Le mariage dans la Bible
Pour la célébration d'un mariage, dans une église catholique,
l'homme et la femme échangent des paroles qui les engagent.
La parole humaine est le lieu où se forge, selon la Bible, l' Alliance avec Dieu.
Une seule chair
Aux premières pages de la Bible, le monde se met en place au fur et à mesure que « Dieu dit » : ces deux mots scandent le texte.
Lumière et ténèbres, continents et océans, arbres de la terre et astres du firmament, monstres marins et oiseaux du ciel,
jour et nuit prennent consistance du fait d'être dits par Dieu. Les éléments du cosmos sont comme les mots d'une phrase prononcée par Lui.
Celui-ci parle jusqu'à ce que les mots de son poème donnent chair à l'humanité : « Faisons l'homme à notre image, comme notre ressemblance et qu'ils dominent »
sur tout ce qui existe au ciel comme sur la terre. « Dieu créa l'homme à son image, à l'image de Dieu il le créa ; homme et femme il le créa ».
Quand l'humanité surgit, la parole prend chair. Adam, sortant du sommeil voit le visage d'Eve : le langage accompagne le face à face (« Os de mes os ! Chair de ma chair !»)
Le texte poursuit : « c'est pourquoi l'homme quitte son père et sa mère et ils deviennent une seule chair ».
L'arrachement à soi
La rencontre de l'homme et de la femme est inséparable du langage. Il opère à la fois séparation et communion.
De manière imagée, le récit biblique parle d'une côte enlevée à l'homme pendant son sommeil : façon de dire l'arrachement à soi que suppose l'ouverture sur l'autre.
Les premiers mots prononcés évoquent séparation et jonction : « Os de mes os, chair de ma chair !». La femme s'arrache d'Adam ; elle se sépare de lui mais l'un et l'autre
ne font qu'un (« une seule chair »). Cette contradiction manifeste le travail de la parole où les sujets sont séparés et pourtant joints.
Tout n'est pas dit dans ce passage de la parole de création à la parole d'amour. Avec le langage surgissent loi et promesse.
Adam et Eve voient le jour sur une terre paradisiaque mais une limite est fixée comme une condition à leur bonheur :
le fruit d' un arbre leur est interdit. Qu'ils respectent cette loi et la vie surgira. « De l'arbre de la connaissance du bien et du mal,
tu ne mangeras pas, car le jour où tu en mangeras, tu mourras. »
La loi de l'Autre
Entre Adam et Eve, la loi fait entendre la voix d'un troisième. Quand la loi est transgressée, ils font l'expérience qu'un Autre est compromis dans leurs propos.
L'oubli de la loi, c' est l' oubli de l' Autre dont on se cache : « Ils entendirent les pas de Yahvé - Dieu et l'homme et la femme se cachèrent parmi les arbres du jardin ».
Il fallait qu'ils enfreignent la loi pour découvrir que la parole qui les fait vivre l'un par l'autre ne va pas sans l'Autre.
Une fois la loi transgressée, la honte les envahit. Ils se voilent l'un devant l'autre jusqu'à ce que l'Autre se rappelle à eux.
De même qu' Adam avait dû s'arracher au sommeil, de même le couple doit sortir de l'illusion : quand tout est permis, la vie est un leurre dont il faut se déprendre.
Les voici chassés du jardin d' Eden pour faire face de nouveau à l'avenir. Mais la parole n'est pas morte. Après que l'Autre s' est rappelé à eux,
en effet, Adam peut donner un nom à sa compagne et ce retour au langage est promesse de fécondité : « L'homme appela sa femme
Eve parce qu'elle fut la mère de tous les vivants ».
La fidélité de Dieu
Ces premières pages de la Bible résument l'ensemble des livres saints où est contenue la révélation juive que Jésus découvrira.
Le mot « alliance » suffit pour la désigner.
Pas de vie humaine sans la parole qui unit des sujets. Autour de Moïse un peuple sort du chaos comme Adam du sommeil.
De même que le premier couple se construisait autour d'une loi symbolisée par l'arbre de la connaissance du bien et du mal,
de même le peuple des hébreux naît autour des dix commandements. La loi promet la vie : « faites ceci et vous vivrez ».
Lorsque après un long exode dans le désert ils trouveront une terre à cultiver, « lait et miel » ainsi que tout ce qui fait la nourriture de chaque jour,
seront reconnus comme des fruits de la promesse. Mais, à son tour, le peuple des promesses sombre dans l' oubli. L'exploitation du pauvre, l'idolâtrie,
l'amour de la richesse, la violence, en un mot l'infidélité aux commandements sous toutes ses formes, seront traduits en termes d'adultère ou de prostitution.
