Les leçons de l'expérience

Le Groupe de Foyers Islamo Chrétiens

Couples mixtes : un pari impossible?

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Le Groupe de Foyers Islamo Chrétiens


Des couples de tous les âges ont pris l'initiative, voici déjà trente ans,
de se regrouper pour s'aider à résoudre les questions
que soulève la vie dans un foyer islamo chrétien.
Ils mettent leur expérience au service de ceux et celles qui frappent à leur porte.

Un réseau de familles

« Je vis depuis trois ans avec un Francais d'origine marocaine, et nous envisageons de nous marier. Nous sommes un peu perplexes face à tout ce que cela implique. Existe-il un groupe de parole sur la région lyonnaise ou l'on pourrait discuter, et surtout apprendre ? » « Je suis catholique non pratiquant et ma compagne est musulmane. Nous souhaitons officialiser notre union devant Dieu mais nous sommes dans l'interrogation totale quant à la licéité de notre union malgré un amour très fort l'un pour l'autre. » « Je suis catholique et mon fiancé musulman et cela entraîne beaucoup de tensions dans nos deux familles. »

Chaque semaine, le site du Groupe des Foyers Islamo-Chrétiens (GFIC) reçoit une dizaine de messages de jeunes couples en recherche d'informations et de contacts. Ce réseau de familles de toutes générations a été créé il y a trente ans par cinq couples qui étaient à l'époque parmi les pionniers du mariage entre des chrétiens et des musulmans. Depuis lors, les unions mixtes se sont multipliées et de plus en plus de conjoints musulmans ont eux-mêmes grandi en France et partagent sa culture, mais les questions qui se posent sont toujours aussi aiguës : relations avec les belles-familles, éducation des enfants, pratique religieuse et vie commune, sens de cette union dans un contexte de tensions entre certains pays musulmans et occidentaux.

Un lieu d'échange d'expérience

Le GFIC est un réseau d'amitié informel dans toute la France et au-delà (en Belgique, notamment). Nul n'est obligé d'adhérer à l'association de gestion du groupe pour participer à ses activités. Le groupe est ouvert à tous ceux qui font l'expérience de la mixité culturelle et religieuse dans le couple et la famille et souhaitent la partager avec d'autres, en toute liberté. Le groupe, à travers l'expérience de ses membres, est convaincu que le couple est un lieu de vérité où chacun peut respecter l'autre dans ses convictions les plus profondes tout en restant attaché à sa foi et à ses racines. Ce défi est relevé par des centaines de familles qui parviennent à vivre dans une certaine harmonie au sein de la société française et construisent leur identité propre au fil du temps.
Fort du dialogue avec ceux qui ont traversé certaines étapes, chaque couple est amené à construire ses propres réponses aux questions qui se posent à tous : comment et où se marier ? Dans quel pays s'installer  ? Comment respecter l'autre dans ses convictions ? Quel éveil religieux pour les enfants ? Comment affirmer ses choix tout en maintenant les liens avec des belles-familles généralement troublées ?

Nos rendez-vous

Chaque année durant le week-end de Pentecôte, les foyers islamo-chrétiens sont invités à une rencontre en région parisienne. C'est l'occasion pour eux de se retrouver pour échanger autour de thèmes liés à la famille, à la vie spirituelle et à l'engagement citoyen. Un temps de prière commun est proposé à chaque rencontre. Cette année, le GFIC fête son trentième rassemblement.
Afin de mieux connaître nos religions respectives, nous proposons également en début d'année une journée de formation avec un théologien chrétien et un théologien musulman. Les sujets abordés jusqu'ici  : «  Trinité et unicité de Dieu », « Vivre ensemble et prier ? », « La révélation dans l'islam et le christianisme », « Lectures et liberté d'interprétation des textes bibliques et coranique ».
Deux groupes d'enfants (3-7 ans et 8-13 ans) ont bénéficié d'un enseignement religieux commun organisé par leurs parents lors de rencontres régulières dans l'année. Pour l'instant, cette initiative est en sommeil, faute d'enfants en nombre suffisant dans la même tranche d'âge.
Des groupes de couples dont certains sont membres du GFIC se réunissent par ailleurs plus régulièrement localement, notamment à Lyon et dans l'Essonne.

Dominique Achbarou, membre du GFIC

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Couples mixtes :
un pari impossible?




Francis Raugel, marié avec une algérienne, père de trois enfants, est fondateur du GFIC.
Son témoignage est une invitation aux couples islamo chrétiens :
inventer « une manière nouvelle de vivre ensemble ».


Des défis à relever

TexteTout couple est fondamentalement « mixte » : par le sexe, dans l'immense majorité des cas, par l'origine sociale, géographique, culturelle, par l'éducation. Et pourtant certains couples, de plus en plus nombreux depuis deux ou trois décennies, le sont davantage  : parce qu'ils sont d'origines culturelles et religieuses fondamentalement différentes ils s'engagent dans une aventure porteuse à la fois de grands défis et d'enrichissements possibles.

Parce qu'ils sont nés - même s'il s'agit dans les deux cas de la France - dans des milieux culturels très différents les membres du couple mixte ont d'abord à tenter de trouver une synthèse entre des conceptions divergentes, pour ne pas dire opposées, dans beaucoup de domaines de la vie : Ils ont d'abord à donner un sens commun à leur union : simple « excroissance » des familles d'origine ou constitution d'une nouvelle cellule, reliée mais indépendante des précédentes, capable d'autonomie, et voulant participer de façon originale à la société. Il leur faut aussi se situer entre une conception « civilo-religieuse» du mariage (celle de l'islam) et une conception plus marquée sacramentellement (celle du christianisme). Ils ont aussi à préciser leurs conceptions des rapports hommes- femmes, particulièrement dans le couple constitué d'un musulman et d'une non musulmane. Il leur faut aussi trouver un «  modèle  » propre quant à leurs rôles respectifs dans le couple, quant à la place du travail pour chacun, quant au partage des charges financières. Il leur faut se mettre d'accord quant aux règles de répartition des biens éventuellement légués dans un pays autre que la France. Ils ont à trouver un « tempo » commun entre leurs gestions respectives du temps.

