Musulmanes immigrées
Fatima Tayab
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Fatima est Marocaine. Elle anime, dans une cité de banlieue, un atelier de tissage où elle rencontre chaque jour de nombreuses femmes immigrées dont elle reçoit les confidences.


Qu’en est-il du statut de la femme en Islam ? Constates-tu une évolution ?

La condition de la femme a beaucoup changé aussi bien au Maroc qu’en France. Au Maroc, il y a vingt ans, il était impossible pour une jeune fille d’avoir un copain. Lorsque cela se produisait on se cachait. Aujourd’hui des jeunes gens, garçons et filles, se promènent la main dans la main sans se cacher. Les tenues des femmes sont souvent plus provocantes qu’en France. Quand au sein du couple une femme avait des problèmes avec son mari, elle hésitait à en parler ; aujourd’hui souvent elle n’hésite pas à dire : «  Si je n’avais pas peur d’être séparée de mes enfants, je divorcerais ! » Autrefois divorcer était honteux mais désormais c’est devenu banal. On voit des jeunes femmes demander le divorce au bout de deux mois de vie commune.

Auparavant une femme mariée vivait avec sa belle-mère et la jeune épouse acceptait tout ce qu’on lui demandait. La belle-mère tenait toutes les ficelles ; elle gérait et commandait. Si la maison était assez grande, dans les villes, tous les fils mariés vivaient avec elle. Ceci est en train de changer. Souvent maintenant la jeune mariée n’a pas peur de dire à son mari : « Je ne veux pas de ta mère. » Je connais une femme encore jeune ; avant de rejoindre son mari travaillant en France, elle a vécu seule pendant 5 ans au Maroc chez sa belle-mère.


L’islam permet à la femme de garder pour elle l’argent dont elle dispose. C’est la raison pour laquelle elle a droit à la moitié de ce que reçoit l’homme par héritage. Qu’en est-il en vérité ?

Auparavant une femme, quand elle travaillait, gardait son argent et en disposait à sa fantaisie. L’islam, c’est vrai, lui donne ce droit. Maintenant la vie est chère et il n’est pas trop de deux salaires pour faire vivre une famille. Un homme hésite à se marier avec une femme qui ne travaille pas. Etant donné ce que sont devenus les prix au Maroc, une famille ne peut faire face quand il n’y a pas deux salaires.

Reste que certains hommes sont possessifs et insistent beaucoup pour que leurs épouses donnent tout l’argent dont elles disposent. Ils ne leur redonnent, en surveillant leurs dépenses, que ce dont elles ont besoin. Ceci est contraire à ce que prescrit le Coran. En réalité chacune doit pouvoir garder pour son seul profit l’argent qu’elle a gagné. Même si elles ne travaillent pas, elles perçoivent des Allocations Familiales : aux femmes qui viennent à nos rencontres, je dis que cet argent leur appartient. Aujourd’hui les choses ne sont pas toujours faciles. Je connais une famille où le mari prenait tout le salaire de son épouse. Quand celle-ci s’est mise à protester, la vie du couple a changé et la femme a demandé le divorce.


Qu’en est-il de la femme immigrée ?

Quand les femmes viennent en France c’est souvent une libération. Celles qui étaient sous la coupe des belles-mères, ici s’habillent avec coquetterie, se mettent du rouge à lèvres. Elles aiment sortir. Quand l’école organise une excursion elles sont toujours volontaires pour accompagner les enfants. Lorsque j’organise moi-même des sorties on me disait, il y a quatre ou cinq ans : « Il faut que j’en parle à mon mari. » Maintenant je n’entends plus jamais cela. Il n’empêche que quand un mari impose sa volonté, certaines femmes se soumettent sans réagir mais cette passivité n’a rien à voir avec le Coran.

Quand il y a un problème dans la famille, les enfants prennent toujours la défense de la mère. Lorsqu’ils découvrent un comportement déplacé chez le père, ils se mettent à le détester.

Certains, ici, ramènent les coutumes qui ont cours au pays. Quant aux femmes, lorsqu’elles arrivent elles rencontrent des voisines qui leur font découvrir leurs droits et cela les amène à tenir tête. Certains maris n’acceptent pas. Ceci se produit même chez des couples plus âgés. Lorsqu’arrive la retraite, les hommes veulent retourner au pays mais les femmes désirent rester ici ; ces oppositions entraînent des divorces même chez des septuagénaires.


