Un musulman à l'écoute des chrétiens
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Il est fréquent qu’un musulman assiste aux funérailles d’un de ses amis chrétiens. Il s’interroge sur la démarche des chrétiens qui célèbrent les obsèques. Ce dialogue reprend des questions entendues et tente d’y répondre.


Un musulman : Le 1er novembre est un jour chômé. C’est une fête pour les chrétiens. Ce jour-là, on voit des hommes et des femmes se promener dans le cimetière. Qu’évoque le 1er novembre pour les chrétiens ?


Le chrétien : En réalité on appelle « Toussaint » le jour du 1er novembre. Quand un homme ou une femme a eu une vie exceptionnelle qui peut servir de modèle à tous les chrétiens, on le « canonise ». On le considère vraiment comme un saint et les chrétiens peuvent le vénérer. Mais, au cours de l’histoire, beaucoup d’hommes et de femmes ont eu une vie profondément évangélique sans que leurs actions soient retenues ni même aperçues. Même s’ils ne sont pas canonisés, même si leur nom n’apparaît pas sur le calendrier, on peut les considérer comme des saints. « Toussaint » signifie « Tous-les-saints » : le jour de cette fête, on honore la foule immense de ceux et de celles dont la vie a été imprégnée de la bonté de l’Evangile. A la messe de la Toussaint, on lit un passage du dernier livre de la Bible qui dit bien le sens de cette fête : « « J’ai vu une foule immense que nul ne pouvait dénombrer ; une foule de toutes nations, races, peuples et langues. Ils se tenaient debout devant le trône et devant l’Agneau, en vêtements blancs avec des palmes à la main ». Avoir une « palme à la main », c’est être vainqueur. On est vainqueur du mal quand on vit sans chercher à se mettre au service de l’argent (« Heureux les pauvres en esprit »), quand on se fait un cœur plein de tendresse pour autrui (« Heureux les doux ! »), quand on partage la souffrance de ceux qui n’en peuvent plus et qu’on pleure avec eux («  Heureux ceux qui pleurent »), quand on se bat pour la justice et pour la paix : (« Heureux les artisans de paix »).

Vous vénérez des hommes et des femmes alors que le vrai croyant ne doit vénérer que Dieu !

Nous croyons que lorsqu’une personne humaine vit saintement, Dieu agit en elle. On appelle cette vie de Dieu dans une personne humaine « la grâce ».On ne peut pas séparer la vie des saints de la vie de Dieu lui-même. En honorant les saints, nous honorons le don que Dieu leur a fait. Entre Dieu et les hommes, l’union est telle qu’on ne peut séparer Dieu et ceux qui l’honorent. Jésus fait le lien entre les uns et les autres.

Vous dites que vous honorez la victoire de ceux qui se sont battus contre le mal et qui sont avec Dieu. Pourtant, quand on voit les gens dans les cimetières, le jour de la Toussaint, ils ont des têtes d’enterrement.

C’est parce que beaucoup confondent le 1er et le 2 novembre. Le 1er novembre, le jour de la Toussaint, la prière de la messe a des allures de fête, de grande fête et les chants disent la gloire de Dieu. Le lendemain, ces mêmes chrétiens pensent non seulement à ceux dont la vie a été sainte mais à tous les morts. Nous espérons pour eux que, quelle qu’ait été la vie de chacun, tous les hommes soient sauvés. On prie pour cela. Ce jour du 2 novembre, qu’on appelle « Jour des morts », chaque famille chrétienne pense aux défunts de sa propre famille. On va au cimetière se recueillir sur leurs tombes. Cela réveille souvent de vieux chagrins. Comme en France on travaille le 2 novembre, on anticipe et on va au cimetière l’après-midi du 1er. Les deux événements se croisent ; on risque de les confondre mais il faut prendre garde de les distinguer.


Vous priez pour les défunts. Vous croyez que cela sert à quelque chose  ?


Je ne dirais pas que cela sert. Je dirais plutôt que c’est une façon d’entrer dans le désir de Dieu. Celui-ci – je le crois parce que Jésus l’a dit – désire que tous les hommes soient sauvés. En priant pour que tous les morts entrent dans la lumière de Dieu, je rejoins la volonté de Celui que Jésus priait. Chacun le sait : au cours d’une vie humaine on sombre souvent dans le mal. Si on s’en tenait à une justice stricte, on ne mériterait pas que nos vies soient prises en considération par Dieu. Mais nous pensons que, grâce à Jésus, l’humanité est belle et sauvée, malgré toutes nos bêtises. D’autre part, lorsque je prie pour les défunts, je maintiens le lien avec eux. Si Dieu leur donne sa lumière, je contribue à ce don par ma prière ; je m’unis à Lui et je dis mon amour.

