Questions morales

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Les musulmans au service de l'humanitaire laïc ?
d'un chrétien à un musulman


Egalité des chances pour les enfants ?
d'un musulman à un chrétien


Du vin à table ?
d'un chrétien à un musulman


S'abstenir de vin à table ?
d'un musulman à un chrétien


Intolérance au Pakistan
d'un chrétien à un musulman


Les sans-logis en France
d'un musulman à un chrétien


Silence de l'Eglise de France au moment de l'attaque sur Gaza
d'un musulman à un chrétien


Célibat des prêtres et pédophilie
d'un musulman à un chrétien


Pourquoi le Pape s'adresse-elle au monde?
de musulmans à chrétiens


Islam, pays arabes et droits de l'homme
de chrétiens à des musulmans


"Malheur aux riches"
d'un musulman à un chrétien


"Ah vous chantiez!"
d'un chrétien à un musulman


Le préservatif en question
d'un musulman à un chrétien


Les caricatures du Prophète
d'un chrétien à un musulman


Dépasser la haine
d'un musulman à un chrétien


Les musulmans au service de l'humanitaire laïc ?
d'une chrétienne à un musulman



« Avec une équipe de bénévoles laïques, j’assure un accueil pour les personnes venant visiter un parent emprisonné. Nous avons ouvert un local pour accueillir les épouses et les enfants qui parfois sont obligés d’attendre longtemps dehors avant l’heure du parloir. Ceci concerne surtout ceux et celles qui viennent de loin et qui sont dépendants des moyens de transport. Nous créons les conditions pour que l’attente ne soit pas trop inhumaine. Les responsables ont décidé d’organiser, avec l’autorisation des gardiens, une sorte de fête à l’intérieur de la prison entre les détenus et leurs familles : nous connaissons bien les uns et les autres. On a sollicité l’aide des différents aumôniers : le catholique et le protestant ont répondu « présent » mais l’imam a refusé de s’associer à nous alors que la plupart des détenus bénéficiaires de l’affaire sont musulmans. On en vient à se poser la question suivante : l’imam ne consentirait-il à collaborer avec nous qu’à condition d’en avoir l’initiative ? Les musulmans, dit-on parfois, se considèrent comme spirituellement supérieurs aux chrétiens et à plus forte raison aux personnes sans religion. C’est pourquoi, dit-on, ils veulent bien qu’on les aide mais ils répugnent à se mettre au service d’une entreprise humanitaire s’ils n’en ont pas la maîtrise. Qu’en est-il exactement ? »

Réponse d'un musulman : ’existence de « La Maison islamochrétienne » est la meilleure réponse à la question : musulmans et chrétiens y travaillent coude-à-coude depuis vingt ans sans qu’il y ait de préséance des uns sur les autres.

Nous ne savons pas expliquer le comportement de cet imam. Nous devons seulement reconnaître que rien en islam ne peut justifier sa réaction.


Egalité des chances pour les enfants ?
d'un musulman à un chrétien



La réforme scolaire qui se met en place prétend promouvoir l’égalité entre les citoyens, en particulier entre les enfants issus d’une famille immigrée et musulmane et le reste de la population. Je suis sceptique devant les mesures qui sont proposées. Il ne s’agit pas d’abord d’aménager des horaires ou de modifier l’importance donnée à telle ou telle matière mais de faire en sorte que les enfants, quel que soit le milieu dont ils sont issus, soient soumis aux mêmes conditions. S’ils ont le même programme, les enfants qui, en septembre prochain, entreront en 6ème dans un collège de Neuilly n’ont pas les mêmes chances que ceux qui commenceront leurs études secondaires à St Denis. Si, à St Denis ou dans les villes de banlieue, quelques familles veulent que leurs enfants réussissent, elles s’efforcent de les inscrire dans l’enseignement privé où ils ont du mal à être accueillis.

Un ensemble d’enfants issus de milieux cultivés n’avance pas au même rythme qu’un ensemble d’enfants grandissant dans une famille de culture étrangère.
Comment promouvoir une vraie égalité des chances ?

Réponse d'un chrétien : Il s’agit d’une vraie question.
En réalité, le problème est aussi celui du logement. Si l’ensemble de la population immigrée était disséminée dans l’ensemble d’une ville, le problème serait plus facile à résoudre : les professeurs peuvent faire face aux difficultés de deux ou trois immigrés dans une classe. Hélas ! Pour des raisons purement électoralistes, trop de maires se protègent des populations immigrées.