Qu’en est-il du mariage ?

Là encore on constate une autre évolution. Au Maroc très souvent la femme se marie sans connaître celui dont elle va partager la vie. On lui parle d’un homme dont on lui vante les qualités et cela suffit pour qu’elle accepte de l’épouser sans l’avoir rencontré. Cela aussi est en train de changer.

En réalité, que ce soit au Maroc ou en France, la situation des femmes dépend du comportement des hommes. Quand elle est opprimée, il faut le souligner, ce n’est ni par la France ni par l’islam mais par les musulmans qui tentent de justifier leur comportement par le Coran. Quand une femme est empêchée de sortir, c’est la faute de la jalousie masculine. Quand on est en société, certains maris ne veulent pas que leurs épouses s’expriment ni qu’elles serrent la main d’un autre homme alors qu’eux-mêmes n’hésitent pas à adresser la parole aux femmes présentes ni à leur serrer la main. Ils considèrent que leurs femmes sont des objets qui leur appartiennent. Quand on organise des débats, on ne voit pas de femmes comme si elles étaient considérées comme incapables de réfléchir.

Une pratique est à dénoncer, le mariage islamique (on l’appelle mariage par Fatiha). Je connais une Tunisienne divorcée vivant avec sa fille. On lui a dit qu’elle ne devait pas vivre seule. Elle a épousé « par Fatiha », c’est-à-dire sans passer par la Mairie, un homme qu’elle n’avait jamais rencontré. En réalité l’homme était déjà marié. Elle s’est trouvée enceinte et son mari l’a abandonnée. Cette situation est fréquente : beaucoup de jeunes filles se font avoir. Quand elles portent le voile salafiste, le Khimar (1), les barbus font attention à elles et elles se marient avec un homme qui a déjà plusieurs épouses.


Que penses-tu du voile islamique ?

Attention, même s’il arrive qu’une femme soit écrasée par son mari, ne disons pas que la femme subit le joug de l’islam. Un jour, une bourgeoise d’un beau quartier de Paris, a voulu voir qui nous étions. A peine assise elle nous a dit avec assurance : « Le Coran vous asservit ; il vous oblige à vous incliner devant vos maris ! C’est lui qui vous impose de porter le voile. » C’est une sottise de prétendre que le voile islamique est un signe d’aliénation. Le voile est une prescription religieuse qui n’a rien à voir avec les maris. Il faut se décider à le porter librement. J’ai l’occasion de parler souvent avec N. qui porte le niqab ; elle me dit qu’elle s’habille de cette façon parce qu’elle se sent plus à l’aise mais que cela ne signifie pas qu’elle soit contrainte par qui que ce soit. Certains maris l’exigent mais, si la femme n’est pas d’accord, c’est le meilleur moyen pour l’inciter à le rejeter le plus vite possible.

On dit que c’est une pratique qui nous vient d’Arabie Saoudite mais c’est faux : les comportements d’Arabie Saoudite sont scandaleux et hypocrites et une vraie musulmane refuse de les imiter. J’ai parlé avec une Marocaine qui est allée y travailler ; elle m’a raconté ce qui s’y passe. Comme elles ont beaucoup d’argent les femmes se permettent tout. Elles ne sont jamais à la maison. Elles n’ont pas le droit de conduire mais un Sri-Lankais ou un autre immigré prend le volant ; le Coran interdit qu’une femme reste seule avec un homme et pourtant en voiture elles sont seules avec le chauffeur. Avec leurs portables elles regardent des vidéos obscènes. Quand un Emir vient ici, sur la côte ou à Paris, il réserve un hôtel entier pour lui et pour sa suite. Tout cela scandalise les musulmans du pays. Non ce n’est pas l’islam wahhabite qui commande l’islam de France.


Les femmes, en portant le voile, affirment leur féminité. Mais n’est-ce pas se considérer comme de purs objets de concupiscence ?