Vous priez souvent pour les défunts ?

Oui, bien sûr. A chaque messe on introduit une supplication qui ressemble à ce que vous appelez une doua : « Souviens-toi de nos frères qui se sont endormis dans l’espérance de la résurrection et de tous les hommes qui ont quitté cette vie ; reçois-les dans ta lumière auprès de toi ». Dans sa prière de chaque jour, le chrétien prie pour ceux qu’il a aimés et qui sont morts.

Par ailleurs, une coutume s’est instaurée chez les catholiques : celle de faire dire des messes pour tel ou tel défunt. La messe, en effet, renouvelle chez les chrétiens le souvenir de Jésus qui a donné sa vie «  pour la multitude en rémission des péchés ». Mais, il y a eu certaines périodes de l’histoire de l’Eglise où le clergé a abusé de cette pratique en faisant payer cher les prières du clergé. Cela a déclenché la colère de Luther et provoqué la division des chrétiens entre catholiques et protestants. Aujourd’hui, quand on demande de célébrer une messe pour le repos d’un défunt, on continue à demander ce qu’on appelle des « honoraires ». Beaucoup de catholiques sont opposés à cette pratique de faire payer la prière.


Nous, musulmans, souvent nous pensons que vous, les chrétiens, vous faites de Dieu un personnage trop indulgent. Si vous croyez que tous les hommes seront sauvés, à quoi bon faire des efforts pour vivre ? Tous les fauteurs de violence, tous ceux qui font de l’argent leur Dieu et qui, pour cela, exploitent le pauvre, devraient être punis. Si les hommes ont peur d’un châtiment éternel, ils changeront de comportement.

On ne peut pas mesurer la justice de Dieu à partir de nos idées humaines. A nous, les humains, d’inventer des rapports respectant les droits de chcun. Le désir de Dieu est vraiment que s’établisse entre nous un « Royaume de justice et de paix ». Mais vivre, pour un chrétien, je le répète, consiste à entrer dans le désir de Dieu. Il désire que tous les hommes soient sauvés : entrons dans ce désir par la prière. Il désire aussi que la justice et la paix règnent parmi nous : entrons dans ce désir en nous battant pour cela avec tous les hommes de bonne volonté. Ce combat, musulmans et chrétiens peuvent et doivent le mener ensemble.


Est-ce que les chrétiens ont peur de la mort ?


En principe, ils ne devraient pas avoir peur s’ils ont la foi. J’avoue que, pour ma part, il m’arrive d’avoir peur. C’est un manque de foi. Nous sommes ballotés entre deux exigences : la justice et la grâce. Comme vous, nous désirons que justice soit faite et nous avons alors à craindre, chacun pour soi-même : sur ce plan nul ne peut dire qu’il n’a pas à redouter un certaine condamnation. Mais, par ailleurs, la foi nous conduit à vivre sous un autre régime que celui de la justice  : le régime de la grâce. A cause de Jésus, nous espérons que Dieu fait grâce à tous les hommes. Il faut constamment se le redire mais comme il s’agit là d’un monde surhumain, il est difficile de se maintenir en ce point. Craindre la mort est sans doute un manque de foi. Seigneur augmente ma foi !

Est-ce qu’il y a des prières spéciales pour se préparer à mourir ?

Oui, bien sûr ! En particulier, il existe ce qu’on appelle « le Sacrement des malades ». Un « Sacrement » est un rite, un geste décidé par l’Eglise qui assure au croyant l’aide de Jésus par-delà sa mort. Un sacrement est un geste de l’Eglise qui m’assure que Jésus est avec moi. Lorsqu’on est vraiment malade, même si l’on n’est pas mourant, on recourt à ce sacrement. Un prêtre lit un passage de l’Evangile ; il prononce des prières. Il verse un peu d’huile sur le front, sur les mains et sur les pieds du malade. L’Eucharistie est aussi au service des malades et des mourants. Au moment où quelqu’un quitte ce monde, s’il peut la recevoir, on lui donne pour la dernière fois la communion. Cela s’appelle « le viatique ». Le mot signifie à peu près voyage ou passage  : passage de ce monde à l’autre du monde, passage de Dieu dans les derniers instants de la vie du croyant.

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