Les chrétiens devraient s’insurger devant cette situation. Ils se sont rassemblés pour dire leur opposition au « Mariage pour tous ». Ils pourraient réclamer avec autant de force une politique du logement qui résoudrait bien des problèmes de société, en particulier les problèmes scolaires.


Du vin à table ?
d'un chrétien à un musulman



Nous avons pour voisins, dans une petite ville de province, une famille marocaine. Pendant le Ramadan, ils ont eu la gentillesse de nous inviter un soir, à rompre le jeûne avec eux. Par politesse et par amitié, nous les avons, par la suite, invités un dimanche à déjeuner chez nous. Lorsqu’ils ont vu sur la table, une bouteille de vin à côté des bouteilles de Badois préparées pour eux, ils n’ont pas voulu entrer, prétendant que le repas était haram. Nous avions pris la précaution de préparer du poisson pour être sûrs de ne pas les mettre devant une situation difficile.

Bien sûr, nous avons retiré le vin. Mais nous sommes un peu choqués  ; non seulement nous nous étions efforcés de respecter leurs interdits  mais nous avons dû nous y soumettre. En effet, contrairement à nos habitudes, nous n’avons bu que de l’eau au cours du repas.

Après cette expérience, je me demande si Michel Houelbecque n’a pas eu raison d’alerter l’opinion avec son roman intitulé « Soumission  ». L’immigration maghrébine n’est-elle pas le prélude d’un bouleversement culturel où nous serons tous soumis à la loi islamique ?

Réponse d'un musulman : Votre voisin musulman n’avait pas à vous interdire de boire du vin. Il est vrai que nous ne savons pas encore vivre ensemble et qu’il faut découvrir progressivement la manière de le faire. Au passage, il faut souligner que cette invitation mutuelle à partager un repas est un beau symbole : malgré la maladresse de notre ami musulman, on ouvre sa porte à l’autre qui cesse d’être un étranger.

Devant le risque d’une invasion islamique que vous redoutez, on se doit de sourire. Loin d’être en position de conquérants, les musulmans de France sont en situation de précarité, objets de mépris. L’islamophobie grandissante est plus à craindre que la soumission à une Sharia imaginaire. Cessons d’avoir peur les uns des autres ; apprenons à nous connaître et à nous respecter.


S'abstenir de vin à table ?
d'un musulman à un chrétien



Je suis musulmane et je suis cadre dans une entreprise. Je suis croyante et je joue le jeu de la laïcité : il ne me viendrait pas à l’idée de mettre le voile pour aller au travail. Mais une collègue chrétienne m’a invitée ainsi qu’une autre personne non-musulmane à dîner chez elle. Je dois reconnaître qu’elle avait fait un effort ; par exemple, par respect pour moi, elle avait acheté sa viande dans une boucherie hallal. Mais, lorsque nous sommes passés dans la salle à manger : j’ai eu un choc. J’ai vu une bouteille sur la table. Participer à un repas où l’on boit du vin est haram. Je n’ai rien dit mais j’en ai voulu à ma collègue pour son indélicatesse; elle m’a contrainte à offenser Dieu. Les non-musulmans de France devraient être attentifs à la sensibilité des musulmans et respecter leur religion. Cela ne leur coûte rien de s’abstenir de vin quand ils sont avec des musulmans.

Réponse d'un chrétien : Vous touchez du doigt un des points où le fait de vivre ensemble est mis à l’épreuve. C’est en mangeant ensemble qu’on fait l’expérience de nos différences. Si la vue d’une bouteille vous trouble, vous auriez dû le dire à votre amie au moment de l’invitation.

Mais, de toute façon, si vous venez dans un pays comme la France, il est inévitable que vous rencontriez de l’alcool. Refuserez-vous de faire vos courses dans un Monoprix où vous côtoierez, à coup sûr, des rayons où l’on en vend à profusion ? Le musulman doit savoir aussi qu’en France, le vin est profondément symbolique : il est instrument de convivialité. « Prendre un verre » avec quelqu’un, comme on dit, c’est proclamer son amitié. Même s’il s’abstient de tels gestes, le musulman se doit de les respecter. Savez-vous que Jésus, à en croire les évangiles des chrétiens, a pris du vin pour dire l’amour que Dieu porte à tous les hommes ? Vous avez raison d’inviter les non-musulmans à respecter votre sensibilité mais ne devriez-vous pas faire effort, vous aussi, pour comprendre la culture du pays où vous avez décidé de vivre ?