La prédication des prophètes s'adosse, dans la Bible, aux textes qui rappellent la Loi.
Qu'est-ce qu'un prophète dans la cohérence biblique ? Un serviteur de la Parole, un homme qui manie les mots d'une langue humaine pour faire entendre,
comme un écho, la voix de l'Autre, innommable dans la tradition biblique et inaccessible mais perceptible à travers les mots et les actes qu'échangent les sujets.
Jérémie affirme avec force que les invectives qu'il adresse au peuple ont été mises dans sa bouche par Dieu lui-même.
Profondément insérés dans l'histoire, pour dénoncer auprès du peuple et de ses gouvernants, l'oubli de la Loi, les prophètes utilisent l'image du mariage et de l'adultère.
« Elle n'est pas ma femme et je ne suis pas son mari !» Israël, dans les discours du prophète Osée, est l'épouse répudiée dont le mari est Dieu.
Mais de même qu'entre Adam et Eve, l'Autre, après la transgression, manifeste encore son appel à vivre, de même les prophètes,
en dénonçant la faute, promettent la victoire de la parole. Le texte d'Osée qui écrase l'épouse coupable en des termes féroces a également des paroles
d'amour merveilleuses à l'égard d'Israël : « je vais la séduire, je la conduirai au désert et je parlerai à son coeur, là, elle répondra comme aux jours de sa jeunesse ».
Le Cantique des cantiques
Le Cantique des cantiques, un des livres de la Bible, est simplement un beau roman d'amour : « j'entends mon bien-aimé, voici qu'il arrive,
voici qu'il se tient derrière notre mur ». Le nom de Dieu n'est pas même prononcé. Un homme, une femme se cherchent, se désirent, s'attendent et leur histoire
est narrée avec beaucoup de lyrisme. Deux manières de comprendre ce texte sont possibles. On peut voir Dieu dans le bien-aimé
et considérer dans la femme aimante la personne du croyant : l'humanité et son Créateur sont à la recherche l'un de l'autre comme deux amoureux.
On peut penser aussi que le lien humain qui unit l' homme et la femme est inséparable du lien entre le couple et son Seigneur.
Ainsi, poser la parole au commencement de la création revient à poser la loi non pour elle-même mais pour faire place à des discours
qui célèbrent Dieu en vérité, dans la mesure où ils chantent l'amour humain.
L'enseignement de Jésus
Jésus, pour sa part, n'a jamais pris l'initiative d' aborder le sujet, se contentant de réagir aux questions qu'on lui posait.
Un jour, alors que des foules de malades venaient à lui, un groupe d'hommes opposés à son message, lui tendirent un piège en lui posant une question :
« Est-il permis de répudier sa femme pour n'importe quel motif ? » La réponse est un renvoi à l'enseignement de la Bible.
« N'avez-vous pas lu, répond Jésus, que le Créateur, dès l'origine, les fit homme et femme » et qu'il a dit :
« ainsi l'homme quittera son père et sa mère pour s'attacher à sa femme et les deux ne feront qu' une seule chair.
Ainsi, ils ne sont plus deux mais une seule chair ? Eh bien ! Ce que Dieu a uni, l'homme ne doit point le séparer ».
La loi nouvelle
Une autre fois, dans l'Evangile de Jean, il enseignait dans le Temple. Ses adversaires lui amènent une femme surprise en adultère
et tentent de le mettre en contradiction avec la Loi. « Moïse nous a prescrit de lapider ces femmes-là. Toi donc, que dis-tu ? »
Jésus commence par se baisser, traçant des lettres sur le sol. Nulle part ailleurs, dans l' Evangile, on ne voit Jésus en train d'écrire.
On ne sait quels mots il donne à lire. Vraisemblablement, le geste renvoie à la loi ; elle est déjà écrite mais avec Jésus elle devient nouvelle
quand il a sous les yeux quelqu'un que la mort menace. Dans le désert, la loi avait été donnée pour que le peuple vive
et voici qu'elle devient instrument de mort. « Que celui qui est sans péché lui jette la première pierre » ; à cette parole de Jésus, tous se retirent.
Jésus touche les limites de la loi. Lorsqu'elle empêche de vivre, lorsqu'elle fait mourir, il prend la place de la loi, il fait loi, il devient loi nouvelle,
il manifeste en sa personne le point d'où la loi avait jailli pour relancer la vie. « Alors se redressant, Jésus lui dit : 'femme, où sont-ils ? Personne ne t'a condamnée ?'
Elle dit : ' personne, Seigneur !' . Alors Jésus dit : ' moi non plus, je ne te condamne pas. Va, désormais ne pèche plus !'»
