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Algérie, Terre de rencontre
Lucie Pruvost et Laurence Ammour
Editions Kartala

« Corps et âmes »
Itinéraires spirituel en France
Noëlle HERRENSCHMIDT
Postface d'Antoine GARAPON
Conception visuelle par Frédéric HOUSSIN
Editions de la Martinière

« AFZÂD, Ethnologie d'un village d'Iran »
Anne-Sophie VIVIER-MURESAN
(2006, Institut français de recherche en Iran
Editions Mo'in. Diffusé en France chez VRIN)

« L'IRAN, naissance d'une république islamique »
Yann RICHARD
2006 - Editions de La Martinière


« La France et ses musulmans »
Sadek SELLAM
(Fayard 2006)


« Histoire de l'Islam et des musulmans en France »
Albin Michel 2006


« L'Islam, tolérant ou intolérant »
Mustapha Chérif
Éditions Odile Jacob, Paris. 291 pages


Algérie, Terre de rencontre
Lucie Pruvost et Laurence Ammour
Editions Kartala, décembre 2009

Photo de couverture

Lucie Pruvost est venue à deux reprises nous faire profiter de son expérience: elle avait publié un livre « Femmes d'Algérie » à Alger dont nous avons eu l'occasion de parler. Spécialiste du droit de la famille en pays musulman, riche d'une longue expérience de dialogue avec l'islam, en Algérie, elle réside maintenant à Rome où elle a enseigné à l'Institut Pontifical d'Etudes Arabes et Islamiques.

Elle vient de publier un livre d'entretiens avec Laurence Ammour dont ces quelques lignes donnent un avant-goût.

«J'ai rencontré Lucie à Rome par une belle journée d'octobre, lors d'un couscous-anniversaire chez Elisabeth, une amie commune, qui avait réuni pour l'occasion des convives originaires d'Afrique du Nord, Français, Marocains, Tunisiens, et moi, l'Algérienne.....

M'ayant été présentée comme SSur blanche arrivant depuis peu d'Alger, nous avions déjà quelque chose en commun : l'Algérie. Je savais aussi qu'elle y avait vécu longtemps, bien plus longtemps que moi, et que notre différence d'âge en faisait à mes yeux, une source de connaissance. ...

Lorsque j'ai demandé à Lucie si elle voulait bien me raconter son histoire pour en faire un livre d'entretiens, je n'avais pas encore pris toute la mesure de l'entreprise. Ce qui m'animait était l'envie de partager avec elle les coins et recoins de notre terre commune. J'avais besoin de parler de nous, comme le font toutes les femmes du Maghreb...

Chemin faisant, nos entretiens ont pris une tournure plus intellectuelle et plus politique. ... Il ne s'agit donc pas simplement d'un livre intime ou d'un témoignage mais aussi d'une réflexion sur des sujets actuels dont l'enjeu est considérable.»


« Corps et âmes »
Itinéraires spirituel en France

Noëlle HERRENSCHMIDT
Postface d'Antoine GARAPON
Conception visuelle par Frédéric HOUSSIN
Editions de la Martinière

Photo de couverture

Si vous consultez cet ouvrage, vous y découvrirez des itinéraires qui passent par «la Maison islamochrétienne», à Gennevilliers, Villeneuve-la-Garenne et Malakoff.

Depuis vingt ans, Noëlle Herrenschmidt explore les lieux clos afin d'en découvrir, par le dessin et la parole, l'humanité. Après avoir brossé un portrait de notre société dans ses institutions essentielles que sont la Justice et la Santé, elle s'est cette fois-ci intéressée à la Religion.

En 2006, elle décide de parcourir la France (de Strasbourg à Lourdes, en passant par Lille, Nantes, Gennevilliers, Anduze& ) pour aller à la rencontre de gens ordinaires afin de les interviewer sur une partie de leur vie très intime et très universelle : leur foi religieuse.

Véritable reportage de société, ce livre dresse un état des lieux inédit des pratiques et croyances religieuses à travers de nombreux témoignages sincères et émouvants d'hommes et de femmes, riches ou pauvres, Français de souche ou nouveaux concitoyens.

Qu'ils soient bouddhistes, catholiques, musulmans, orthodoxes, juifs ou bien protestants, ils ont tous accepté de se confier, sous le regard bienveillant de Noëlle Herrenschmidt, pour s'exprimer sur leurs convictions profondes, leur parcours de vie, leur façon de prier et répondre à leur manière à une question qui ne cesse de nous interroger : quel sens donner à sa vie?

