux prisonniers de guerre. Et il est devenu peintre, signant ses toiles « Dutou »,
comme Duchemin-Touchard, ce dernier patronyme étant celui de sa mère, morte peu de temps après sa naissance en 1908 au Mans.
Il avait acquis les connaissances d'un avocat pour les besoins de son action en faveur de la réinsertion des jeunes délinquants.
C'est sa grande connaissance de ces jeunes qui lui valut d'être conseiller à la Liberté surveillée et d'être réveillé
un jour à 3 heures du matin par le procureur de la République qui lui demandait d'aller parlementer avec un jeune forcené qui,
après son évasion de prison, s'était réfugié dans une maison de campagne qu'encerclaient des dizaines de gendarmes et de policiers.
Avec son regard à la fois perçant et doux, sa voix lente et son langage très précis, il persuada le forcené de lui remettre son arme.
« Car je sais que tu ne la remets pas à ces salauds de gendarmes », lui précisa-t-il en lui faisant part de l'indulgence de la justice promise par le procureur.
Quarante jours avec les Tabligh
Progressivement, l'action du père Duchemin s est orientée vers « les migrants », comme il disait.
En relisant régulièrement le Coran, il a tapé à la machine toute la traduction par Edouard Montet
(achetée en 1957 à la mosquée de Paris) selon un classement par thèmes. Il relisait ses livres de théologie du séminaire,
en même temps qu'il lisait sur l'islam, notamment sur le soufisme. En 1971, il réussit à convaincre Mgr Chevallier
(qui avait été son professeur au séminaire) d'affecter un terrain diocésain à la construction d'une mosquée dans son quartier de Pontlieue.
En 1976, l'évêque l'autorise à faire un voyage de 40 jours au Pakistan et en Afghanistan avec le Tabligh.
Il est devenu musulman cette année-là.
Il continuait à célébrer des «messes coraniques » jusqu'à son départ au Maroc en septembre 1987.
« Dieu est Un. Ce sont les hommes qui multiplient les religions. Je remercie l'Eglise d'avoir fait de moi ce que je suis devenu»,
m'a-t-il dit quand je lui ai rendu visite à Casablanca début septembre 1988.
Trois jours après, j'ai reçu du Mans un coup de téléphone de Mamadou Dramé, un ancien étudiant malien
à El Azhar devenu ouvrier que le père Duchemin aidait à interpréter ses rêves : « le père est mort !!! », m'annonça-t-il en pleurant.
Sadek SELLAM