L'alliance nouvelle
Ce texte mérite d'être souligné parce qu'il est un tournant chez saint Jean. Les adversaires du Nazaréen étaient venus « afin d'avoir matière à l'accuser ».
Viendra bientôt le jour, en effet, où il sera livré au juge pour être condamné. Jean, qui rapporte ces événements, pour décrire Jésus aux bords de son procès,
écrit que « son heure était venue ». L'expression n' est pas insignifiante ; elle renvoie au premier acte public de la vie de Jésus et de ses disciples,
à Cana, en Galilée, où l'on célébrait un mariage, une alliance à laquelle il était invité avec ses disciples et avec Marie, sa mère.
Jésus dit à cette dernière « Femme ! mon heure n'est pas encore venue ». Par ces simples mots, il transformait ce mariage en en faisant l'annonce d'une autre alliance.
En effet, quand arriva le jour du procès, « quand son heure fut venue », comme tous les habitants de Jérusalem il célébra avec ses amis la pâque juive.
Il prit le pain et le vin du repas en disant : « ceci est mon corps, ceci est mon sang, le sang de l'Alliance nouvelle et éternelle
qui sera versé pour vous et pour la multitude humaine en rémission des péchés ».Peu après il sera condamné à être crucifié.
Les paroles prononcées au cours du repas font entendre aux oreilles de ceux qui croient en lui qu'avec la croix une alliance nouvelle est nouée entre l'homme et Dieu.
Tout avait commencé avec la parole ; tout avait pris consistance du fait d'avoir été dit par Dieu : telle est la foi juive.
Le chrétien croit que cette parole a pris chair en Jésus. On savait que la parole n' est pas seulement du vent qui porte des mots pour rejoindre autrui.
Les plis du visage, les gestes des mains sont aussi des paroles pour les yeux, permettant souvent mieux qu' un discours de franchir les abîmes séparant les humains.
La parole évoquée aux premières pages de la bible, venue de Dieu, était passée sur des lèvres humaines ;
elle était un arrachement à soi-même pour rejoindre l'autre et faire alliance.
L'amour est le plus fort
La parole du commencement prend chair en Jésus. Il manifeste l'amour de Celui qui l'envoie. L' amour qui se révèle ainsi est poussé jusqu'aux limites du possible :
la mort sur la Croix est une vie donnée. L'amour est le plus fort. Par-delà le tombeau, la Parole encore prend chair : Il est ressuscité.
Commence une alliance nouvelle. Au milieu du jardin d'Eden, l'arbre symbolisait la loi sans laquelle aucune vie humaine ne peut se déployer.
Au milieu de l'histoire, la Croix est, aux yeux du chrétien, l'arbre qui montre la loi nouvelle : la loi de l'amour qui l'emporte sur la mort.
Toute parole lie des sujets et fait naître une alliance particulière. Au coeur de l' histoire humaine, ceux qui adhèrent à la parole de résurrection forment
un ensemble qu'on appelle « Eglise ». Ses membres sont liés par la foi les uns aux autres au point que Paul les considère comme faisant un seul corps
qu'il appelle « Corps du Christ », animé du même Esprit que celui de Jésus, la Parole de Dieu incarnée.
Les membres de cette « alliance nouvelle » sont différents. Autre le juif qui se convertit et croit à la Résurrection,
autre le Grec qui adhère au message, autre l'esclave et autre le maître et surtout autre est l'homme et autre est la femme.
Ce lien de l'un à l'autre permet à l'apôtre Paul de dire la dimension évangélique du mariage.
Le corps humain acquiert, à la lumière de la résurrection, une vocation nouvelle.
En reconnaissant que le Verbe s' est fait chair, on découvre que l'alliance charnelle d'un homme et d'une femme est un lieu privilégié où Dieu se fait entendre.
Quand un homme et une femme s'appellent et se répondent au point de se donner totalement l'un à l'autre, ils sont l'un pour l'autre, dans la foi, parole de Dieu.
Leur alliance humaine rend présente l'alliance nouée avec Dieu par Jésus aux jours de sa Pâque.
Le sacrement de Dieu
Le mot « sacrement », attaché au mariage chrétien, désigne cette présence mystique de la pâque de Jésus,
réalisée dans l'accueil de l'autre et le don de soi à son conjoint. « Voici donc que l'homme quittera son père et sa mère pour s'attacher
à sa femme et les deux ne feront qu'une seule chair. Ce mystère est de grande portée ; je veux dire qu'il s'applique au Christ et à son Eglise »
(Paul aux chrétiens d' Ephèse).