Lettre ouverte au Président Barak Obama
par le Dr. Bernard Sabella
Membre du Conseil Législatif Palestinien
Professeur Associe en Sociologie à l'Université Pontificale de Béthléem
Directeur de Departement du Service au Refugies Palestiniens
du Conseil des Eglises de Moyen Orient
Al Quds - Jérusalem -Vendredi, 9 janvier, 2009
Traduit de l'anglais par Paulette Martin, sous titres de la rédaction
Occupation et Droits de l'Homme
Cher Monsieur le Président,
La situation dans les territoires occupés palestiniens continue à être tragique.
C'est peu dire. Cette guerre actuelle contre Gaza nous dit et redit que le conflit Israélo-palestinien n'a pas été résolu, et que les deux peuples
- le peuple israélien et le peuple palestinien - continuent à s'opposer de manière frontale.
Occupation ne rime pas avec Liberté, avec les Droits de l'Homme, ni avec les aspirations à une vie digne et décente.
Les scènes d'horreur émanant de Gaza obligent le monde entier, mais surtout les personnes d'influence et de bonne volonté comme vous-mêmes,
à travailler en vue d'une solution capable de résoudre ce conflit, déjà long d'un siècle.
La situation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est n'est pas foncièrement meilleure qu'à Gaza, même si elle ne s'affiche pas à la une des journaux.
La Cisjordanie est morcelée par des centaines de checkpoints, par le Mur de Séparation et par des moyens de contrôle de la population
qui confinent les palestiniens en leurs localités, ce qui rend une vie économique, politique ou sociale totalement impossible.
Même les sept ou huit kilomètres qui séparent Jérusalem de Bethléem sont devenus infranchissables, car les Palestiniens sont obligés d'obtenir
des permis spéciaux pour prier, pour aller à l'hôpital, ou même pour songer à rendre visite à des membres de leurs familles, que ce soit en des
circonstances heureuses ou malheureuses.
Une résistance à craindre
Cher Monsieur le Président,
Des Américains qui sympathisent avec les Palestiniens nous posent actuellement cette question:
«Est-ce que vous fondez de grands espoirs sur cette nouvelle administration démocrate ? » Nous leur répondons,
le plus souvent, que nous nous sommes habitués à ce que les administrations américaines entrent et sortent sans
que la moindre solution n'améliore notre situation lamentable, vu que nous sommes pris dans une souricière. Nous n'y voyons
aucune porte de sortie. Pourtant le changement dont vous êtes porteur pour le grand Peuple Américain dans son ensemble,
et votre détermination à épouser la cause des plus défavorisés, avec comme option le Droit et l'ouverture envers tous,
dans votre propre pays comme à l'étranger - tout cela nous encourage à espérer. Nous mettons d'autant plus d'espoir en vous,
Monsieur le Président, que vos propres déclarations indiquent que, dès le 20 janvier, votre administration entendra faire du
conflit Israélo-Arabe une priorité.
Nous avons toutefois peur, Monsieur le Président, que si vous vous entêtiez à promouvoir une solution juste au conflit
Israélo-Palestinien, vous verriez grossir une résistance implacable à partir de groupes de pression, dans votre pays et ailleurs -
de ceux qui n'ont que les intérêts d'Israël à coeur, et qui vous opposeraient quantité d'arguments fallacieux pour vous empêcher
d'avancer vers la résolution de ce conflit, l'un des plus tragiques et le plus douloureux de l'histoire du Moyen Orient - et même du Monde entier.
Nous vous demandons solennellement d'avoir le courage et la perspicacité nécessaires pour écouter non pas l'une des parties mais les deux,
en prenant en compte les intérêts des personnes concernées, et non ceux de la géostratégie et de la finance : de comprendre la situation telle
qu'elle se vit sur le terrain, par des gens ordinaires.
La leçon que nous devons tirer de cette terrible guerre à Gaza est qu'il faut absolument que le conflit entre Arabes et Israéliens cesse;
que les Palestiniens comme les Israéliens doivent accepter la version de l'histoire de l'autre ; qu'ils doivent accepter
de voir que leurs avenirs sont inter-dépendants et ne peuvent se construire dans la paix que dans deux Etats vivant côte à côte - comme voisins et non comme ennemis.
L'occupation militaire et les colonies juives illégales en Cisjordanie et à Jérusalem-Est ne permettront jamais les relations pacifiées
et amicales auxquelles tous les peoples épris de paix aspirent. Les souffrances infligées à des civils et les actions guerrières ne permettront
jamais de sortir du conflit et, comme le passé l'a amplement démontré, ce n'est pas par ces moyens qu'on pourra sécuriser les populations
et construire une paix durable. Il est plus que temps pour qu'une diplomatie volontariste occupe le devant de la scène,
que de vraies négociations prennent la relève, et nous attendons de vous, Monsieur le Président, que vous preniez les commandes d'une telle initiative.