J’entends dire que les musulmans sont obsédés par la sexualité ; les femmes se protègeraient du regard des hommes en cachant leurs cheveux et en refusant de serrer la main des autres hommes. En réalité la vraie raison est purement religieuse : ce sont des impératifs qui viennent du Coran ou de la Sunna où nous reconnaissons la volonté de Dieu. Ce n’est pas une question de sexualité mais de respect de la volonté de Dieu. Les musulmans ne sont pas plus obsédés par la sexualité que les autres hommes. J’ai parlé avec un Africain qui n’a rien à voir avec l’islam ; il me disait : « Je n’aime pas que ma femme soit en minijupe et que les hommes la regardent. »

Je ne comprends pas comment la question du voile peut gêner la population : nous sommes dans un pays laïcs et chacun doit pouvoir s’habiller comme il l’entend.


Dans les hôpitaux, les médecins se plaignent que les musulmanes refusent d’être examinées par des hommes. Qu’en penses-tu ?

Oui, c’est vrai, les femmes n’aiment pas être examinées par un médecin masculin. Si on a le choix, pourquoi ne pas préférer avoir à faire avec une femme ? Moi je ne porte pas le voile mais, pour ma première grossesse, à l’hôpital Mourier, je me suis trouvée devant un homme et j’ai refusé qu’il m’ausculte. Il croyait que c’était pour obéir à mon mari : il lui a téléphoné et il s’est aperçu que personne ne m’avait rien interdit. Après discussion, il a pris rendez-vous pour moi avec sa femme qui est aussi gynécologue. Il est vrai que beaucoup de musulmanes refusent d’être soignées par un homme mais, si sa santé est en danger elle ne soit pas se dérober.


La contraception est-elle interdite ?

S’il y a un danger pour la santé de la femme, à la limite on peut tolérer l’usage de pilules contraceptives ou du stérilet. Ce n’est qu’une tolérance. Actuellement on voit augmenter le nombre des naissances ; je croyais que c’était pour toucher des Allocations Familiales mais en interrogeant les femmes, je constate que, pour elles, « il est haram de limiter les naissances  ». Quant à l’avortement il est interdit à partir du troisième mois de la grossesse, c’est-à-dire à partir du moment où Dieu insuffle l’âme dans le fœtus.


Pourquoi, en islam, interdit-on aux femmes de se marier avec un non-musulman ?

Les cas de mariages avec un non-musulman se multiplient. Chez nous, au Maroc, de plus en plus on se marie avec n’importe qui, sans prendre garde, parce qu’on est pressé de changer de situation.

J’ai une fille de 10 ans : je la préviens dès maintenant qu’elle ne peut se marier avec un chrétien. La religion l’interdit. Evidemment si cela se produisait, je ne la rejetterais pas mais je sais qu’elle serait amenée à désobéir à Dieu et cela me ferait mal. J’ai écouté une maman qui me confiait que son gendre non musulman s’était converti pour épouser une chrétienne. Elle s’aperçoit que sa fille désormais vit à la française et elle a trouvé dans son frigo du jambon et de l’alcool. « Je me suis fait avoir » dit-elle. Il est difficile, dans une famille, de vivre deux religions à la fois ; cela pose des problèmes pour les enfants. Cela pose déjà beaucoup de questions quand on se marie entre Algériens et Marocains. A plus forte raison l’union est-elle difficile quand il s’agit de deux religions.


Y a-t-il une différence dans la façon d’éduquer les garçons et les filles ?

En ce qui concerne l’éducation des enfants, il faut reconnaître que, dans les familles, les garçons ont plus de liberté que les filles. Il faut éduquer les enfants selon les pratiques de l’islam. Je dis à ma fille qu’elle peut avoir des amis garçons mais qu’il y a des limites à ne pas dépasser. Je lui explique ce qu’elle ne doit pas faire avant le mariage et qu’elle doit demeurer vierge. J’explique certains interdits. Hier, elle m’a dit : « J’ai une amie marocaine dont les parents ne vont pas à la mosquée et qui mangent comme tous les Français. » Je lui ai répondu : « C’est leur point-de-vue et je n’ai pas le droit de les juger mais je te dis que dès que tu en auras l’âge, tu dois faire ce que l’islam demande. Tu n’as pas le choix. »

Fatima Tayab


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