L’islam dans la campagne présidentielle
Nous sommes étonnés par la méfiance à l’égard des musulmans. On a parfois l’impression qu’on veut organiser une véritable chasse aux sorcières dont surtout les femmes font l’objet. Il faut se méfier de leur accoutrement : voiles, tenues sur les plages ou dans les piscines. Les maris sont accusés de maintenir leurs épouses sous leur domination : pourquoi les obligent-ils à rester à la maison ? Pourquoi n’ont-elles pas le droit d’aller au café ? Les sermons du vendredi dans les mosquées sont, eux aussi, objet de suspicion. Il faut les surveiller.
Depuis un certain temps des courants extrémistes accusaient l’islam de vouloir envahir Paris comme les Allemands l’avaient fait à l’époque nazie. Aujourd’hui ce sont des partis traditionnels qui dénoncent le danger : ils parlent de « totalitarisme islamique » qui menace la France, sans faire suffisamment la distinction entre la barbarie de Daesh et la présence pacifique de la plupart des familles musulmanes.
Des confusions regrettables
Il faut s’attrister devant le manque de culture à peu près généralisé des candidats. Ils emploient des mots dont manifestement ils ne comprennent pas le sens. L’islamisme n’est pas le salafisme : le terme désigne des courants d’opinion politique. Ils sont, bien sûr, discutables mais la discussion fait partie du jeu démocratique. L’UOIF, par exemple, peut être qualifiée d’islamiste mais ses initiatives sont souvent bénéfiques. Les rassemblements annuels du Bourget sont des temps de dialogue où les musulmans de France entendent les propos les plus divers des leaders politiques ou religieux de France.
L’islamisme n’est pas le salafisme et le salafisme n’est pas le djihadisme. Certains courants piétistes traversent la France depuis les années 60 dans le seul but de préserver la pureté de l’islam menacée dans les pays d’immigration. Certes, ils ne facilitent pas l’insertion dans une société occidentale. Il s’agit pour eux de retrouver les manières de vivre des « pieux ancêtres », c’est-à-dire des « salafs ». Les manières de s’habiller, de se rencontrer, de se nourrir, les moindres gestes de la vie quotidienne doivent être la reproduction stricte d’un passé imaginaire. Ces illusions de pureté dans lesquelles on enferme ces hommes et ces femmes sont regrettables, mais nous avons à dénoncer la suspicion de violence dont bien des musulmans sont l’objet.
Le djihadisme est un danger, il faut le reconnaître et s’en protéger. Il se réclame de l’islam mais en réalité, il est le symptôme d’une société malade. La France ne fournit plus guère de raisons de vivre et des jeunes se laissent intoxiquer par des propagandes qui leur donnent l’illusion de se lancer dans une aventure mystique et généreuse. Quel candidat saura diagnostiquer « la maladie du monde occidental » ?
Chaque candidat, nous semble-t-il, s’enlise, à propos de l’islam, dans une confusion pernicieuse. Tous parlent de laïcité sans voir que le problème est ailleurs. La laïcité n’interdit pas le fonctionnement d’une religion mais, au contraire, elle le permet. Les religions catholiques, protestantes ou juives ont appris à vivre dans une société en s’adaptant progressivement à son évolution. Des signes religieux autorisés par la laïcité s’effacent progressivement. La France d’aujourd’hui ne ressemble pas à celle que les aînés connaissaient dans les années 50. On reconnaissait prêtres et religieuses à leurs vêtements. Les femmes, croyantes ou non, se couvraient la tête d’une mantille en entrant dans une église. Des rites, après un deuil, étaient unanimement respectés et le dimanche était un jour sacré pour 75% des Français. On appelle « sécularisation » cette disparition des signes chrétiens que la laïcité permettait. Les sociétés musulmanes n’ont pas vécu ce phénomène et la plupart des comportements musulmans en société sont émaillés de signes sacrés. Ceci est peut-être une gêne pour la cohabitation en France mais ce n’est pas un problème de laïcité.
A propos de l’immigration
La présence de l’islam en France est le fruit de l’immigration. Là encore, il convient d’écouter les propos de ceux qui aspirent à la présidence. « On ne peut pas accueillir toute la misère du monde » : tel est le principe qui se retrouve dans bien des discours. Quelle limite apporter au nombre des immigrés ? Comment réduire l’aide à apporter aux étrangers ? Peut-on continuer à scolariser les enfants des familles musulmanes en situation irrégulière ? Faut-il soigner gratuitement des étrangers arrivés récemment ?
Les avantages sociaux que procure la France, dit-on, sont trop attirants pour les familles pauvres des pays pauvres. Ces questions s’accompagnent d’une réflexion sur la politique des frontières. Il faut se replier sur l’Hexagone. Il s’agit là d’une politique aux courtes vues. Quel candidat aide le pays à comprendre que le problème de l’immigration n’est pas un problème national mais planétaire. Des économistes peuvent sans doute nous prouver qu’on ne peut accueillir trop d’étrangers en leur accordant les droits prévus. C’est sans doute vrai mais ce qui est sûr c’est que la manière de gérer l’immigration n’est pas d’abord un problème national : rien de sert de fermer nos frontières pour le résoudre. Ce n’est pas de gaité de cœur qu’on s’embarque sur un esquif au risque de sombrer dans les eaux de la Méditerranée. L’immigration est le fruit d’une politique internationale qui crée des écarts infranchissables entre les populations. Cette dimension de la politique ne nous semble guère mobiliser l’opinion.
Tous les Français sont à l’écoute des candidats à l’élection présidentielle. Parmi eux, chrétiens et musulmans, s’ils ont le souci d’une société fraternelle, se doivent de prêter l’oreille d’une façon particulière.
Pour la Maison Islamo Chrétienne
Le bureau : Saad Abssi, Mohammed Benali, Christine Fontaine, Michel Jondot