Vous avez sans doute eu raison de ne rien dire à votre amie en voyant du vin sur sa table. Mais un chrétien a du mal à comprendre que vous considériez votre silence comme un péché. Si vous aviez fait des reproches à la personne qui vous invitait, c’était l’offenser et lui manquer de respect.

Enfin, sachez que beaucoup de musulmans de France, authentiquement croyants, n’ont pas les mêmes scrupules que vous et n’hésitent pas à partager la nourriture, dans la mesure où elle est hallal, avec des personnes qui prennent du vin à leur repas.


Intolérance au Pakistan
d'un chrétien à un musulman



Au Pakistan, les familles chrétiennes sont l’objet de pression de la part de leurs voisins musulmans. On les dénonce à la police, les accusant de blasphème, s’ils refusent de se convertir. Ceci aboutit, en vertu de la loi du pays, à des condamnations à mort. Pourquoi les musulmans de France ne condamnent-ils pas pareille intolérance ?

Réponse d'un musulman : En tant que musulman, j’affirme que le Coran ne peut contraindre personne à la conversion («Pas de contrainte en la religion»). La loi concernant le blasphème à laquelle vous faites allusion est une invention humaine que, pour ma part, je réprouve vigoureusement. Je suis d’accord pour que la situation faite aux minorités chrétiennes du Pakistan (ou d’ailleurs) soit réprouvée et condamnée. Pour ma part, en tant que citoyen, je préfère me joindre aux associations de défense des droits de l’homme plutôt que de me référer à mon appartenance musulmane pour condamner ces comportements intolérants. Je suis persuadé que les prises de conscience démocratique qui se font jour dans le monde arabe sont un heureux présage. Ils sont l’annonce d’un monde où le respect des consciences s’imposera dans tous les pays.

Profitons de cette question pour revenir, une fois de plus, sur une idée importante chez les musulmans de «La Maison Islamo Chrétienne». Les catholiques, le pape en tête, protestent sur le sort fait aux minorités chrétiennes dans les pays musulmans. Nous sommes les premiers à désirer que, partout dans le monde, les droits religieux soient respectés. Mais il ne faut pas négliger le fait que, dans beaucoup de pays arabes, les musulmans eux-mêmes se déchirent: sunnites contre chiites. Ne les oubliez pas!


Les sans-logis en France
d'un musulman à un chrétien



Le nombre des sans-logis ou des mal-logés, en France, est impressionnant. N’est-ce pas la preuve que les chrétiens ont perdu tout esprit de solidarité? Je pourrais fournir une liste impressionnante de logements vides. Les propriétaires exigent des loyers qui ne sont pas à la portée des chômeurs ni même de ceux qui perçoivent un salaire à peu près correct. J’ai entendu dire que le pape avait décidé que l’année 2011 serait « année de la famille ». L’accès à un logement décent est la première condition pour que la vie de famille se déroule dans la dignité. Que dirait Jésus s’il voyait les sans-abris dans les rues de nos villes ?

Oui, cette question est brûlante. La réponse à la question est facile ?: Jésus dirait que c’est lui-même qui est exclu. « Je suis sans-abri et vous ne m’accueillez pas ».

Un chrétien, en effet, ne peut pas se résigner devant cette situation. Il se doit, au minimum, d’orienter ses choix politiques à partir de l’évidence que notre ami musulman nous rappelle. Il ne devrait pas tolérer, par exemple, que les élus de sa ville refusent, pour des raisons financières, de construire des logements sociaux. Il est vrai que le m² à Neuilly perdrait de sa valeur si on y accueillait des populations immigrées ! Chrétiens et musulmans, sur ce point comme sur tant d’autres, devraient pouvoir s’entendre. et refuser ces arguments des riches.

Oui, nous sommes d’accord avec vous pour dire qu’il ne sert à rien de défendre des valeurs familiales si l’accès au logement n’est pas possible. Ajoutons que les adolescents et les jeunes entreraient plus facilement dans la culture s’il leur était possible de faire leurs études dans des conditions favorables.

Espérons que des responsables ecclésiastiques entendront votre appel. Sauront-ils prendre le relais de l’Abbé Pierre et trouver les mots que les responsables sauront entendre?


Silence de l'Eglise de France au moment de l'attaque sur Gaza
d'un musulmans à un chrétien



Comment se fait-il que l'Eglise de France soit restée silencieuse au moment où le monde entier était scandalisé par la violence subie au large de Gaza par une flottille humanitaire, au mépris des règlementations internationales les plus évidentes? Est-ce à dire que les évêques de France ont peur d'offenser le monde juif de France alors qu'ils semblent se désintéresser du problème palestinien auquel les musulmans de France sont particulièrement sensibles.

