Le numérique en Palestine

Maître Maurice Buttin
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Maître Maurice Buttin nous présente les ouvertures qu’internet offre aux Palestiniens, leur permettant de dépasser les murs qui s’érigent autour de leurs territoires.


La souveraineté numérique est capitale

Le numérique, comme dans tous les pays du monde, s’est développé depuis des années en Palestine occupée, tant en Cisjordanie, dont Jérusalem-Est qu’à Gaza. La souveraineté numérique en 2022, même et surtout pour un pays enchaîné, est capital pour ne pas disparaître définitivement. Cette souveraineté numérique implique le développement de bonnes infrastructures numériques de télécommunication et, naturellement, une population formée pour utiliser ces nouvelles techniques.

Ainsi, le 14 octobre 2021 - sous une forme en ligne, tant en raison du covid que pour informer le maximum de pratiquants du numérique - s’est tenu le « Forum Convergences Territoires Palestiniens occupés » sur l’inclusion digitale. Son but : développer des outils accessibles à tous, comme aux personnes les plus vulnérables, en particulier les personnes en situation de handicap, et d’encourager la création de nouvelles possibilités de travail.

Il s’agissait de donner, à tous les jeunes palestiniens surtout, des perspectives d‘avenir par l’utilisation possible de nouvelles techniques d’information et de communication numériques.

D’une façon générale, si la jeunesse palestinienne est bien éduquée, son potentiel est limité par un chômage élevé. C’est l’un des principaux défis auxquels est confrontée la Palestine. La bande de Gaza par exemple - cette « prison à ciel ouvert » assiégée par Israël - voit le chômage des habitants dépasser les 60 %, voire jusqu’à 75 % pour les jeunes Palestiniens ! Grâce à l’internet par fibre optique largement disponible et à la gestion, à l’aide de batteries, des fréquentes coupures de courant et pénuries d’électricité, les emplois en technologie et le travail à distance, donnent une vraie possibilité de changer la donne pour ces jeunes surtout.

Le programme « Career Accelerator » (accélérateur de carrière) à Gaza a aidé de nombreux jeunes à s’épanouir, à développer leur esprit critique, leur efficacité et la capacité à tirer des conclusions plus rapidement.

L’importance du numérique pour les représentants des cultes musulmans et chrétiens

Les représentants des divers cultes, musulmans ou chrétiens, ont bien saisi le rôle que le numérique peut jouer pour diffuser par exemple les évènements religieux, des rencontres non en présentiel, voire certains prêches, certaines prières ou homélies. Cela a été très efficace durant les deux années passées avec la pandémie.

Le numérique a ainsi permis la diffusion de l’important document « Un moment de vérité » plus connu sous le nom de « Kairos Palestine », lancé le 11 décembre 2009, par une quinzaine de chefs religieux chrétiens palestiniens, dont Mgr Michel Sabbah. Patriarche latin émérite de Jérusalem et Mgr Attalah Hanna, archevêque grec orthodoxe. Pour ceux-ci la réalité la plus désespérante est « l’occupation israélienne des Territoires palestiniens, la privation de notre liberté et tout ce qui en résulte ». Ils constatent « qu’Israël tourne en dérision le droit international et les résolutions internationales et viole les droits de l’homme, tout en prétendant agir en légitime défense ». (…) Ils affirment leur foi en un Dieu bon et juste qui « nous a créés (…) pour édifier ensemble cette terre », dont « la promesse n’a jamais été un programme politique ». Ils présentent dès lors la présence juive comme le résultat d’une initiative de l’Occident pour réparer à leurs dépens « l’injustice qu’il avait commis à l’égard des Juifs dans les pays d’Europe ». Ils vont jusqu’à dénoncer « l’occupation israélienne des Territoires palestiniens, comme un péché contre Dieu et la personne humaine ».

Toutes ces personnalités palestiniennes, après ces dires ont lancé un appel à plusieurs groupes. Aux Palestiniens, ils invitent à « résister dans ces moments difficiles ». Aux musulmans, « pour qu’ils rejettent le fanatisme et l’extrémisme ». Aux Juifs, eux-mêmes avec lesquels ils affirment « être capables d’organiser la vie politique (…) selon la logique et la force de l’amour, une fois l’occupation terminée et la justice rétablie ». Aux Églises du monde entier, invitées à venir voir ce qui se passe sur place, à « condamner toute forme de racisme y compris l’antisémitisme et l’islamophobie », et à « prendre des positions de vérité en ce qui concerne l’occupation du Territoire palestinien par Israël », qui pourraient inclure « le boycottage et le retrait des investissements ».

