Un souci commun
Soeur Gisela, Saad Abssi, Mohammed Benali
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Quand on vise un certain type de développement
qui favorise le rapport à la nature et les relations avec l’environnement humain,
le dialogue entre chrétiens et musulmans s’impose comme une évidence.
Il nous suffit de regarder parmi nos amis pour en faire le constat.


Deux millions d’arbres

Il y a une cinquantaine d’années, on ne parlait encore ni d’écologie ni de dialogue interreligieux. Quelques croyants chrétiens et musulmans prenaient pourtant des initiatives prophétiques.

Dans les années 62, en effet, au lendemain de la guerre d’indépendance en Algérie, André Legouy – le fondateur du GISTI -, Carion, un militant de Lyon, le Père Henri Leman, un pionnier du dialogue islamochrétien, se sont tournés vers l’Amicale des Algériens en Europe: «Nous savons que l’aviation française a bombardé les Aurès au napalm, ravageant la région; allons sur les lieux et commençons le reboisement». Ils ont fait démarrer un chantier de 32 personnes qui s’est développé au point qu’à la veille du coup d’état de 1965, ils étaient 400 sur le terrain. Ils ont planté environ deux millions d’arbres. Le CCFD, la Cimade, l’Amicale des Algériens étaient au coude à coude pour porter remède à des territoires blessés par la guerre. Aujourd’hui on a plaisir à se promener dans ces vastes forêts.

La preuve était faite que le dépassement des hostilités et des oppositions religieuses a un impact bénéfique sur la préservation de l’environnement.

Ecologie et dialogue interreligieux

Saad était au cœur de cette initiative. En restant à l’intérieur du cercle relativement limité qui est le nôtre, celui de «La Maison Islamo Chrétienne» dont Saad, précisément, est le Président, nous recevons le témoignage que le souci écologique et le dialogue interreligieux ont partie liée.

« La Maison Islamo Chrétienne », par le biais de l’association « Approches 92 », est depuis de nombreuses années en relations très fraternelles avec le Prieuré bénédictin de Vanves. C’est là que pendant cinq ans nous avions nos locaux. C’est là également que travaille Sœur Gisela Harp, Secrétaire Générale de l’Aide Inter Monastères (AIM), une association qui depuis cinquante ans veille à créer une réelle solidarité entre toutes les communautés monastiques à travers le monde. Lorsque naît un monastère, dans les pays en voie de développement, il n’est pas rare qu’on se trouve en terre d’islam. Ainsi, au sud du Tchad, un musulman a donné un terrain pour que s’implantent des bénédictines venues du Congo. Toute fondation de ce genre est aidée par l’AIM qui, chaque fois, insiste sur les problèmes de l’eau ; lorsqu’on creuse un puits, on fait en sorte qu’il soit au service du village et pas seulement des religieux ou religieuses. Ceux-ci ont à acquérir leur autonomie; on les aide à cultiver la terre de façon raisonnable. L’Abbaye de Solesmes a fondé un monastère à Keur Moussa, au Sénégal près de Dakar, et un autre en Guinée Conakry dans une région musulmane avec un supérieur sénégalais. Les moines ont inventé une façon de cultiver et planifié des travaux pour apporter l’eau et planter les arbres fruitiers adaptés à la terre et au climat. Les jeunes du village ont constaté l’intérêt de ces méthodes auxquelles les religieux les ont initiés ; ils ont profité du travail d’irrigation et sont entrés dans ce projet de développement qui, mieux que partout ailleurs, mérite d’être qualifié de durable. En effet, une communauté monastique s’attache toujours au lieu où elle prend naissance. Ainsi le veut la tradition bénédictine. En Côte d’Ivoire, dans la zone musulmane, au Nord, tous les chrétiens sont partis, y compris l’évêque, mais les deux monastères de Bouaké sont restés. A moins d’une guerre civile qui tuerait les moines, la communauté restera et assurera la poursuite du projet pendant des siècles.

Le minaret et le clocher


Nos relations avec l’association Ennour sont aussi étroites qu’avec les bénédictines de Vanves. Nous avons tenu nos lecteurs au courant des questions que s’est posées l’association Ennour sans faire allusion aux problèmes d’ordre écologique. Ils ont pourtant été étudiés avec sérieux. Le Conseil d’Administration s’est demandé : « Comment limiter les dépenses d’énergie pour le chauffage d’un lieu de 1600 m² et d’une hauteur de plus de huit mètres ? Comment limiter au maximum les rejets de gaz carbonique qui compliquent les problèmes liés à l’environnement : la couche d’ozone et le réchauffement climatique ? Comment éviter de participer au rejet de gaz carbonique qui trouble l’ordre de la création tel qu’il a été voulu par Dieu?

Devant ces questions, les responsables ont ouvert les yeux. Ils ont lu des revues spécialisées. Ils sont allés vérifier le fonctionnement d’usines et d’entreprises ayant eu à faire face à ces questions techniques.

