« Dieu en islam est à la fois L’Absent et Le Présent,
le Lointain et Le Proche. Il n’est pas seulement
Transcendant, inatteignable et inconnaissable. Il
est proche, très proche, plus proche encore que
notre veine jugulair », écrit Mustapha Cherif.
En islam « Dieu » est « Celui à qui rien ne ressemble » (Coran XI,
42). Les musulmans, sont ceux qui témoignent et attestent de
l’Unicité divine, et en même temps « croient au Mystère » (II, 3).
Le terme coranique « Ghayb » signifie l’invisible, l’au-delà et le mystère.
Pour un croyant, l’existence du monde n’est ni un hasard, ni absurde,
ni un jeu. Reste à ne pas sombrer dans l’intolérance et ne pas figer
ou fermer le sens de la vie : « Dis: La vérité émane de votre Seigneur.
Quiconque le veut, qu’il croie, quiconque le veut qu’il mécroie »
(XVIII, 29).
Le Coran appelle à la sagesse, à la prudence, à la retenue et à l’humilité
lorsqu’il s’agit de parler de « Dieu », afin de ne pas divaguer : « Serait-ce
leur imagination qui les pousse à parler ainsi, ou sont-ce là les propos
de gens qui ont perdu tout sens de la mesure ? » (LII, 32)
Les Beaux Noms de Dieu
L’humain a pour tâche de comprendre son origine et son devenir et de
l’assumer. Le musulman est celui qui est censé croire, en toute innéité
et confiance, au Divin, l’Un. « Dieu » est un mystère, l’entendement
humain, marqué par la finitude, ne peut Le concevoir et L’imaginer
« Dieu » est Infini.
Cependant le Coran cite les quatre-vingt-dix-neuf noms du Créateur des
mondes, « Dieu », à commencer par La Miséricorde, Le Miséricordieux.
Chacun se rapportant à un attribut. Ses Beaux noms permettent de
nous approcher du Divin.
De plus, les signes de « Dieu » sont en nous et dans le monde. Le
Prophète précise : « Connais-toi toi-même tu connaîtra ton Seigneur ».
Le credo musulman, la première partie de la profession de foi, est clair :
« Il n’est rien de divin si ce n’est Dieu ». Cela signifie aussi que tout est
relatif, sauf l’Absolu. Il est la Réalité ultime, le Premier et le Dernier, et
la Lumière des cieux et de la Terre
Le Présent et l’Absent
Tout est éphémère, rien n’existe, rien n’est réel, sinon Lui, l’ultime
Réalité. L’humain n’accède à la plénitude que s’il reconnaît sa finitude
et vit en lien avec « Dieu ». Il est le témoin libre, qui doit louer l’unicité
du Divin et reconnaître ses signes : « Gloire à Dieu au-delà de tout ce
qu’on veut lui attribuer. » (XVI, 1).
« Dieu » en islam est à la fois L’Absent et Le Présent, le Lointain et Le
Proche. Il n’est pas seulement Transcendant, inatteignable et inconnaissable.
Il est proche, très proche, plus proche encore que notre
veine jugulaire : « Nous sommes plus près de lui que sa veine jugulaire
» (L, 16).
Il se manifeste par Ses Signes dans Sa création et par Ses livres révélés,
dont le Coran est la synthèse finale. Il ne peut pas être saisi par
la pensée discursive et spéculative. La foi en islam est à la fois un
acte réfléchi et une expérience intime et ineffable. Elle met en jeu
tout l’être.
« Dieu » est Dhâhir et Bâtin, Apparent et Caché, Présent et Absent,
le Premier et le Dernier. Il se manifeste derrière des voiles, à travers
Ses signes dans l’humain, dans Sa Création et dans Ses Livres sacrés.
L’islam, religion du juste milieu, considère que Dieu est Mystère,
Transcendant, Infini, Absolu, et en même temps Immanent, Présent, à
l’écoute de Sa création.
Adorer c’est connaître
Il est possible de L’approcher et de Le connaître, en prenant soin
de l’âme. L’adorer, le connaître humblement, un tant soit peu, en
l’aimant, malgré notre finitude. A partir de la lecture du Coran, les
maîtres spirituels font jaillir Ses signes qui concernent la lettre et l’esprit,
le dit et le non dit. La langue arabe, support de la Révélation,
permet de traduire des niveaux d’interprétation du Sacré, du Divin
inépuisable, afin que puisse éclore une facette du sens.