La question est mal posée. Il est vrai qu'à notre connaissance les évêques de France ne se sont pas prononcés sur ces événements où de nombreuses personnes ont trouvé la mort en portant secours à une population en danger. Mais les évêques ne sont pas l'Eglise à eux tout seuls. Le jour où la flottille était arraisonnée, une paroisse de Chatenay Malabry recevait l'ancien curé de Gaza, qui après avoir célébré la messe, parlait longuement de la situation à la communauté chrétienne qu'il avait devant lui. Sa présence en France était le fruit du travail des «Chrétiens pour la Méditerranée», de Pères du St Esprit et du C.C.F.D. qui lui ont permis de se déplacer en France pour en appeler à la communion des églises. Les chrétiens de La Maison islamochrétienne ont pu obtenir d'être reçus par lui lors de son passage à Paris: Christine Fontaine, dans ce numéro même (la Maison Islamo Chrétienne), nous donne le compte-rendu de cet entretien. C'étaient encore des chrétiens qui, quelques jours plus tard, réunissaient autour de Leïla Shahid et du Père Musallam des centaines de personnes à la Mairie du XXème arrondissement.

Les évêques se désintéressent-ils de la question palestinienne ? On serait tenté de le penser lorsqu'on se souvient que, lors de la guerre de l'hiver 2008-2009, ils traitaient de terroristes les résistants de Gaza à peu près désarmés devant les armes sophistiquées d'Israël qui faisaient des milliers de victimes parmi les populations civiles et les enfants. Pour notre part, nous avons été surpris voici quelques mois par l'Evêque de Nanterre ; nous lui avions envoyé le texte des théologiens de Palestine, appuyé par les autorités religieuses de la région. Ce véritable message de paix, intitulé «Kaïros», est un appel à l'Occident. L'Evêque de Nanterre ne nous a pas répondu. L'a-t-il lu?

Les évêques ont-ils peur d'offenser le monde juif? Se désintéressent-ils des populations musulmanes de France lorsqu'elles sont solidaires des Palestiniens ? Espérons qu'un évêque lira ces lignes et qu'il nous apportera sa réponse!


Le célibat des prêtres et la pédophilie
de musulmans à chrétiens



Les chrétiens sont aux prises avec des questions graves concernant la sexualité. Ils méprisent ce qui est corporel ; c'est sans doute la raison pour laquelle si souvent l'Eglise a à déplorer des actes lamentables de pédophilie de la part de prêtres. Si le célibat n'était pas imposé aux prêtres, on éviterait des drames dont les enfants font les frais.

Il faut reconnaître, bien sûr, que les abus sexuels dont, aux Etats-Unis, en Irlande et quelquefois en France, des enfants ont été victimes, sont intolérables ; dans bien des diocèses, les évêques ont été d'une faiblesse que le Pape n'a pas manqué de condamner. Mais le problème de la pédophilie ne semble pas lié à la condition du célibat ; combien de harcèlements sexuels ont pour auteurs des personnes mariées ?

Quant au célibat des prêtres, il est vrai qu'il ne peut se réclamer d'une volonté expresse de Jésus. Il est vrai aussi qu'il est souvent objet d'incompréhension, dans la société. Il est vrai enfin que cette discipline, qui est propre aux catholiques en Occident, est souvent contestée, dans l'Eglise elle-même : elle peut changer. Son maintien est le fruit de la volonté du Pape. En réalité, le célibat est ancré parmi les chrétiens dans une très ancienne tradition. Il s'est imposé, avec la pauvreté et l'obéissance à un supérieur, en même temps qu'apparaissait la vie monastique, au 4ème siècle. Lorsqu'il est apparu, c'était pour protester contre le comportement de beaucoup de chrétiens compromis avec le pouvoir et risquant de succomber à la tentation de la facilité.

Il scandalise parfois les musulmans tout autant que le voile islamique choque beaucoup de Français. Il convient pourtant de reconnaître que Jésus lui-même était célibataire ; il n'est pas fou, pour ceux qui se réclament de Lui, de tenter de vivre à sa façon.

