Le débat soulevé par ces deux mots nous gêne.
Il s'accompagne de deux expressions ambiguës : il s'agit « de mieux faire partager les valeurs
de l'identité nationale », de familiariser les parents « aux valeurs de la République ».
Avouons qu'en ces temps de crise financière ces mots font mal aux oreilles.
Vous jouez sur les mots, me dira-t-on.
Gardons-les !
Reste qu'ils sont quelque peu contradictoires avec les notions d'égalité et de fraternité qui
caractérisent « l'identité » française. Parler de valeur implique du plus ou du moins.
Un homme « de grande valeur » l'emporte sur un citoyen moyen. Si le fait d'accéder à
la nationalité française donne de la « valeur » ou « des valeurs » aux personnes issues de l'immigration,
on les rend supérieurs à leurs amis qui n'ont qu'une carte de séjour. Nous connaissons à Mes-Tissages,
des personnalités qui auront marqué le pays d'une empreinte merveilleuse tout en gardant leur nationalité d'origine.
Pour éviter le culte de la personnalité, je tairai le nom de cet Algérien qui a donné naissance, sur notre sol,
à neuf enfants ; tous ont grandi en France et y exercent de belles responsabilités. Lorsqu'il prend la parole,
on l'écoute. Aurait-il plus de « valeur » s'il avait acquis la nationalité française ?
L'inégalité et le manque de fraternité se manifestent encore dans ce je ne sais quoi de paternaliste imprégnant
la manière dont le problème est formulé. Il faudrait « accompagner » ceux et celles qui désirent devenir français
comme on accompagne un enfant à l'école. Il faut les « accompagner » jusqu'à ce qu'ils aient acquis les valeurs
du pays où ils veulent entrer. On oublie que ces hommes et ces femmes - gardons ce vocabulaire qui agace -
sont eux-mêmes porteurs de valeurs qu'on semble ignorer. Les grands peintres, les grands sculpteurs du siècle
dernier n'ont pas hésité à s'inspirer des arts africains. Les personnes venues du Maghreb n'auraient aucun mal
à pratiquer la langue arabe si celle-ci était mieux accueillie par l'Education...nationale ( !).
Certes, le système français qui intègre les personnes plus que les communautés a notre préférence sur le modèle anglais.
Il facilite la communication entre tous. Reste que le paysage républicain change et que si l'on « valorisait » les cultures
en même temps qu'on accueille les personnes la paix sociale rayonnerait davantage dans nos banlieues.
Notre expérience à Mes-Tissages est modeste mais elle nous permet de parler.
« Identité nationale » : Ces deux mots - on peut le craindre - manifestent une volonté policière et inquisitoriale.
Dans le contexte républicain, ils font système avec « carte d'identité ». Ils sont pris dans un contexte administratif
inséparable des commissariats de police et des contrôles qui font peur. Associer « Identité nationale » avec
« immigration » ne peut manquer de faire penser à la chasse aux « sans papiers» qui va s'accélérant.
Le Français que je suis a peur que la Nation qu'il aime y perde son identité !
Michel Jondot
Né à Montcenis, en Saône et Loire, comme l'indique sa carte... d'identité nationale.