Il est à noter que, tout en reconnaissant la nécessité de se montrer solidaires avec la souffrance palestinienne, ce texte a été critiqué dans les milieux de dialogue judéo-chrétien estimant que ce texte est porteur d’une vision trop partiale de la situation et qu’il ne peut être endossé sans de sérieuses réserves. Est-ce la raison pour laquelle nos Églises de France, catholique et protestantes, sont restées silencieuses et n’ont pas répondu à cet appel ?


La Vague de prière de l’association Sabeel

Un autre exemple de l’utilisation du numérique est à citer : la Vague de prière, lancée toutes les semaines par l’association Sabeel, (« Le chemin »), centre œcuménique de théologie de la libération, dont le siège est situé à Jérusalem-Est, avec un autre Centre à Nazareth, fondé par le pasteur anglican Naïm Ateek. Ses quatre principes : tenir ferme pour la justice et la vérité dans la non-violence ; ne pas oublier les pauvres ; rechercher l’humanité chez l’oppresseur sans devenir un collaborateur ; demeurer fidèle à sa foi.

Ce service de prière permet à tous les amis de Sabeel, locaux et internationaux, de prier toutes les semaines, le jeudi à midi, pour les mêmes sujets de préoccupation en Palestine. Elle est envoyée à tous les réseaux de communication qui soutiennent Sabeel.

Deux extraits de la Vague de prière pour le jeudi 28 avril 2022 : « En Terre Sainte, les célébrations du samedi Saint ont eu lieu le week-end dernier. Des milliers de chrétiens palestiniens et de pèlerins ont alors participé à la cérémonie du Feu sacré à l’Eglise de la Résurrection à Jérusalem, connue comme église du Saint-Sépulcre et ils l’ont fait malgré les nouvelles restrictions quant au nombre de participants que les autorités israéliennes leur avaient imposées. Elles avaient cherché à en limiter le nombre à un millier seulement, soit 90 % de moins que d’habitude. Les chrétiens palestiniens et les dirigeants des Eglises locales avaient alors critiqué cette décision comme étant une entrave à la liberté du culte. La communauté locale a bien essayé de passer au travers des barrières, mais elle en a été empêchée par les forces israéliennes. »

Seigneur Jésus, tu as souffert pour nous, et tu es ressuscité du tombeau où l’on t’avait déposé. Alléluia ! Nous prions pour que les chrétiens de Terre Sainte puissent continuer à célébrer ta résurrection tout au long des années à venir. Seigneur, dans ta miséricorde, entends notre prière.
« La semaine passée, plus de 200 personnes, des Palestiniens surtout, ont été blessées au cours de heurts à l’intérieur et à l’extérieur de la mosquée Al-Aqsa à Jérusalem. Beaucoup de Palestiniens ont été scandalisés par le déploiement massif de forces de police israéliennes sur le site de la mosquée. Ils ont également été indignés par les visites répétées de fidèles juifs à l’intérieur de la mosquée. Ceux-ci ont le droit d’y entrer, mais pas d’y prier ».
Père miséricordieux, nous prions pour que cessent les actions violentes menées par la police israélienne sur le site de la mosquée Al-Aqsa à Jérusalem, ainsi que les blessures infligées à la fois au personnel de la mosquée et aux fidèles qui y viennent pour prier. Nous prions pour que la flambée de violence prenne fin, et que les autorités israéliennes aient à cœur de maintenir la paix plutôt que d’attiser les violences. Seigneur, dans ta miséricorde, entends notre prière.

Les Églises n’oublient pas que si le numérique est un formidable instrument avancé pour l’humanité, son utilisation peut être plus ou moins néfaste, voire contestable. Dès lors, lorsqu’ils évoquent dans les écoles ou les facultés l’emprise du numérique, ils rappellent la nécessité d’un minimum d’éthique. Il s’agit toujours de remettre de l’humanité dans son emploi.

J’ajouterai que sur le plan politique - qui n’est pas l’objet de cet article - il est évident que cette technique permet appel à solidarité, y compris à la résistance sur les réseaux sociaux.

Maurice Buttin
Président d’honneur du Comité de Vigilance pour une Paix Réelle au Proche-Orient.
Membre du C.A. des « Amis de Sabeel-France » et de « Chrétiens de la Méditerranée »


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