Une évidence s’est imposée : il ne s’agit pas d’abord d’installer des systèmes d’énergie renouvelable mais de trouver des moyens d’isolation. A quoi bon installer des systèmes comme les panneaux voltaïques si les bâtiments ne sont pas isolés! L’énergie apportée sera gaspillée. Résoudre le problème consistait à trouver des matériaux isolants, capables de freiner les rejets de CO². Les responsables d’Ennour ont trouvé et le résultat est étonnant. Cet énorme bâtiment ne consomme guère plus qu’un pavillon de taille moyenne. Quatre chaudières fonctionnent sans interruption. On ne chauffe pas seulement l’intérieur de la mosquée mais l’eau tous les jours pour les cinq prières. Le vendredi, les fidèles font la queue jusque dans la cour, pour les ablutions, malgré les seize points d’eau. Tout cela coûte moins de 6000 € par an!

On a eu recours aussi à ce qu’on appelle « le puits canadien ». Les tuyauteries sont enterrées à une certaine profondeur. Avec un capteur on récupère l’air de l’extérieur dans des gaines ; à 2 mètres sous terre, en effet, la température est constante : elle ne varie guère qu’entre 14° et 16°. Quand il fait – 5° à l’extérieur, l’air froid récupéré par le capteur passe dans des gaines, atteignant la température du sous-sol. Lorsque l’air est injecté dans la salle, il est à 14°; il ne reste plus qu’à compléter avec la chaudière pour atteindre une température confortable. L’été, la température du sous-sol est récupérée et injectée à 16° lorsqu’à l’extérieur on est à 30°.

L’électricité, elle aussi, a fait l’objet de réflexions qui ont débouché sur des solutions originales. Jamais on n’allume dans la journée: 150 m² de verre apportent de la lumière à partir d’un dôme recouvert d’un vitrage spécial, absorbant 75% des rayons ultraviolets et protégeant ainsi de la chaleur les jours d’été.

Creuser un puits, installer des systèmes d’irrigation dans les villages d’Afrique, limiter les émissions de gaz carbonique dans la ville de Gennevilliers peuvent paraître des opérations purement techniques. En réalité, elles sont portées par un souci spirituel qu’il est important de souligner.


La culture et le culte

Sœur Gisela, pour faire apparaître la spiritualité bénédictine inhérente à l’action de l’AIM, se sert du mot «culture». Celui-ci désigne le travail de la charrue qui remue la terre ; en effet, les bénédictins ont labouré et planté pour défricher l’Europe. Le mot fait apparaître aussi une certaine manière d’habiter la terre en embellissant la vie: les moines ont été des architectes; ils ont créé des bibliothèques ; on leur doit le chant grégorien. Enfin le mot « culture ?» a même racine que le mot «culte» et c’est loin d’être insignifiant. Les moines sont facteurs de culture ; ils ont les pieds sur terre et contribuent à l’embellir. Mais cette terre qu’ils cultivent ils la tournent vers le ciel. Etymologiquement le mot « bénédictin ?» désigne l’art de trouver la parole qui fait du bien , disons « la parole de louange et d’action de grâces ?». Quand on fait de l’agriculture, on comprend que l’homme ne fait pas tout. On a peut-être des instruments et des techniques modernes mais on est dépendant du soleil, de la pluie, du vent et du rythme des saisons. On comprend que cette terre qu’on travaille est don de Dieu et que, pour cette raison, non seulement il faut la respecter mais remercier Celui de qui nous la recevons.

Les musulmans, lorsqu’on leur rapporte ces convictions, se sentent proches de ceux qui les expriment. Dieu, en nous donnant la terre, nous fait cadeau d’une perle précieuse. Il l’a préparée, rendue belle afin de nous l’offrir. Il nous a créés pour que nous la recevions avec reconnaissance. Avec l’industrialisation, avec la consommation énorme d’énergie, en polluant la nature, nous tuons la terre. Nous méprisons le cadeau que Dieu nous a offert.

Les soucis de nos contemporains devant l’avenir de la planète sont au cœur des comportements des musulmans et des chrétiens lorsqu’ils sont en cohérence avec leurs messages. La plus grande association écologique de la planète l’a bien compris. La World Widlife Foundation (WWF) s’est tournée vers les religions pour susciter un véritable dialogue sur ces thèmes de la sauvegarde et de la protection de la Nature. Plusieurs rencontres internationales ont été organisées; la dernière en date se tenait au Mont Saint-Michel en avril 2003. L’AIM dont Sœur Gisela est la Secrétaire générale, y était représentée. Dans ce cadre, un questionnaire a été envoyé à tous les monastères pour apprécier dans quelle mesure la manière de vivre des différents monastères a des répercussions sur l’environnement. Le dépouillement des réponses a fait naître un travail aux dimensions impressionnantes dont le résultat est la rédaction d’un ouvrage à l’intention de toutes les communautés. Ce livre recense en 190 pages tous les détails de la vie des monastères et suggère des comportements adaptés aux soucis de nos contemporains. Il invite à programmer les changements éventuels qui s’imposent. Ces conseils s’adressent aux religieux mais il peut aider chacun à s’interroger sur la manière de répondre aux appels de la terre (« ?Listening to the earth »). Si vous souhaitez le recevoir, Sœur Gisela se fera un plaisir de nous le procurer pour que nous vous le fassions parvenir. N’hésitez pas à nous le demander.

Soeur Gisela, osb
Saad Abssi
Mohammed Benali




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