Quatre musulmanes de l’atelier
« Mes Tissages » ont accepté
d’exprimer leur foi en l’Au-delà.
Quels sont vos sentiments quand vous songez à l’Au-Delà ?
Leïla : Quand on songe à l’Au-delà, il est normal d’avoir peur de la mort et du jugement de Dieu. Quand on a manqué une prière, on s’interroge. Chaque jour on pense au mal qu’on a pu faire et on se demande ce que Dieu en pense. On a peur et c’est normal. Ce sont nos parents qui nous ont inculqué cela mais aussi l’école, mais aussi le Coran qu’on lit à l’âge adulte. On nous parle du Paradis et de l’Enfer, de ce qu’il faut faire et ne pas faire. A mes enfants je leur parle à mon tour. Quand ils font quelque chose qui n’est pas bien, je les reprends et je leur explique. On ne sait pas quand on va mourir : peut-être dans vingt ans ou peut-être maintenant. Il faut toujours penser à faire des choses bonnes dans notre vie.
Lamia : Nous sommes des humains : on peut faire des fautes ou des choses pas bonnes mais on se rattrape après. Tant qu’on est en vie on peut toujours se rattraper. Dans notre prière, cinq fois par jour, on se met devant Dieu pour se faire pardonner, pour se rapprocher de Lui. Avant de s’endormir, on fait une dawa (1). Si on meurt dans notre sommeil – on ne sait jamais - Dieu nous pardonnera. On dit aussi la shaada (2).
Nissa : Cette demande de pardon concerne les petits péchés mais pas les grands. Si on meurt dans la nuit, les péchés qu’on a faits dans la journée sont pardonnés. On a deux anges. Un, du côté gauche, qui écrit ce qu’on fait. Si on demande pardon, ce que l’ange a écrit est effacé. En ce qui concerne les gros péchés, on se rappelle que Dieu est miséricordieux. On peut toujours espérer son pardon. On a confiance en sa clémence.
Qu’est-ce que le péché d’après vous ?
Lamia : Ce que j’appelle « péché » c’est par exemple, en discutant avec quelqu’un, critiquer une personne qui n’est pas là. Dire du mal de quelqu’un c’est un « gros péché ». Ce sont souvent les femmes qui agissent comme cela. Le Coran dit que les femmes sont majoritaires en Enfer. En effet, c’est très mal, en islam, de parler derrière les gens. Il est vrai que, quand on se rencontre, on parle. C’est plus fort que nous : quel que soit le sujet, on en vient à dire du mal de quelqu’un. C’est pourquoi l’Enfer est rempli par les femmes. Le Prophète a demandé aux femmes de faire beaucoup d’aumônes afin de racheter le fait d’avoir dit du mal de tout le monde. On peut dire que les hommes frappent plutôt que de parler mais leur manière d’agir est moins fréquente que chez les femmes qui sont systématiquement bavardes. Dès qu’elles sont trois ou quatre, elles tapent sur quelqu’un. Les hommes, entre eux, parlent du travail ou de la politique plutôt que de critiquer qui que ce soit. Nous, les femmes, nous essayons d’échapper à ces mauvaises tendances.
Karima : Il y a plus grave que de dire du mal des gens de notre entourage. Si quelqu’un tue sans raison, ce n’est pas pardonnable. Celui qui tue une seule personne est aussi impardonnable que s’il avait tué tous les hommes de la terre. Si le meurtre est involontaire, par exemple dans un accident de voiture, il doit jeûner deux mois de suite et demander pardon. Mais si quelqu’un commet un meurtre volontairement, ce n’est pas pardonnable. Peut-être, s’il regrette sincèrement et s’il pose de nombreux actes bons, il obtiendra miséricorde. Mais ce qu’il doit faire pour être pardonné est incalculable. Si quelqu’un, volontairement, manque un jour de jeûne, il faut qu’il reste 60 jours sans manger, pour être pardonné. Imaginez ce que peut entraîner un meurtre prémédité.
Leïla : Pour en revenir au jugement bien sûr on a peur, même si chacune de nos fautes est pardonnable. Pour gagner son procès, il faut jeûner et faire sa prière. Mais si quelqu’un se suicide, c’est directement l’Enfer. Si quelqu’un se convertit à une autre religion, ce n’est pas pardonnable non plus. En ce qui concerne le jugement des non-musulmans on ne peut rien en dire : c’est l’affaire de Dieu.
Qui va en Enfer ?
Nissa : On croit ce que le Coran dit mais nous ne savons pas ce que Dieu fera. On ne peut pas dire « Celui-ci va en Paradis » et « Celui-là va en Enfer ». Il ne faut pas demander miséricorde pour nous mais pour tous les autres. Même si l’on voit quelqu’un qui a fait de grands péchés, on ne doit pas dire « Il va en enfer » mais il faut dire « Que Dieu lui pardonne ! » On raconte qu’une prostituée a été admise au Paradis parce que malgré son péché, elle avait fait du bien à un chien en lui donnant à boire. Ce n’est pas à nous de juger. On peut prier pour un criminel.
Comment concevez-vous l’Au-Delà :
le Paradis et l’Enfer ?