Le deuxième défi à relever est celui de la construction de relations si possibles harmonieuses et équilibrées avec les belles-familles. Il leur faudra très souvent en premier lieu gagner la confiance d'une-et parfois des deux- belles-familles   : leur union provoque en effet fréquemment des « levées de boucliers  » de la part de l'une ou l'autre des belles-familles : parce qu'elle transgresse la norme sociale, parce qu'elle ne correspond pas au projet qu'avaient les parents pour leurs enfants, parce qu'étant plus risquée qu'une union ordinaire elle entraîne des craintes. Il leur faudra ensuite trouver la «  bonne distance » dans les relations pour éviter soit d'être accaparés soit d'être tenus en lisière. Il sera aussi nécessaire de définir les soutiens financiers qui pourront éventuellement être apportés.

Troisième défi mais souvent le plus facile à relever : celui de la poursuite par chacun de sa vie de Foi tout en ayant des plages communes religieuses. Cela exige évidemment que l'autonomie religieuse de chacun soit reconnue-y compris contre certaine tradition- et qu'une volonté commune de faciliter à l'autre la pratique de sa propre Foi existe fortement (même si dans la vie pratique ce n'est pas toujours simple à organiser).

Quatrième défi : la relation à l'enfant.
Une relation juste et vraie à l'enfant passe d'abord par l'acceptation indifférenciée de la venue d'un garçon ou d'une fille (et c'est loin d'être évident !). Elle passe ensuite par le choix des prénoms qui ne doivent pas constituer ensuite des handicaps pour les enfants mais leur permettre une meilleure intégration dans les familles d'origine.
Elle est à exprimer enfin dans la manière de les éduquer religieusement en trouvant le bon équilibre entre la transmission des convictions et le respect de leur liberté.

Dernier défi enfin, celui des relations à la société.
Cellule de la société, mais cellule particulière, possédant une sorte de « caractère propre » le couple mixte doit à la fois être traité comme tous les couples mais aussi pouvoir revendiquer que ses particularités soient prises en considération que par exemple les visas pour sa belle-famille soient accordés normalement, qu'en cas de séparation (il faut aussi le prévoir) les enfants ne deviennent pas des enjeux entre deux pays, que l'acquisition de la nationalité française soit facilitée et non chargée d'obstacles. Le couple mixte a donc un certain nombre de défis à relever qui peuvent constituer, dans certains cas, des handicaps difficiles à surmonter. Mais ils peuvent aussi être source de nouvelles manières d'aborder la vie de couple et donc d'enrichissements.

Des enrichissements possibles

Le couple mixte peut devenir le lieu de construction d'un « modèle culturel » nouveau empruntant à ses deux origines mais construisant des pratiques nouvelles : rapports différents à l'argent, développement des solidarités, refus des enfermements dans des schémas séculaires, intégration de manières de vivre différentes, sens nouveau de l'accueil, et jusqu'à la conception de décors spécifiques dans les lieux de vie.
Le couple mixte peut aussi constituer le lieu d'une nouvelle vie de Foi. La confrontation à l'autre conduit en effet à repenser la foi que l'on a reçue « par héritage » : il faut se l'approprier, la reconstruire, en discerner les éléments essentiels et ceux plus secondaires, la reformuler en termes compréhensibles par l'autre, déterminer ce que l'on veut absolument transmettre sans que ce soit considéré par l'autre comme un détournement, réfléchir aux parallélismes et complémentarités.

Le couple mixte est par ailleurs quasi-obligatoirement le lieu d'expérimentation d'une nouvelle manière d'éduquer les enfants : il est amené à réaliser la synthèse de deux traditions éducatives, de deux conceptions de la transmission des valeurs, de la Foi, de deux modèles des relations familiales, de deux styles d'objectifs de vie. Il lui faut élever des enfants à la fois solidement enracinés dans des traditions parfois fortement prégnantes mais en même temps libres, indépendants et capables de s'inventer leur propre modèle de vie.

Cela se traduit de deux manières : Il est essentiel de faire découvrir aux enfants tous les éléments de la Foi de chacun des deux parents ; la pédagogie pour ce faire s'invente en particulier dans des groupes de foyers mixtes. Il faut savoir enseigner d'une part ce qui est commun et d'autre part ce qui est spécifique à chaque religion. Une des grandes difficultés est d'aller au-delà de l'enseignement intellectuel pour faire entrer les enfants dans une expérience de Foi. Le partage d'expérience à plusieurs prend là toute son importance.

Il est non moins essentiel de laisser aux enfants le choix de l'expérience qu'ils privilégieront ; mais il faut, en même temps, qu'ils soient convaincus que ce choix ne constituera pas une rupture avec l'un des deux parents, et que quelle que soit leur décision, elle fera le bonheur de leurs deux parents.

Le couple mixte est enfin un exemple pour une société française qui a beaucoup de difficulté à accepter les différences en son sein et à s'en enrichir. Il constitue une manière nouvelle de vivre ensemble qui ne veut pas nier l'autre et le « niveler » mais le considère comme une source d'interpellation positive sur un certain nombre de manières d'être et de vivre.

Le couple mixte, pari impossible ? La réalité montre que beaucoup de ces couples font face positivement aux défis qu'ils ont à relever et constituent pour eux-mêmes et pour la société dans laquelle ils vivent une source d'enrichissement.

Francis Raugel




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