Patrice Leclerc est le maire de Gennevilliers ; pour lui, la mise en place de la réforme est d’abord l’occasion de lutter contre les écarts culturels
entre les milieux sociaux.
Réduire les inégalités
sociales
Quel jugement a priori portais-tu sur la réforme des rythmes scolaires avant sa mise en place ? Quel jugement portes-tu aujourd’hui ?
Je pense que l’école ne peut rester au statu quo en raison même des souffrances qu’elle génère chez les enfants des milieux populaires. Je ne crois pas
que la première réforme à mener soit une question de rythme, il s’agit plus de contenus, de pédagogie. La réforme des rythmes aggrave une inégalité
territoriale en fonction de la richesse ou non des villes. Je garde le même jugement aujourd’hui, même si à Gennevilliers, nous avons utilisé notre potentiel
fiscal pour essayer d’inventer un nouveau service public, les TAP, pour répondre aux besoins d’activités péri scolaires à 100% des enfants de la ville.
A Gennevilliers, cette réforme est-elle adaptée aux jeunes d’origine immigrée ?
Ce n’est pas une question d’origine, c’est une question sociale. Nous avons travaillé pour essayer de faire en sorte que la collectivité fasse avec tous
les enfants de la ville, ce que font, à titre privé, les enseignants ou cadres avec leur propres enfants. Le dispositif mis en place à Gennevilliers
concerne toutes les couches de la société et n’est pas destiné seulement à des enfants d’une origine particulière. Nous travaillons sur les écarts culturels
qui peuvent exister. Les TAP visent donc à réduire les inégalités sociales qui existent effectivement entre des familles d’ouvriers ou d’employés pauvres,
toutes origines confondues et des familles plus aisées qui ont clairement une stratégie organisée de pratiques culturelles.
Des activités comme la calligraphie ou la musique arabo andalouse auraient-elles leur place dans cette ouverture culturelle ?
Vous avez un prisme « ethnique » qui n’est pas celui qui a conduit nos réflexions. Pourquoi pas la calligraphie ou la musique arabo andalouse si cela permet
de travailler à donner au enfants les pré-requis culturels attendus par l’école. Ces activités font partie de la culture au sens générique du terme. Elles ne
sont pas destinées à un type de population en particulier. Si nous proposions de la calligraphie ou de la musique andalouse, c’est parce que le patrimoine
culturel universel nous conduirait à faire découvrir cette culture à tous. D’ailleurs, ces activités peuvent intéresser des parents et des enfants de toutes origines.
Une forme d'obscurantisme inquiétante
Les « ABCD de l’égalité entre filles et garçons » ont suscité la peur de certains parents musulmans. Y a-t-il eu, sur Gennevilliers, des parents
qui ont retiré leurs enfants de l’école ? Dans quelle proportion ? Que penser de leurs inquiétudes ? Les parents non musulmans ont-ils les mêmes
réflexes que les parents musulmans ?
Oui malheureusement, il y a eu sur une école un effet significatif de cette rumeur malsaine. Assez peu sur la totalité des écoles. J’ai eu des inquiétudes aussi
de parents non mulsulmans qui ne font pas la part des choses entre des rumeurs sur internet et la réalité. Que ce soit pour des raisons religieuses ou pas,
cette forme d’obscurantisme m’inquiète. Il faut être attentifs à la réalité du terrain sur les inégalités entre filles et garçons dans nos écoles,
ou ailleurs, tout en donnant une réponse claire aux parents inquiets de ses rumeurs qui désinforment les parents sur la réalité des objectifs du
travail à propos de cette égalité. Attention à ne pas mélanger les fantasmes des gens avec la réalité du terrain, notamment quand les enseignants
se sentent pointés du doigt par les parents. Je pense qu’il faut parler franchement avec les parents.
La jeunesse : une priorité
Quelle est la politique municipale à l’égard des jeunes ?
A Gennevilliers, la jeunesse a toujours été une priorité des équipes municipales. Un investissement humain et financier est mis au service des enfants
et des jeunes pour leur apporter l’épanouissement nécessaire et les outils qui les armeront pour préparer leur avenir. Que ce soit dans le domaine
du loisir ou de l’éducation, les besoins des publics sont une préoccupation constante qui se traduit par des prestations de qualité, une exigence
d’intervention dans les domaines culturel et sportif, un partenariat fort avec l’Education Nationale. Nous voulons un service public pour tous.
Dans ce sens, nos prestations s’adressent à l’ensemble des enfants de la ville. Nous avons développé des actions dans le but d’attirer les
populations qui sont les plus éloignées des pratiques proposées. Ce que nous proposons dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires va
dans ce sens : des ateliers accessibles à tous les enfants gennevillois. Nous faisons beaucoup mais nous avons encore beaucoup à faire en direction des jeunes.
La qualité des contenus
La réforme est-elle une aide ou un handicap ?
Le fait que cette réforme soit imposée aux enseignants comme aux collectivités est un handicap pour débattre sereinement du fond et trouver
les meilleures solutions. Je pense aussi qu’un travail sur les contenus des enseignements aurait été plus intéressant à poser avant celui
des rythmes. A Gennevilliers, nous avons fait le choix de la qualité des contenus, tout essayant de respecter le rythme des enfants et
l’organisation des parents. Nous avons travaillé sur des contenus et la forme par notre choix de l’expérimentation : expérimenter des ateliers
culturels, artistiques, sportifs et citoyens, une après-midi par semaine. La gratuité des activités pour les parents induit un investissement financier
conséquent pour la ville, alors que les dotations de l’Etat baissent d’année en année. A Gennevilliers, l’expérimentation que nous allons mener est
une opportunité pour lutter contre les inégalités sociales et les différences de pratiques des familles des milieux populaires, en comparaison
avec les familles plus aisées.
Patrice Leclerc, Maire de Gennevilliers