Lamia : Au Paradis, on a tous le même âge : 31 ans. Il n’y a plus d’handicapés, plus de différences. On trouve tout ce qu’on veut, tout ce qu’on souhaite. On trouve des arbres, des jardins, des fruits à volonté. Tout. C’est le grand soulagement ; ça y est ! C’est gagné ! On a Dieu dans le Paradis. Tous les vendredis on voit Dieu. On devient plus beau en le voyant !
Il y a plusieurs sortes d’enfers en fonction des péchés que l’on a faits. Certains en sortiront pour aller en Paradis. Dans la vie d’ici-bas, quand un enfant fait une bêtise on commence par le gronder et après on lui pardonne. On n’est pas forcément en enfer pour toujours. Si les gens croient vraiment en Dieu, même s’ils font des péchés, en fin de compte ils arrivent au Paradis. Si des gens qui croient en Dieu font des choses belles, ils iront au Paradis. Cest ce que je crois mais, au bout du compte, c’est Dieu qui décide. Si je n’aime pas quelqu’un et que je le tue sans raison, c’est impardonnable. Celui qui a tué un vieux prêtre, cet été, n’avait pas de raison de lui en vouloir. On n’avait pas le droit de le tuer.
L’oncle du Prophète s’occupait de lui et prenait sa défense. Mais il avait refusé de considérer que Mohammed était prophète. Il croyait aux idoles et non en Allah. Le Prophète a demandé que Dieu lui pardonne parce que c’était quelqu’un de bien.
Les kamikazes disent qu’en commettant leurs actes ils vont au Paradis. Qu’en pensez-vous ?
Karima : Les kamikazes ne peuvent pas aller au Paradis. D’abord ils font un gros péché en se tuant. Tuer des gens, des enfants, des vieillards qui n’ont rien fait de mal, c’est pire encore que le suicide. Ils disent qu’ils font le djihad mais le djihad suppose qu’on ait des guerriers équipés devant soi alors qu’ils s’en prennent à des enfants ou des vieillards innocents. Même dans la guerre, il est interdit de tuer les femmes, les vieillards et les enfants. On ne peut pas parler de djihad quand on s’en prend à des gens qui n’ont pas d’armes ! Les kamikazes ce n’est pas l’islam. L’islam ne demande pas de tuer des innocents. C’est un grand dommage qu’ils disent agir au nom de l’islam.
Comment se produit le passage de ce monde à un autre ?
Leïla : Quand on est près d’un mourant, on le prépare à paraître devant Dieu. On récite près de lui la shaada ; on l’engage à demander pardon. On fait parfois venir un imam ; certains font appel à des croyants qui sont au courant de ce qu’il faut faire.
Dès qu’on est dans la tombe viennent deux anges. Ils nous demandent « Qui est ton Dieu ? » « Qui est ton prophète ? ». Ceux qui ne croient pas se trompent et ils disent à l’ange « C’est toi mon Dieu ! ». Alors ils sont dirigés vers l’Enfer. Quand on a parlé à l’Ange, alors on rencontre ceux qu’on a connus : ton père et tous les autres qui sont morts avant et qu’on a aimés. Mon père est mort voici deux ans. Ma cousine est morte il y a un an. Leurs âmes vont se rencontrer et ma cousine, en le rencontrant, lui donne des nouvelles de sa famille. Ce ne sont pas toutes les âmes qui se rencontrent mais celles des croyants qui ont fait le bien.
Entre ceux qui sont dans l’Au-delà et nous,
y a-t-il communication ?
Karima : Les défunts peuvent venir nous voir dans nos rêves. Il n’y a pas longtemps j’ai rêvé de mon grand-père qui m’a élevée. Il était souriant ; il était très content et il ouvrait une porte. Cela veut dire que ce que j’espère va se réaliser. Il arrive qu’on se parle dans les rêves. Il y a même des gens qui ont la chance de voir le Prophète dans leurs rêves. Mais on ne demande rien aux défunts ; on s’adresse directement à Dieu ; il n’y a aucun intermédiaire entre lui et nous. On peut demander à Dieu d’alléger la peine de quelqu’un qui est mort. Tout ce qu’on veut, on peut le demander et après c’est Dieu qui décide.
Quelle est votre attitude devant Dieu
quand vous pensez à l’Au-delà ?
Lamia : Dieu, on l’aime mais on doit le craindre aussi. Avant tout on doit l’aimer. Après on doit le craindre parce que c’est Lui qui nous a créés. On doit faire ce qu’Il nous dit : les prières, le jeûne, les choses bonnes. Mais on doit l’aimer avant tout. C’est Dieu qui a créé l’univers, c’est lui qui nous a créés. Nos parents nous ont mis au monde. On aime sa mère, on aime son père. Mais quand l’enfant fait une bêtise, il les craint. Parce que Dieu nous a créés on doit l’aimer. Il nous a donné des règles : on doit les suivre.
Karima, Lamia,
Leïla, Nissa,
1- Dawa : courte prière d’ invocation personnelle / Retour au texte
2- Shaada : la profession de foi musulmane (« J’atteste que Dieu est Dieu et que Mohammed est son prophète »)
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