Rencontre de l'été 2018
Antisémitisme et islamophobie


L'équipe des thés de Gennevilliers (1)

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Manifeste des 300


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Sadek Sellam

Halte à l’islamophobie
L’équipe des "Thés de Gennevilliers"

Les membres du groupe « Les Thés de Gennevilliers » se sont situés par rapport à la fois au « Manifeste des 300  » et aux réactions de Sadek Sellam. Le compte-rendu ce cette rencontre fait apparaître une question grave : le pays pourra-t-il jamais sortir du malentendu dont souffrent les musulmans de France ?

A propos des « versets douloureux »

Dans une réunion précédente, nous étions partis des critiques entendues à partir de réactions face à des versets coraniques compris pour appeler à la violence. Les musulmans ont souhaité revenir sur le sujet. On peut résumer leurs réactions de la façon suivante. « Par rapport aux propos et aux comportements dans la société d’aujourd’hui, les musulmans ont l’impression d’avoir un véritable combat à mener. Face aux questions qui leur sont posées, ils ne peuvent s’expliquer : quoi qu’ils disent, leurs propos sont contestés. On entend des Français prétendre, à partir d’un verset isolé, que nous sommes là pour les tuer. On a des problèmes avec les médias ; chaque jour nous nous sentons visés. Il suffit d’ouvrir la Télé à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit pour entendre parler de «  l’islamisme » et des « islamismes  ». En Allemagne, on en vient à parler des musulmans à propos d’un homme qui n’a rien de musulman mais qui a tué trois personnes. On a enterré dans une église, alors qu’il était converti à l’islam, le Belge qui avait tué trois policiers.

Nous, musulmans, nous sentons une pression qui s’exerce sur nous. Les Français non musulmans consomment ces informations, comme un pot de yaourt, sans s’interroger, prenant ce qu’on leur montre pour la vérité. Nous avons la société tout entière sur le dos.

Nous avons des problèmes à cause de Daesh, il ne s’agit pas de le nier. Mais Daesh est une fabrication de l’Occident. Les Etats-Unis ont voulu se servir de musulmans pour des objectifs militaires. Ils les ont exterminés quand ils n’ont plus eu besoin d’eux. Les réactions de l’Arabie saoudite sont décevantes ; pour échapper aux menaces de l’Iran, ils payent n’importe qui. »

Ces réactions sont entendues avec respect par leurs interlocuteurs non-musulmans. Les propos de l’un d’eux valent d’être rapportés : « L’autre jour, avec de vieux amis, tous anciens croyants pratiquants, j’ai été affronté à une personne qui m’a agressé, me disant ‘Comment peux-tu être encore catholique ? Justifie-toi, parce qu’il est inconcevable que tu sois encore catholique.’ J’ai l’impression que quelque chose de semblable se produit à l’égard des musulmans. C’est un peu comme si on leur disait  : ‘justifiez-vous d’être ce que vous êtes’. Nous n’avons pas le droit de dire cela. Il est normal que les musulmans s’insurgent devant les mises en demeure de s’expliquer »

En réalité les musulmans, une fois de plus, ont tenu à préciser leur position.

« Nous savons qu’il y a beaucoup de versets qui, à première vue, semblent violents. On ne peut les comprendre si on ne se réfère pas aux savants qui les ont interprétés. En réalité, c’est le cas de tous les prophètes dont parle le Coran, depuis Adam  : Salomon, David, Noé, Moïse, Jésus et d’autres  : tous ont eu des moments de violence, Mohammed comme les autres ; il leur fallait lutter pour pouvoir propager le message dont ils étaient porteurs. Quand ils eurent quitté La Mecque pour échapper à la persécution et quand ils furent arrivés à Médine, le Prophète a dit qu’il fallait se préparer à retourner à la Mecque  : «  Combattez dans le sentier de Dieu ceux qui vous ont combattus. »

Enfin, il faut méditer sur ces paroles du Coran : «  Tu trouveras, parmi les plus proches des croyants, des gens qui ont dit ‘nous sommes chrétiens’. Il y a parmi eux des prêtres et des moines qui ne s’enflent pas d’orgueil. Quand ils entendent les versets, ils disent ‘nous avons déjà entendu cela. Ils pleurent quand ils entendent la Parole de Dieu.  »

A propos de l’antisémitisme

Les musulmans sont accusés non seulement de violence mais d’antisémitisme. Un manifeste signé par plus de 250 personnalités a suscité entre nous une certaine stupéfaction. Nous l’avons commenté ainsi que les réactions de Saddek Sellam.

Commentaires sur le manifeste

Du côté non-musulman

On est étonné de trouver, parmi les signataires juifs, certains intellectuels estimables qui se rapprochent des thèses les plus extrémistes de l’état d’Israël et se mettent dans une situation de victimisation. On ne peut accepter qu’ils prennent l’opinion publique en otage pour la monter contre les musulmans. Ce texte est un acte d’agression.
Pointer du doigt l’antisémitisme de l’islam est choquant.
Dire que certains versets sont obsolètes relève de la provocation pure et simple.