Illustré également par 400 aquarelles réalisées dans l'instant par l'auteure elle-même cet ouvrage décrit également les lieux (mosquées, temples, synagogues, églises, presbytères, institut de théologie), les cérémonies (l'offices autour des stupas, les baptêmes catholiques, la bar-mitsva, les mariages, les enterrements& ), les fêtes (la semaine de Pâques, dimanche des Rameaux, l'office des matines, Shabbat, Pourim et Yom Kippour, les chants en slavon& ), les moments de prière (la méditation, la messe, le benedicité, le Kiddouch, les prières du Maghreb et de l'Aïd El Kabîr, les cultes et louanges...), les enseignements et rassemblements (la retraite, le catéchisme, les cours d'icônes, la lecture de psaumes et les cours d'homélie, l'étude du talmud, les synodes& )


« AFZÂD, Ethnologie d'un village d'Iran »
Anne-Sophie VIVIER-MURESAN
(Institut français de recherche en Iran
Editions Mo'in. Diffusé en France chez VRIN)

Fragment de la photo de couverture>

Anne Sophie Vivier-Muresan a partagé pendant deux ans la vie des 200 habitants d'un village iranien dans la région de Kermân. Elle a observé les modifications de comportements entre les différentes générations au cours des quarante dernières années. De ce travail est sortie une thèse de doctorat dont la lecture est passionnante. L'auteure fait apparaître que les ruptures successives ont produit une individuation croissante. L'observation est menée avec minutie. Le livre est pourtant accessible au grand public. Il s'agit bien sûr d'une démarche qui suppose le maniement d'instruments scientifiques mais elle nous rend proches d'une population chiite qui nous est étrangère. Elle est un témoignage : connaître autrui, entrer dans sa culture et dans ses représentations religieuses, supposent un déplacement et un désir de le rejoindre.



« L'IRAN, naissance d'une république islamique »
Yann RICHARD
(Editions de La Martinière)

Ce livre aide à comprendre un pays qui fut longtemps pris en tenailles entre la Russie et l'Angleterre. Il s'est affranchi progressivement de l'emprise étrangère au cours d'une histoire où le clergé a joué un rôle prépondérant et dont Y.Richard retrace les péripéties. Le livre commence avec le règne des Qazar, au début du XIXème siècle jusqu'à l'avènement de l'actuel président en passant par la révolution de 1906 et l'effacement du Chah devant la République islamique en 1979. A en croire Yann Richard, l'islamisme radical n'est pas étranger au mouvement d'émancipation ayant permis à chaque nation moderne d'acquérir son autonomie.


" La France et ses musulmans "
Sadek SELLAM
Fayard

Belle coïncidence. En même temps que l'ouvrage dirigé par Mohammed Arkoun, paraît cet ouvrage de 387 pages. L'auteur est un ami qui nous connaît bien. Il estime que les très nombreux écrits consacrés à l'Islam en France sont trop répétitifs et portent sur les trois principaux thèmes récurrents : la recherche des courants fondamentalistes, l'évaluation du risque « communautariste » et l'insistance sur les « divisions » des musulmans dits « modérés ». Il estime que la mise en perspective historique protège des « passions déformantes » dont souffre l'Islam en France.

Notre bulletin rend compte longuement de cet ouvrage particulièrement documenté. L'intérêt du livre tient en ce que l'auteur montre la difficulté pour la France de reconnaître une religion transplantée. Une date est à retenir dans l'évolution de cette question : 1895. Les musulmans sont déjà nombreux dans l'Hexagone ; ils formulent une triple demande : l'ouverture d'une mosquée, un carré musulman au cimetière du Père-Lachaise et l'ouverture d'une Médersa à Paris. Seule la deuxième demande est entendue.

Sadek Sellam révèle le beau travail d'inculturation en métropole qui précéda les deux guerres et dont le dialogue islamo-chrétien sera l'un des fruits. Pourquoi cet Islam qui a su s'adapter à la laïcité n'est-il pas davantage pris au sérieux ?