Les leçons de l'histoire
Cher Président-Elu Obama,
C'est à vous qu'échoit une mission spéciale en vue de la paix au Moyen-Orient. Quoique le fardeau de la crise
financière qui menace le monde risque de peser très lourd sur vos épaules, une avancée véritable vers une paix juste,
qui mettrait un terme au conflit entre Pays arabes et Israël vous apportera, à vous et à votre grand Pays, une reconnaissance sans pareil.
L'Histoire marquera d'une pierre blanche un exploit parmi les plus glorieux des Etats-Unis, à mettre sur le compte d'un Peuple épris de liberté.
Les relations passés entre le Peuple américain et notre Peuple palestinien ont été riches et variées, pleines d'une reconnaissance mutuelle
et empreintes de compassion. Depuis la Commission Crane, qui a visité la Palestine en 1919 à la demande du gouvernement américain,
(quand on entendit des Palestiniens exprimer leur admiration pour les Etats-Unis et leur désir de l'avoir pour Puissance mandataire),
jusqu'à nos jours, le soutien et la solidarité de nombreux citoyens américains, et de nombreuses églises et organisations américaines
ne nous ont jamais manqué. En particulier lors de l'exode massif de réfugiés palestiniens suite à la guerre Israélo-palestinienne de 1948,
d'importants segments de l'opinion publique américaine se sont émus de notre malheur, en tant que peuple dépossédé de sa terre.
Cette tradition de compassion, de souci et d'identification avec notre cause a souvent été tenue dans l'ombre, Monsieur le Président, et ceci pour de multiples raisons.
Il est temps que cela change, Monsieur Obama, il faut que cela change si cette terre sainte et pourtant déchirée et meurtrie peut
un jour offrir à ses enfants une vie normale et un espoir d'avenir. La Paix en Terre Sainte ne serait pas seulement une aubaine
pour ceux qui l'habitent, mais un atout définitif pour la stabilité et la paix dans le monde. Notre Peuple palestinien est prêt,
lui, pour la paix, mais il ne voit aucun résultat encourageant couronner les efforts de ceux de ses responsables politiques qui
ont voulu engager leurs homologues israéliens en ce sens. Les négociations sans fin n'ont abouti à aucun résultat concret.
Certains, parmi nous, en sont venus à penser qu'Israël ne désire pas sincèrement une paix et ne comprend que le langage de la force.
Ce qui se passé à Gaza aujourd'hui favorise ce genre d'arguments. Bien que je veuille prendre en compte le dommage et la peur occasionnés
aux civils israéliens par les roquettes du Hamas, il ne faut pas oublier que c'est l'occupation militaire des territoires palestiniens par Israël,
et dans le cas de Gaza, l'encerclement et l'étouffement exercé sur ce petit bout de terre par l'Etat israélien, qui sont la cause véritable d'un conflit qui perdure.
La Bande de Gaza subit depuis de longs mois un blocus impitoyable qui donne aux gazaouis le sentiment d'être dans une « prison à ciel ouvert ».
Le test, Monsieur le Président, sera pour vous et votre administration de voir comment votre charisme et votre perspicacité pourront mettre en oeuvre un rapprochement,
désiré par beaucoup ici, et inaugurer le long processus de guérison qui sera nécessaire après une si longue histoire de guerre,
de violence et de vengeance. Vous avez une merveilleuse capacité, Monsieur le Président, de parler non seulement aux esprits mais aux coeurs,
dont nous aurons besoin pour insuffler à tous une vision nouvelle.
L'espoir du peuple palestinien
C'est mon espoir, et j'en suis sûr, l'espoir de tout le Peuple palestinien, que vous apporterez à la résolution de nos problèmes
vos qualités d'Homme d'Etat considérables, et que vous mettrez tout votre coeur à apporter la paix et la stabilité à notre Terre Sainte
comme à tout le Moyen Orient. Au cas où ce grand espoir ferait faillite, Monsieur le Président, l'avenir ne nous apportera que la continuation
de ces confrontations militaires, avec tout leur cortège de malheurs. En ce cas-là, nous tous, Israéliens et Palestiniens, nous continueront
de vivre ce cycle infernal de violences insensées et sans fin. Votre élection en elle-même indique que le Peuple américain est prêt pour un changement.
Nous Palestiniens, aussi, nous sommes prêts pour un changement, prêts pour la paix.
Cher Monsieur Obama,
Votre élection à la Présidence des Etats-Unis nous remplit d'espérance, ici en Palestine. Puisse notre futur marquer un tournant,
et sous vos mandats que la Palestine obtienne un Etat viable et indépendant ! Puisse notre pays se consacrer à la réhabilitation
et à la reconstruction, déterminé à vivre en paix avec ses voisins ! C'est votre propre détermination qui pourra faire advenir ce futur.
J'ai toute confiance que vous ne nous décevrez pas. Vos propres succès seront nos succès à tous, toute nationalité, culture et croyance confondus.
Je souhaite ardemment que l'inspiration que vous avez déjà donné à des millions d'Américains puisse se communiquer aussi à mon people.
Un grand nombre de Palestiniens et d'autres populations de la région sont prêts à vous apporter leur soutien. Ils attendent que vous leur montriez le chemin.
Sincèrement, Dr. Bernard Sabella