Quoi qu'on pense du célibat, on comprend mal le christianisme si l'on affirme qu'il méprise le corps. Reconnaître que Dieu nous rejoint, dans la cohérence chrétienne, revient à dire que sa Parole, son Verbe, ont pris chair. Le corps né de Marie est lié à Dieu ; il fait apparaître le désir que Dieu a de l'humanité. L'Eglise méprise si peu le corps qu'elle a fait de la rencontre de l'homme et de la femme un sacrement, une manifestation, dans l'histoire de la présence, par-delà les siècles, du Mystère de Jésus.


Pourquoi le Pape s'adresse-il au monde?
de musulmans à chrétiens



Le Pape Benoît XVI vient de faire paraître une Encyclique. Ne trouvez-vous pas étonnant que l'Eglise s'adresse au monde entier et impose au monde une morale souvent désuète ?

En s'inspirant de l'Evangile, l'Eglise est convaincue que le message qu'elle reçoit de Jésus la conduit à porter un regard sur l'humanité tout entière. Dieu, pour les chrétiens, veut le salut (traduisons : le bonheur) «de tout l'homme et de tous les hommes » disait Paul VI. Il est logique qu'elle adapte son enseignement à la réalité concrète et mouvante que connaît l'humanité.

Lorsqu'elle considère que ses convictions contribuent au bonheur de tous, et pas seulement des chrétiens, elle s'adresse par la voix du Pape ou par un Concile, à l'ensemble des hommes.

Il se trouve que l'Eglise ne dispose d'aucun pouvoir pour imposer ce qui lui semble conforme au message de Jésus. On ne peut pas dire non plus qu'elle gagne quoi que ce soit à être suivie. C'est en toute liberté que chacun peut la lire et la suivre ou la rejeter.

En ce qui concerne la récente Encyclique (« Caritas in veritate »), Benoît XVI s'inscrit dans une longue série de textes qui remonte à 1881. Cette année-là, le pape Léon XIII, prenant conscience de la situation faite au monde ouvrier par la révolution industrielle, publiait la première Encyclique concernant « la doctrine sociale de l'Eglise » (« Rerum novarum  »). Aujourd'hui, au coeur des problèmes soulevés par la mondialisation Benoît XVI a cru devoir rappeler quelques principes importants et la crise économique mondiale. Il est regrettable que ce texte ne soit pas paru quelques mois plus tôt Nous en aurions donné un compte rendu dans notre numéro sur l'argent. Certaines encycliques touchent à la morale personnelle ou à la recherche scientifique. Il est vrai que, sur beaucoup de points, la morale traditionnelle de l'Eglise ne fait pas l'unanimité. Lorsque des évidences sont contestées, on est conduit à s'interroger.


Islam, pays arabes et droits de l'homme
de chrétiens à des musulmans



De Me Maurice Buttin et Henri Marchal :

Le 10 décembre 2008 a été célébré le 60ème anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'Homme (DUDH) dans de très nombreux pays, avec moult discours sur les valeurs défendues dans ce très important document de l'après-guerre.

Cette Déclaration, en certains de ses articles du moins, il faut le savoir, n'a pas été admise à ce jour dans la quasi totalité des pays arabo-musulmans - sauf dans la Proclamation en Alger de l'Etat de Palestine, dont on vient de célébrer le 15 novembre 2008 le 20ème anniversaire. L'Egypte et l'Arabie saoudite, par exemple, ont soulevé dès l'époque le problème de la compatibilité entre les dispositions internationales relatives au droit de l'Homme et la loi islamique (la Charia).

Le principal article contesté était et demeure l'article 18, qui pour moi - chrétien pratiquant, je ne m'en cache pas - est pourtant fondamental, la base même de toute éthique d'un pays qui se veut démocratique. Je rappelle cet article : «Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites», ce que prévoyait déjà la Déclaration de 1789 en France.

Soyons précis : la liberté de religion est admise dans les pays islamiques. Ce qui ne l'est pas, c'est la «liberté de conscience», le droit de changer de religion « ou de ne plus en pratiquer aucune».

Dans l'ordre juridique, cela se traduit encore aujourd'hui par la répression de l'apostasie en Arabie Saoudite et par le devoir imparti à « l'Ordre qui commande le bien et interdit le mal » de traquer toute forme de manifestation par des non-musulmans de leur religion sur le territoire saoudien et l'emploi de symboles spécifiques à leur croyance ! (Sauf, comme par hasard, pour les militaires étasuniens pendant la guerre du Golfe !). Quelques Etats ont ainsi proclamé la primauté absolue de la charia sur les dispositions internationales (Iran, Arabie Saoudite, Soudan). De même, l'OCI (Organisation de la Conférence islamique), dans une Déclaration sur les droits de l'homme adoptée au Caire en 1990 a clairement souligné la primauté de la charia sur le droit international général et les dispositions relatives aux droits de l'homme en particulier. L'influence de l'Arabie Saoudite n'est pas étrangère, selon certains observateurs, à la « culture intégriste » qui imprègne les actes et les résolutions de l'Organisation. Cette charte est entrée en vigueur le 30 janvier 2008.

