La loi votée en août dernier, rebaptisée « loi confortant le respect des principes de la République », a pour but avéré de lutter contre les « séparatismes ». On le sait, c’est le meurtre de Samuel Paty en novembre 2020 qui avait entraîné l’annonce de cette nouvelle loi. Les « séparatismes » dont il est question visent donc essentiellement un « séparatisme musulman », dont l’appel à la haine et le rejet des lois de la République seraient l’expression emblématique.

Il est légitime de craindre l’effet délétère de certains discours et de certaines idéologies qui se réfèrent à l’islam pour prôner la haine de l’Occident et de ses valeurs et il est nécessaire de chercher à les contrer. Toutefois, cette loi apporte-t-elle réellement des solutions ? Beaucoup en doutent. En revenant sur le régime des associations de loi 1901, elle semble remettre en cause l’équilibre défini depuis plus d’un siècle dans les relations entre les communautés religieuses et l’État français. N’est-ce pas basculer vers un régime de contrôle du religieux par le politique, outrepassant la stricte séparation des deux sphères ? Régime de contrôle dont les communautés musulmanes feraient les frais en tout premier lieu.

Par ailleurs, quelle pertinence accorder à ce concept de « séparatisme » qui, même s’il fut gommé du titre officiel de la loi, n’en continue pas moins de guider son contenu ? Ce terme n’est-il pas à interroger ? Le « séparatisme musulman » est-il la seule forme de séparatisme qui menace notre société ? Chercher à contrôler les discours religieux sans prendre suffisamment en compte les fractures sociales qui ne cessent de se creuser, n’est-ce pas s’attaquer seulement au haut de l’iceberg ?(...)

Anne-Sophie Vivier-Muresan, Directrice de la publication
Pastel de Noëlle Herrenschmidt

La loi et le principe de laïcité

Deux spécialistes des lois – Jean-Luc Rivoire et Emmanuel Tawil - exposent leurs points de vue sur la promulgation de cette loi en France. Bonita W. Pinkham nous permet de comparer la séparation des Églises et de l’État dans notre pays à celle des États Unis.

Fallait-il réformer la laïcité ?
Jean-Luc Rivoire

Une loi à l'avenir incertain
Emmanuel Tawil

Séparation... à l'Améicaine
Bonita W. Pinkhal

Séparatismes

De quel(s) séparatisme(s) au sein de la société française parlons-nous ? Ne convient-il pas de mettre ce mot au pluriel ?
Lors d’un débat entre musulmans et chrétiens, on constate que, par cette loi, « on veut viser une cible : l’islam. Mais comme la République ne peut discriminer entre les religions, on a voté une loi pour l’ensemble. Cette loi repose sur un non-dit : elle suspecte a priori les musulmans d’avoir des comportements non compatibles avec la République. »  :
Les thés de Gennevilliers
Propos recueillis par Christine Fontaine

Patrice Leclerc, maire de Gennevilliers, met l’accent sur un point différent : « Dans une ville populaire ce sont les inégalités sociales avec les inégalités subies, économiques avec le chômage, politiques avec la revendication d’être respectés qui s’expriment et non la question religieuse stricto sensu. »  :
Le séparatisme pour nous faire peur
Patrice Leclerc

Fatima Tayab nous fait part de sa propre histoire. Elle habite dans une rue où un mur a été dressé entre les « étrangers » et les autres. Ces étrangers ne sont pas tous des musulmans et ils sont tous parfaitement insérés, par ailleurs, dans la société française. Le mur de séparation provient de la peur des autres :
Un mur de séparation
Fatima Tayab

Des voix s'élèvent

Des voix s’élèvent pour affirmer que la foi chrétienne ou la foi musulmane n’invitent pas à la séparation et au rejet de l’autre mais appellent au contraire les croyants à trouver leur place dans la société dans laquelle ils vivent pour se mettre au service d’autrui. Deux théologiens, l’un musulman (Tareq Oubrou), l’autre chrétien (Bernard Michollet), prennent ici la parole en ce sens. Un prêtre, Hedwig Reytjens, nous décrit quant à lui comment de telles convictions s’incarnent concrètement dans le quotidien de la ville où il habite, en Belgique.

Islam contemporain. Intégration ou séparatisme ?
Tareq Oubrou

Mis à part pour être intégrés à la vie sociale
Bernard Michollet

Du séparatisme ou des communautés séparées
Hedwig Reyntjens