Des dizaines de milliers d’hommes, de vieillards, de femmes et d’enfants, seuls ou en famille, quittent leur pays (Syriens, Libyens, Érythréens, Afghans…) pour fuir la guerre et sauver leur vie, laissant derrière eux maison, métier, amis et parfois même parents et viennent frapper à la porte de l’Europe, à notre porte. Beaucoup trouvent la mort en chemin. Ces nouveaux étrangers s’ajoutent aux demandeurs d’asile et migrants économiques que nous rencontrons à Villes Univers et qui, sans que leur vie soit aussi directement menacée, cherchent eux aussi du travail, un logement, des papiers. Et le phénomène va s’amplifier et va durer… en attendant l’arrivée des migrants climatiques.
Qu’est-ce qu’une petite association comme la nôtre peut bien faire ? Au moins ne pas céder à la peur qui se nourrit d’ignorance et de clichés et engendre xénophobie, haine et violence. Nous n’allons quand même pas remplacer notre belle devise « Français, Étrangers, ne restons pas étrangers les uns aux autres » par « Français, restons étrangers aux Étrangers, méfions nous d’eux, renvoyons les chez eux et enfermons nous chez nous » ! Installer des réseaux de barbelés, bâtir des murs ou rehausser ceux qui existent déjà se révèle inefficace, et cela multiplie le nombre des morts. Notre pays semble se diviser entre ceux qui pensent qu’on ne peut rien faire, que trop c’est trop, et ceux qui pensent qu’on peut essayer de faire quelque chose. Nous nous rangeons délibérément dans cette dernière catégorie, d’autant que nous ne partons pas de zéro.
Nous sommes bien placés, en effet, depuis 25 ans, pour savoir que beaucoup d’Étrangers, mais aussi de Français, attendent déjà eux aussi travail, logement, soins médicaux, et nous connaissons nos limites et notre impuissance à répondre comme nous le souhaiterions à leur attente. Mais, si petite soit notre aide, elle est une main tendue et un encouragement à ne pas désespérer. Il est vrai que certains, à Villes Univers, nous disent avec émotion qu’ils craignent que cette vague de réfugiés retarde le moment où leur situation pourra s’améliorer. Et quelle place dans notre société, loin des médias, trouvent tous ceux qui ne réclament pas leurs droits, par ignorance, par peur ou par honte ? Méfions-nous cependant de ne pas dresser les pauvres contre les pauvres et méfions-nous de ceux qui le font pour des raisons de politique politicienne. Espérons plutôt que l’obligation, pas seulement morale, de faire de la place pour ces nouveaux arrivants renforce la volonté des pouvoirs publics par exemple pour accélérer la construction de logements sociaux, et encourage de multiples initiatives privées complémentaires.
Notre petite association n’a guère de pouvoir sur le plan politique. Nous rencontrons des personnes, pas des idées, et nous continuerons avec une motivation et une volonté renouvelées à faire que Français et Étrangers ne restent pas étrangers les uns aux autres. Pour cela nous allons ouvrir une nouvelle permanence et notre appel à recruter de nouveaux accueillants a déjà commencé à être entendu. Beaucoup à Asnières, à Gennevilliers et dans d’autres communes proches souhaitent répondre au défi qui nous est lancé. Qu’ils nous rejoignent ! Et nous ne sommes pas seuls : plusieurs associations voisines travaillent dans le même esprit. Nous allons renforcer nos échanges avec elles.
Villes Univers, Octobre 2015
Peintures de Dominique Doulain