Propos de musulmans :

- Les signataires savent qu’on ne peut pas enlever des versets du Coran  ! Comment se fait-il que l’imam Chalgoumi ait accepté cette mention dans le texte ! Faut-il rappeler ses propos, lors d’un récent voyage en Israël  ? « Vous avez Hamas, nous avons l’UOIF ! », comme si l’UOIF était ennemie du pays…
Certains prétendent que le Coran demande de tuer les Juifs ; que ceux qui prétendent cela citent un seul verset prescrivant ce qu’ils prétendent !
Le judaïsme est pour nous une des deux religions reconnues par le Prophète. Aucun musulman ne peut prétendre le contraire.
La reconnaissance par les Etats-Unis de Jérusalem comme capitale éternelle d’Israël a entraîné des contestations. Sans doute les auteurs du manifeste ont-ils voulu les arrêter en diabolisant la communauté musulmane.

De quoi est-il question quand on parle d’antisémitisme ?
Tous les Juifs ne sont pas sémites : beaucoup viennent de Russie. L’appartenance à une religion ne tient pas à une origine raciale. Les arabes aussi sont des sémites.
On a l’impression qu’on a acheté la signature de certains musulmans.

Commentaires sur le texte de Sadek Sellam

Du côté non-musulman

Pour les uns, ce texte est trop polémique. Il reprend des faits de l’histoire montrant des résistants musulmans. Il s’en prend à ceux qu’il appelle « les réformateurs médiatiques » ; il vise Ghaleb Ben Cheikh et Tarek Obrou. Sans doute fait-il allusion à un texte signé par 30 imams qui, en réalité, s’avère constructif.

Il y est question « d’une confusion des genres » : « L’islam est d’abord une aspiration spirituelle en quête de transcendance dans la générosité et l’altérité et non une idéologie identariste et politique avec tout ce que cela impliquerait comme revendications sociales, concurrence mémorielle, importation sur notre territoire de conflits géopolitiques, notamment iraélo-palestinien etc…Ce mélange des genres augmente la frustration d’une jeunesse exclue et qui se sent victime d’une promesse d’égalité non tenue. »

Pour les autres, l’intérêt de ce texte est de mettre au jour une réalité occultée. Pourquoi ne parle-t-on jamais de la participation des musulmans à la résistance contre les nazis ? Qui se souvient que le roi du Maroc a protégé les Juifs ?

A propos du conflit israélo-palestinien

Du côté non-musulman

Il est dommage qu’on ne puisse critiquer la politique israélienne. Dans ce contexte peut-on considérer que les musulmans de France sont réellement antisémites ?
On conseille la lecture d’un livre (« Israël contre Israël  », de Chatelain). On y décrit l’étrange contradiction entre un régime démocratique et une politique d’apartheid.
Un récent voyage en Israël a beaucoup marqué deux d’entre nous. L’ambiance en Israël est terrible : tout le monde se bat, y compris les chrétiens.

Du côté musulman

Il est vrai que bien des musulmans sont antisémites mais c’est à cause des événements en Israël et en Palestine et non à cause du Coran. L’ambassadeur d’Israël en France a affirmé que les morts de Gaza étaient des terroristes : ceci ne peut que provoquer de l’hostilité. De même, il est difficile d’admettre qu’on considère Jérusalem comme la capitale des Juifs.
Il faut bien reconnaître que, pour bien des Juifs, la confusion entre antisionisme et antisémitisme est facile à faire. Mais, en réalité, il y a des Juifs qui ne sont pas sionistes et des sionistes qui ne sont pas juifs.
On peut s’étonner que les musulmans de France soient ébranlés par des événements qui se passent loin d’eux. Il est vrai que la situation est explosive et que la charge émotionnelle est grande. Une moindre étincelle et l’incendie peut se déclarer.
L’histoire des derniers 70 ans devrait donner à réfléchir. Les Arabes ont fait d’importantes concessions. Dans les années 60-70, jamais les Palestiniens n’auraient accepté de partager leur terre avec Israël. Ils acceptent maintenant la solution de deux états mais, en même temps, voyant cela les Israéliens se sont mis à coloniser la Cisjordanie  !

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Sadek Sellam

1- Rappel : Depuis le début de l'année 2016, autour de la mosquée de Gennevilliers (ville de la banlieue Nord de Paris), un groupe d'une douzaine de personnes se réunit régulièrement. Il est composé d’hommes et de femmes, de musulmans, de chrétiens ou d’agnostiques. Ils ont pour but d’ôter les masques et de tenter de se faire face en vérité. Ils s’efforcent maintenant d’élargir l’horizon en mettant en ligne leurs échanges. / Retour au texte

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