Une grande partie du livre analyse la politique coloniale en Algérie : confiscation des habous, contrôle administratif des mosquées, pèlerinage à La Mecque soigneusement surveillé. En 1947 Massignon prônait l'application de la loi 1905 à l'Islam et la formation de « canonistes » dans un institut musulman de Paris. En vain ! Sadek SELLAM voit dans ce refus de reconnaître l'indépendance de l'Islam par rapport à la France la cause de ce qu'il considère comme la paralysie du CFCM aujourd'hui.


« Histoire de l'Islam et des musulmans en France »
Ouvrage collectif

Le A de l'alphabet latin lié à l'alif arabe
dit la rencontre des cultures
Tapisserie de "Mes-tissages".

Voici un livre de plus de 1200 pages pour donner un aperçu des relations entre les musulmans et tous ceux qui habitent l'hexagone, depuis la prise de Narbonne en 719 jusqu'à aujourd'hui. Soixante-dix spécialistes ont élaboré ce volume sous la direction de Mohamed ARKOUN.

Il s'agit d'un livre d'histoire, sans doute. Il s'agit en même temps d'un ouvrage qui devrait aider tous ceux qui habitent la France à porter les uns sur les autres un regard libéré de l'imaginaire.

L'Islam et la France ont, certes, vécu une histoire commune, mal connue dans ses détails. Souvent, mais pas toujours, conflictuelle. A coup sûr ce très bel ouvrage nous révèle que nous avons vécu en enfermant l'autre dans des représentations sans réussir ni à nous révéler ni à nous découvrir pour ce que nous sommes. Aujourd'hui, l'autre, c'est-à-dire le musulman, est là. Pour devenir concitoyens nous avons à ouvrir les yeux. Cette « histoire de l'Islam » nous y aide.

Chez les uns et les autres, l'histoire a opéré un travail qu'il s'agit de faire émerger à la conscience pour assumer et réconcilier les deux traditions dont nous sommes héritiers. Pour saisir la portée de l'ouvrage on peut en commencer la lecture par l'épilogue écrit par Abdelwahab Meddeb. Cet intellectuel a été formé à l'école franco-arabe de Tunis. Il nous livre une méditation très belle sur le double patrimoine culturel dont il est l'héritier. « Dans la double formation que nous recevions, nous nous plaisions à repérer les analogies et les croisées possibles entre ce qui nous était transmis séparément dans les leçons de littérature arabe et française ; le lien se faisait en nous naturellement entre les deux corpus, surtout lorsqu'ils se sont historiquement croisés comme pour les fables de La Fontaine, dont nous recevions les échos d'une de leurs sources que nous fréquentions en langue arabe ». Qui d'entre nous savait que les fables apprises à l'école primaire étaient le fruit d'une rencontre interculturelle entre l'Islam et la France ?

L'épilogue est un bel écho à la préface de Jacques LE GOFF ; « ce livre, nous dit-il, nous parle de notre présent. Car dans notre présent vit l'histoire complexe des générations passées et vite aussi notre devenir commun ».


« L'Islam, tolérant ou intolérant »
Mustapha Chérif
Éditions Odile Jacob, Paris. 291 pages

« J'ai été profondément touché par votre lettre et votre livre, qui m'a appris beaucoup de choses. Sachez que cette rencontre se veut un signe fort de mon attachement au dialogue interreligieux ».

Par ces quelques mots, le 11 novembre 2006, Benoît XVI accueillait, au Vatican, Mustapha Chérif, un intellectuel algérien, professeur de philosophie à l'Université d'Alger. Pour la première fois de l'histoire, un pape recevait dans l'intimité un musulman pour un dialogue islamo-chrétien qui devrait demeurer un bel exemple d'écoute mutuelle.

Ce livre dont parle Benoît XVI, nous l'avons lu, nous aussi. Son contenu rejoint celui de l'entretien du Vatican tel que M.Chérif le rapporte dans la presse. Il s'agit de libérer l'islam des fausses images dont l'affublent quelques exaltés qu'on appelle terroristes. Mustapha Chérif se fait la voix de la majorité musulmane silencieuse, celle qui réprouve la violence.