Son préambule affirme l'adhésion des Etats membres «à la charte les Nations Unies et aux droits fondamentaux de l'homme dont les buts et les principes constituent la base d'une coopération fructueuse entre tous les peuples». Avec cependant une réserve de taille : la primauté de la Charia est consacrée. Sur la question des rapports entre droit international général et loi islamique, elle précise que « la charia est l'unique référence pour l'explication, l'interprétation de l'un quelconque des articles contenus dans la présente déclaration ». Il en est ainsi du droit à la vie et à l'intégrité physique, du droit de circuler, de la liberté d'expression, du droit de participer à la gestion des affaires publiques etc.

Concernant la liberté de conscience et de la religion, l'article 10 condamne toute contrainte exercée sur l'homme pour « l'obliger à renoncer à sa religion pour une autre ou pour l'athéisme » ainsi que « toute tentative d'exploiter à cette fin la pauvreté ou l'ignorance » de l'individu. Cet article n'envisage aucunement la situation du musulman qui décide de changer de religion et ceci pour trois raisons au moins. La première est que l'apostasie est qualifiée de crime passible, en vertu de la charia, de la peine de mort. La deuxième réside dans la volonté des rédacteurs de rester dans la logique de l'article 10 qui réprouve l'exploitation de la pauvreté des musulmans pour les amener à changer de religion. La troisième consiste à rendre la déclaration tout à fait conforme au Coran, qui dans l'un de ses versets interdit toute contrainte en religion.

On s'attachera toutefois à cette réflexion du grand penseur Mohamed Arkoun : « La perception des droits de l'homme dans la pensée occidentale réduite au seul rationalisme positif renforce son malentendu avec l'islam qui a pensé ces droits de l'homme dans le cadre plus large des droits de Dieu. »

Cela exposé, il faut reconnaître aussi, bien sûr, que les pays occidentaux, si attachés dans leurs discours dominicaux aux valeurs de la DUDH, s'empressent de les oublier dès qu'elles viennent à contrarier leurs intérêts économiques ou leurs calculs stratégiques. Ainsi en est-il en ce qui concerne le conflit israélo-palestinien, où le scandaleux « deux poids, deux mesures», est connu de tous. Où, autre exemple, le résultat d'élections, pourtant démocratiques, est rejeté, parce qu'il donne le pouvoir à un parti qui ne leur plaît pas, qualifié a priori de «terroriste» !

REPONSE DE LA REDACTION

Cette question ne peut plus être abordée sans qu'on se réfère à la rencontre catholico-musulmane qui s'est tenue à Rome du 4 au 6 novembre 2008. Il s'agissait, on s'en souvient, de réagir à la lettre de 138 musulmans adressée à Benoît XVI. Le thème du forum romain s'en inspirait : « Amour de Dieu, amour du prochain ». Cette réunion s'est terminée par une Déclaration finale qui fut effectivement difficile à accepter par certains participants représentant l'islam.

Mais, en fin de compte, les 24 délégués, après de très sérieuses discussions, ont apposé leur signature à un texte dont nous citons l'article 5 :

« L'amour du prochain authentique implique le respect de la personne et de ses choix dans les domaines de la conscience et de la religion. Il inclut le droit des individus et des communautés à pratiquer leur religion en privé et en public ».

Il est vrai qu'il s'agit d'un texte qui n'est pas ratifié par une autorité musulmane dûment représentative. Il est vrai qu'il n'y est pas question d'autoriser la conversion à une autre religion ou à l'athéisme. C'est pourtant un symptôme : la conscience musulmane évolue comme la conscience chrétienne avant elle. Rappelons-nous qu'en 1864 le Pape publiait un catalogue d'erreurs au nombre desquelles figurait la liberté religieuse. Il a fallu attendre 1965 et le Concile Vatican II pour que l'Eglise catholique revienne sur la maladresse du pape Pie IX.