La voie spirituelle musulmane, qui se décline en trois dimensions,
islâm, confiance totale, îmân, croyance active, ihsân, excellence
opératoire, ne doit pas être perdue de vue pour aspirer à connaître
« Dieu ». La remise en confiance à « Dieu », l’islâm, permet d’amorcer
la sérénité intérieure de la foi, l’îmân, avec comme socle l’unicité
Divine, puis la rechercher de l’excellence dans l’adoration spirituelle,
l’ihsân : « adorer Dieu comme si tu Le voyais, car si tu ne Le vois
pas, Lui te voit ».
Il faut se garder de l’excès et de tout demander au texte. Le Mystère
restera insondable jusqu’à la Rencontre après la mort. Il faut aspirer
à Dieu, Le rechercher, L’aimer, vouloir Le connaître, l’adorer, mais
spéculer sur Son essence n’est pas raisonnable : « Ô vous qui croyez !
Gardez-vous de poser des questions sur des choses qui, si elles vous
étaient divulguées, vous causeraient du tort, alors que ces mêmes
questions posées lors de la Révélation pourront vous être expliquées.
Mais Dieu vous a déjà pardonné de telles indiscrétions, car Il est
Plein d’indulgence et de mansuétude. D’autres peuples avant vous
avaient posé les mêmes questions, puis devinrent de leur fait négateurs
». (V, 101/102)
Voyage intérieur vers Dieu
Le Prophète, selon le Coran, lors de son ascension nocturne,
Voyage céleste, Isra wal Mirraj, a eu l’éminent privilège et
l’honneur incommensurable d’être accueilli par le Divin et a
vu certains de Ses signes grandioses : « Gloire à celui qui a fait
voyager de nuit son serviteur de la Mosquée sacrée à la Mosquée
éloignée dont nous avons béni l’enceinte, et ceci pour lui montrer
certains de nos Signes. Dieu est Celui qui entend et qui voit
parfaitement. » (XVII, 1)
A l’image de ce Voyage, les maîtres spirituels musulmans considèrent
que le croyant peut et doit s’élever intérieurement, en polissant son
coeur par le Rappel permanent de « Dieu », en prenant patience,
faisant table-rase des préjugés et illusions, en maîtrisant ses passions,
pulsions et désirs et en pratiquant le bien.
L’islam distingue entre l’Essence qui nous échappe totalement et
la Présence que nous pouvons sentir dans le coeur. Entre le coeur
humain et la Vérité divine il y a des voiles. Pour les prophètes, les
pieux et les bel-agissants, « amis » de Dieu, des voiles peuvent se
lever. L’Homme par le don divin peut « apercevoir » et « goûter » des
signes du Mystère divin. Une grâce secrète que Dieu accorde à qui Il
veut parmi Ses serviteurs.
Le modèle à suivre, le Prophète
Le Coran et la Sunna enseignent au croyant comment faire face à
l’épreuve du Mystère et rechercher « Dieu », Le connaître et L’adorer
comme Il le veut. Ce sont les sources spirituelles du coeur attentif au
Mystère. La sagesse est celle de l’écoute de la Parole divine et de sa
mise en oeuvre, afin que rien ne vienne dévier, distraire et obstruer
le lien au Divin.
La Parole de Dieu, révélée dans le Coran, est personnifiée et vécue
par le Prophète, l’homme universel, modèle excellent à suivre :
« Si vous aimez vraiment Dieu, suivez-moi, Dieu vous aimera
alors et vous pardonnera vos péchés. Dieu est Pardonneur et
Miséricordieux. » (III, 31)
Le Prophète nous a appris que Dieu Se manifeste par Sa création
et Ses créatures, sans avoir besoin d’elles, tout en les aimant infiniment.
Qu’Il est absolument Un, Unique, au-delà de tout et indépendant
à l’égard des mondes, même si par l’adoration sincère et
juste l’humain participe à la manifestation d’un aspect du Divin.
Pour l’islam, croire c’est le passage de l’obscurité à la lumière, dans
l’attente du retour à Dieu, de la récompense, de la rencontre, du
dévoilement, de la Vision.
Mustapha Cherif
Pr MC est philosophe et islamologue, auteur d’une vingtaine d’ouvrages,
notamment « L’ émir Abdelkader, apôtre de la fraternité »,
éditions Odile Jacob, Paris 2016