Il veut aussi apporter sa contribution à l'équilibre du monde. Le coeur de l'ouvrage repose sur le rapport de la raison et de la foi. La modernité, depuis le siècle des lumières, a séparé en Occident raison et foi. Cette dernière est refoulée dans la vie privée. Par voie de conséquence, la raison, détachée de ce qui donne du sens à la vie, se réduit à la raison économique. Le monde est emporté dans une logique infernale ; les lois du marché qui commandent toute l'existence sont aux mains d'un Occident qui prétend écarter de l'histoire toute dimension religieuse. Depuis au moins la seconde guerre mondiale jusqu'aux drames actuels du Moyen et du Proche-Orient, les résultats sont catastrophiques. La raison économique étend son emprise aux dimensions de la planète ; cette mondialisation crée des écarts économiques de plus en plus infranchissables et de plus en plus injustes. L'idéologie des droits de l'homme, importée de l'Occident s'avère un leurre.

« Ainsi, malgré les progrès scientifiques multiples et largement positifs accomplis par l'Occident, en dépit du fait que nombre d'individus, de groupes et de populations veulent passer à l'Ouest et sans jamais rejeter toute la responsabilité sur l'autre, notre devoir d'amitié et notre souci d'objectivité nous obligent à dire que les orientations du système dominant apparaissent aux peuples musulmans comme injustes, inhumaines, contre nature et non-conformes à leurs aspirations et à leurs valeurs ».

Par réaction, quelques courants minoritaires, dans les pays musulmans du Sud, durcissent le lien : la foi se confond avec la raison et prétend imposer la religion comme norme sociale. Il s'agit de quelques exaltés qui ne sont en rien représentatifs de l'islam. C'est pourquoi l'auteur s'insurge contre les thèses occidentales qui prétendent rendre compte des conflits mondiaux d'aujourd'hui en parlant de « choc des civilisations ». Un long chapitre reprend les thèses devenues fameuses de Samuel Huntington. Il les expose avec clarté pour les réfuter de manière impitoyable. Il conclut :

« La propagande du choc des civilisations, fruit de la logique d'une guerre sans nom, fondée sur la haine, est donc un alibi, un leurre inventé par des gens qui cherchent à détourner l'attention des enjeux politiques et économiques et qui manipulent les contradictions de l'heure ».

La raison d'un côté, qui déclenche un mécanisme impitoyable, la religion de l'autre refoulée hors de l'histoire, dans la vie privée, tel est le drame de la mondialisation. Qu'il faille distinguer foi et raison est une évidence tout comme, de manière homologue, il convient de distinguer religion et politique. Mais les séparer est une fermeture et toute fermeture est dangereuse. L'actualité le montre : l'oubli du spirituel conduit à la désorientation et à la déshumanisation. « La situation nous oblige à revoir les liaisons entre les différentes dimensions de la vie ».

Ce livre manifeste à l'évidence l'appartenance de l'auteur à la foi et à la culture musulmane. Ce témoignage s'exprime pourtant dans le langage de l'Occident. Nulle part Mustapha Chérif ne fait appel à des concepts arabes intraduisibles dans la langue d'un français. Mieux encore : il s'appuie sur les penseurs français de la modernité plutôt que sur les théologiens traditionnels de l'islam. Ses références ont pour nom Gérard Granel, Jacques Berque, Jacques Derrida et la préface porte la signature du philosophe Jean-Luc Nancy. Ce livre d'un homme du Sud témoigne d'une ouverture sur l'autre.

« Ouverture » : tel est le mot clé de l'ouvrage tout entier. Au milieu du Xème siècle, un calife décréta ce qu'on appelle « la fermeture des portes de l'ijtihad » : c'était interdire que le croyant s'interroge sur le sens du texte. Celui-ci était aux mains des spécialistes. Mustapha refuse la fermeture pour remonter aux origines du Coran. Il ne s'agit pas d'un retour au passé mais d'une redécouverte du jaillissement initial de la Parole de Dieu, d'un retour à la source qu'on voit surgir lorsqu'on libère le Livre des carcans dans lesquels on l'a enfermé. Ce mouvement permet de découvrir que le Coran est ouverture. Qu'on ait le Coran, autrement dit la Parole de Dieu, sous les yeux et sur les lèvres, fait apparaître que Dieu n'est pas enfermé en lui-même mais qu'il s'ouvre et se diffuse dans sa création qui est multiple. Certes, la pluralité est appelée à se tourner vers son Créateur pour retrouver son unité mais, dans l'entredeux, chaque élément doit composer avec l'autre qui, par définition, est différent. L'homme est le premier à devoir vivre cette ouverture sur l'autre plutôt que de se refermer sur le semblable.