"Malheur aux riches"
d'un musulman à un chrétien


Jésus a dit « Malheur aux riches ». Vous dites que l'Occident, en particulier l'Europe, ont des racines chrétiennes. Comment se fait-il que, malgré une parole aussi forte, les chrétiens ne protestent pas davantage contre un système économique mondial qui accroît les inégalités.

Dès l'apparition du monde industriel, l'Eglise a condamné le libéralisme économique. En 1891, Léon XII écrivait une encyclique célèbre ( « Rerum novarum » : « les travailleurs se sont vus, avec le temps, livrés à la merci de maîtres inhumains et à la cupidité d'une concurrence effrénée ». Il dénonçait aussi « la concentration entre les mains de quelques uns de l'industrie et du commerce devenue le partage d'un petit monde de riches et d'opulents qui imposent ainsi un joug presque servile à l'infinie multitude des prolétaires ». A la suite de ce texte presque tous les papes et le Concile Vatican II ont dénoncé le libéralisme économique et le capitalisme d'Etat. Quant aux chrétiens, cette période de Carême est pour eux, comme chaque année, l'occasion, avec l'aide du CCFD, de réflexion sur les inégalités et de marquer leur solidarité avec les victimes d'un système économique injuste.


"Ah vous chantiez !"
d'un chrétien aux musulmans


On entend dire que la danse, le chant et la musique sont interdits pour les musulmans. Ne peut-on craindre que l'islam de France soit une menace pour notre culture ?

Quand Mohammed a quitté La Mecque pour aller à Yathrib, les foules ont chanté pour l'accueillir : « balaa el badrou al ayna  » (« la lune et la lumière viennent à nous »). A l'époque de Médine, Omar voulait intervenir dans une maison où l'on faisait la fête ; le Prophète l'a arrêté : « laisse-les ! Tu n'as pas le droit de les empêcher ! » Dès le début de la période Omeyyade, même dans les villes saintes de La Mecque et de Médine, on faisait venir des chanteurs et des chanteuses dont on a gardé le nom. La musique, dans les pays musulmans, a toujours fait partie de l'instruction des hommes cultivés. Nombreux et variés sont les instruments dont la tradition arabo-musulmane a usé. Dire que la musique, le chant ou la danse sont « haram », c'est oublier la richesse d'une longue et belle civilisation. C'est oublier aussi que sur tous les continents plus d'un milliard de musulmans, hommes et femmes, chantent et dansent pour exprimer leur joie. Beaucoup de mystiques non seulement ont toléré la musique mais s'en sont servi pour tenter de s'unir à Dieu. Aujourd'hui le Cheikh KARDAOUI affirme qu'on peut chanter et utiliser tous les instruments possibles pourvu que ce ne soit pas pour faire du raffut. Des chanteuses arabes ont un renom international : Oum Kelthoum, Feyrouz. Il est vrai qu'un musulman digne de ce nom s'interdira de chanter des paroles érotiques ; c'est la raison pour laquelle le raï n'est pas toujours très prisé. Seuls les salafistes s'insurgent contre les instruments de musique quels qu'ils soient et les plus durs vont jusqu'à interdire le chant. Malheureusement ils s'expriment sur Internet en donnant l'impression qu'ils sont la voix de l'islam. C'est dommage !


Le préservatif en question
d'un musulman aux chrétens


«Plusieurs associations ont perturbé l'inauguration du parvis Jean-Paul II, à Paris. On reproche au pape défunt d'avoir eu une morale rétrograde en matière de sexualité, dangereuse pour l'homme. L'interdiction du préservatif met en péril l'espèce humaine : il faut lutter contre le sida. Qu'en pensez-vous?»

Les préceptes moraux qu'a rappelés Jean-Paul II s'adressent aux catholiques. Par ailleurs, la morale catholique, traditionnellement, insiste sur le primat de la conscience. Si un individu se trouve aux prises avec deux exigences contradictoires, à lui de trancher. On peut sourire en entendant dire que la morale de Jean-Paul II risque de propager une épidémie dévastatrice. Au moins pour deux raisons. La morale catholique, en ce qui concerne la sexualité, ne se réduit pas à l'usage du préservatif. Ceux et celles qui s'y soumettent ne risquent pas d'être contaminés ni de propager le mal. D'autre part, la lutte contre le fléau est un problème de morale internationale avant d'être une question de morale individuelle. Les pays les plus touchés ne sont-ils pas ceux dont la situation économique ne permet pas d'avoir des politiques de santé efficaces ? Sur ce point, Jean-Paul II a posé les bonnes questions. On reproche à Jean-Paul II de s'enfermer dans une morale reposant sur des interdits. La sexualité humaine, en réalité, met en jeu la rencontre de l'autre, le mystère de la vie et de la mort. Il appelle une vigilance qui ne peut se relâcher. Le problème moderne du préservatif n'est-il pas lui-même un interdit aussi générateur d'angoisse que les tabous anciens ? L'avancée de la science, la maîtrise de la vie et de la reproduction posent des questions nouvelles. Se hâter d'apporter une réponse morale à une réalité scientifique relève de l'imprudence. Jean-Paul II met des limites à la permissivité occidentale. On peut juger que ces limites sont trop rigides. Elles obligent au moins les catholiques à réfléchir sur la construction d'une morale neuve. Quel type d'humanité sommes-nous en train de promouvoir ? La question est posée aux chrétiens comme aux musulmans.


Les caricatures du Prophète
d'un musulman aux chrétens


Au moment de la mort des moines de Tibhirine, le Cardinal LUSTIGER s'est tourné vers les musulmans, leur demandant de « retirer la haine qu'ils ont dans le coeur ». Cette expression nous a beaucoup choqués ! Qu'en pensez-vous ?

Peu de temps avant le drame de Tibhirine, les chrétiens d'Algérie avaient vu le meurtre des Pères blancs de TIZI OUZOU, l'assassinat d'une Petite Soeur de l'Assomption et d'un frère mariste dans la casbah d'Alger. Peu après c'était la mise à mort de Monseigneur Claverie, l'évêque d'Oran. On peut comprendre que, dans ce contexte, un haut responsable de l'Eglise de France se soit laissé aller à dire des paroles malheureuses. Beaucoup de chrétiens pensent qu'il aurait été mieux inspiré s'il avait pris en considération la souffrance d'un pays que la France avait colonisé et s'il avait déploré la mort de toutes les victimes de cette époque, y compris les victimes musulmanes.

Pour regrettables qu'ils soient, les propos du Cardinal ne doivent pas occulter les paroles du Concile Vatican II : « L'Eglise regarde avec estime les musulmans. Si,au cours des siècles,de nombreuses dissensions et inimitiés se sont manifestées entre les chrétiens et les musulmans, le Concile les exhorte tous à oublier le passé et à s'efforcer sincèrement à la compréhension mutuelle, ainsi qu'à protéger et à promouvoir pour tous les hommes, la justice sociale, les valeurs morales, la paix et la liberté ».


Dépasser la haine
d'un chrétien à un musulman


Les musulmans se sont indignés parce que quelques caricatures ont ridiculisé leur prophète.
N'est-ce pas un manque de tolérance ?
La liberté d'expression est reconnue par les Déclarations des Droits de l'Homme.

Une vaste polémique a été déclenchée par l'affaire des caricatures de Mohammed, notre prophète.
Je suis triste ! Je ne suis pas triste parce que notre prophète a été insulté : Dieu l'a placé trop haut pour que les injures des hommes puissent l'atteindre. Aucune parole ni aucune action humaine ne peuvent l'amoindrir. Je suis triste parce que cette histoire de caricatures me paraît une affaire de manipulation.

L'affaire a déclenché des discours nombreux et vigoureux, dans tous les sens. Autrement dit la parole a été détournée. Plutôt que de parler pour dire la vérité, dénoncer les injustices, faire reculer les inégalités, on détourne l'attention. On laisse la corruption s'installer sans rien dire. Le désir de dominer, l'appétit de pouvoir créent des centres de manipulation. Les discours qu'on a pu entendre ou les articles qu'on a pu lire sont des actes qui ont des causes échappant à leurs auteurs. J'invite tous les intellectuels à réfléchir sur ce phénomène : les exploiteurs gagnent, la méfiance s'étend, l'extrémisme grandit.

Beaucoup ont voulu prendre le parti des caricaturistes sous prétexte de défendre la liberté d'expression. S'exprimer pour faire grandir le mépris n'est pas de la démocratie. La liberté d'expression conduit à informer autrui et à l'éduquer. S'exprimer pour insulter et ridiculiser ou pour permettre à des régimes hostiles à l'Islam de récupérer les sujets musulmans, n'est pas de la liberté d'expression.
Je suis croyant et démocrate : deux raisons pour m'indigner. Je crois que Dieu a donné la parole aux humains pour faire grandir la justice sociale et forger une vraie solidarité. Dieu attend une humanité solidaire.


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