L'auteur dégage du Livre dix dimensions pour maintenir cette ouverture sur l'autre. Retenons-en trois. Deux encouragent les croyants au dialogue, la dernière rejoint le problème des conversions.

D'une part, considérer l'Islam comme acte d'ouverture sur l'autre suppose qu'on sache entendre que le Coran présente la vie comme une épreuve : l'autre est là. Vivre consiste à accepter sa différence et à lui faire place. Cela ne va pas de soi mais la vie religieuse passe par là. Le Coran invite aussi à être humble devant la vérité dont nul n'a le monopole. La vie est un mystère ; Dieu y est à la fois présence et absence. La connaissance mutuelle permet, en nous tournant vers l'autre, de faire usage de notre raison pour, en l'écoutant et en lui parlant, mieux assumer la distance qui nous sépare de la vérité.

Enfin l'ouverture de l'Islam va avec la liberté. Celle-ci est une source spirituelle. Dire que Dieu est Dieu et qu'il n'est pas d'autre Dieu que Lui conduit à l'ouverture. La Profession de foi permet de devenir ouvert soi-même et, par le fait même, d'être disponible à autrui en respectant la liberté qui le conduit là où je ne suis pas. Ces lignes, sans doute, sont à méditer par tous ceux qui réduisent l'autre en le rendant semblable à eux. Convertir autrui consiste à le tourner vers soi alors que le message coranique, en sa source, invite à se détourner de soi pour faire place à l'autre.

« J'ai été profondément touché par votre lettre et votre livre, qui m'a appris beaucoup de choses. Sachez que cette rencontre se veut un signe fort de mon attachement au dialogue interreligieux ».

Par ces quelques mots, le 11 novembre 2006, Benoît XVI accueillait, au Vatican, Mustapha Chérif, un intellectuel algérien, professeur de philosophie à l'Université d'Alger. Pour la première fois de l'histoire, un pape recevait dans l'intimité un musulman pour un dialogue islamo-chrétien qui devrait demeurer un bel exemple d'écoute mutuelle.

Ce livre dont parle Benoît XVI, nous l'avons lu, nous aussi. Son contenu rejoint celui de l'entretien du Vatican tel que M.Chérif le rapporte dans la presse. Il s'agit de libérer l'islam des fausses images dont l'affublent quelques exaltés qu'on appelle terroristes. Mustapha Chérif se fait la voix de la majorité musulmane silencieuse, celle qui réprouve la violence.

Il veut aussi apporter sa contribution à l'équilibre du monde. Le coeur de l'ouvrage repose sur le rapport de la raison et de la foi. La modernité, depuis le siècle des lumières, a séparé en Occident raison et foi. Cette dernière est refoulée dans la vie privée. Par voie de conséquence, la raison, détachée de ce qui donne du sens à la vie, se réduit à la raison économique. Le monde est emporté dans une logique infernale ; les lois du marché qui commandent toute l'existence sont aux mains d'un Occident qui prétend écarter de l'histoire toute dimension religieuse. Depuis au moins la seconde guerre mondiale jusqu'aux drames actuels du Moyen et du Proche-Orient, les résultats sont catastrophiques. La raison économique étend son emprise aux dimensions de la planète ; cette mondialisation crée des écarts économiques de plus en plus infranchissables et de plus en plus injustes. L'idéologie des droits de l'homme, importée de l'Occident s'avère un leurre.

« Ainsi, malgré les progrès scientifiques multiples et largement positifs accomplis par l'Occident, en dépit du fait que nombre d'individus, de groupes et de populations veulent passer à l'Ouest et sans jamais rejeter toute la responsabilité sur l'autre, notre devoir d'amitié et notre souci d'objectivité nous obligent à dire que les orientations du système dominant apparaissent aux peuples musulmans comme injustes, inhumaines, contre nature et non-conformes à leurs aspirations et à leurs valeurs ».

Par réaction, quelques courants minoritaires, dans les pays musulmans du Sud, durcissent le lien : la foi se confond avec la raison et prétend imposer la religion comme norme sociale. Il s'agit de quelques exaltés qui ne sont en rien représentatifs de l'islam. C'est pourquoi l'auteur s'insurge contre les thèses occidentales qui prétendent rendre compte des conflits mondiaux d'aujourd'hui en parlant de « choc des civilisations ». Un long chapitre reprend les thèses devenues fameuses de Samuel Huntington. Il les expose avec clarté pour les réfuter de manière impitoyable. Il conclut :

« La propagande du choc des civilisations, fruit de la logique d'une guerre sans nom, fondée sur la haine, est donc un alibi, un leurre inventé par des gens qui cherchent à détourner l'attention des enjeux politiques et économiques et qui manipulent les contradictions de l'heure ».

La raison d'un côté, qui déclenche un mécanisme impitoyable, la religion de l'autre refoulée hors de l'histoire, dans la vie privée, tel est le drame de la mondialisation. Qu'il faille distinguer foi et raison est une évidence tout comme, de manière homologue, il convient de distinguer religion et politique. Mais les séparer est une fermeture et toute fermeture est dangereuse. L'actualité le montre : l'oubli du spirituel conduit à la désorientation et à la déshumanisation. « La situation nous oblige à revoir les liaisons entre les différentes dimensions de la vie ».

Ce livre manifeste à l'évidence l'appartenance de l'auteur à la foi et à la culture musulmane. Ce témoignage s'exprime pourtant dans le langage de l'Occident. Nulle part Mustapha Chérif ne fait appel à des concepts arabes intraduisibles dans la langue d'un français. Mieux encore : il s'appuie sur les penseurs français de la modernité plutôt que sur les théologiens traditionnels de l'islam. Ses références ont pour nom Gérard Granel, Jacques Berque, Jacques Derrida et la préface porte la signature du philosophe Jean-Luc Nancy. Ce livre d'un homme du Sud témoigne d'une ouverture sur l'autre.

« Ouverture » : tel est le mot clé de l'ouvrage tout entier. Au milieu du Xème siècle, un calife décréta ce qu'on appelle « la fermeture des portes de l'ijtihad » : c'était interdire que le croyant s'interroge sur le sens du texte. Celui-ci était aux mains des spécialistes. Mustapha refuse la fermeture pour remonter aux origines du Coran. Il ne s'agit pas d'un retour au passé mais d'une redécouverte du jaillissement initial de la Parole de Dieu, d'un retour à la source qu'on voit surgir lorsqu'on libère le Livre des carcans dans lesquels on l'a enfermé. Ce mouvement permet de découvrir que le Coran est ouverture. Qu'on ait le Coran, autrement dit la Parole de Dieu, sous les yeux et sur les lèvres, fait apparaître que Dieu n'est pas enfermé en lui-même mais qu'il s'ouvre et se diffuse dans sa création qui est multiple. Certes, la pluralité est appelée à se tourner vers son Créateur pour retrouver son unité mais, dans l'entredeux, chaque élément doit composer avec l'autre qui, par définition, est différent. L'homme est le premier à devoir vivre cette ouverture sur l'autre plutôt que de se refermer sur le semblable.

L'auteur dégage du Livre dix dimensions pour maintenir cette ouverture sur l'autre. Retenons-en trois. Deux encouragent les croyants au dialogue, la dernière rejoint le problème des conversions.

D'une part, considérer l'Islam comme acte d'ouverture sur l'autre suppose qu'on sache entendre que le Coran présente la vie comme une épreuve : l'autre est là. Vivre consiste à accepter sa différence et à lui faire place. Cela ne va pas de soi mais la vie religieuse passe par là. Le Coran invite aussi à être humble devant la vérité dont nul n'a le monopole. La vie est un mystère ; Dieu y est à la fois présence et absence. La connaissance mutuelle permet, en nous tournant vers l'autre, de faire usage de notre raison pour, en l'écoutant et en lui parlant, mieux assumer la distance qui nous sépare de la vérité.

Enfin l'ouverture de l'Islam va avec la liberté. Celle-ci est une source spirituelle. Dire que Dieu est Dieu et qu'il n'est pas d'autre Dieu que Lui conduit à l'ouverture. La Profession de foi permet de devenir ouvert soi-même et, par le fait même, d'être disponible à autrui en respectant la liberté qui le conduit là où je ne suis pas. Ces lignes, sans doute, sont à méditer par tous ceux qui réduisent l'autre en le rendant semblable à eux. Convertir autrui consiste à le tourner vers soi alors que le message coranique, en sa source, invite à se détourner de soi pour faire place à l'autre.

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