Multiculturalisme ou assimilation
Gilles Keppel (extraits)
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En cherchant sa place dans les différents pays européens, l'islam trouve, selon les pays, deux types d'insertion: multiculturalisme ou assimilation. Grande Bretagne et Pays Bas, par exemple, permettent à chaque communauté immigrée de se structurer à partir de ses traditions et d'afficher publiquement les signes de ses appartenances, fussent-elles religieuses.

En France, on estime, au contraire, que la vie religieuse fait partie de la vie privée. Tout signe religieux ostentatoire doit être banni des lieux publics : écoles, administration, entreprises.

Malgré le malaise suscité par l'apparition du «voile» dans les écoles voici bientôt vingt ans, à en croire Gilles Keppel qui s'appuie sur deux sondages, que la France est le pays d'Europe où la minorité musulmane est la mieux intégrée. Est-ce une réussite de la laïcité française ?



Peintures de Pierre Menevale

Une menace pour la sécurité ?

«Le 19 août 2007, alors que le Royaume-Uni commence à se remettre de la nouvelle frayeur que lui ont causée les attentats éventés de Londres et de Glasgow à la fin juin, le Financial Times publie un sondage sur la perception de la présence des musulmans par les citoyens de cinq pays européens (Royaume-Uni, France, Italie, Espagne, Allemagne) et des Etats-Unis.

Si près de 40% des Britanniques estiment que la présence des musulmans faisait peser une menace sur la sécurité nationale, ils ne sont que 20% en France à le penser, contre 70% estimant le contraire. Si près de 40% des Britanniques (et 40% des Allemands et des Américains) s'opposent à ce que leur enfant épouse un(e) musulman(e), ils ne sont que 18% des Français dans ce cas, et plus de 50% à ne pas s'y opposer. 46% des Britanniques estiment que les musulmans ont trop de pouvoir politique, contre 10% en France. Plus de 50% des Britanniques s'attendent à une attaque terroriste dans l'année à venir (15% en France, 30% en Espagne et aux Etats-Unis).

Les signes ostentatoires

Si les Français demeurent, sans surprise, les plus nombreux à se prononcer pour exclure les symboles et vêtements religieux des écoles et lieux de travail (autour de 70%), les Britanniques comptent désormais quelque 50% de sondés à partager cette opinion - une évolution étonnante des mentalités dans un pays où le multiculturalisme avait régné en maître - suivis de près par Allemands et Espagnols, seuls les Italiens et surtout les Américains étant majoritairement d'opinion contraire.

Enfin si 80% des Français ne voient aucun problème à être simultanément musulman et citoyen de ce pays, moins de 60% des Britanniques le pensent - le score le plus faible des cinq pays considérés.

Les mariages mixtes

Le quotidien de la City, d'ordinaire peu amène envers la France, nota avec étonnement que celle-ci « sort du lot comme le pays le plus à l'aise avec sa population musulmane. Les Français sont les plus susceptibles de dire qu'ils ont des amis musulmans, d'accepter que leur enfant épouse un(e) musulman(e), et à dire que les musulmans de leur pays ont souffert de critiques injustifiées et de préjugés  ». Plus encore, « une majorité écrasante de Français considèrent les immigrés musulmans comme français, comme des conjoints acceptables pour leurs enfants, et n'estiment pas qu'ils représentent des menaces pour la sécurité. Cela peut sembler surprenant moins de deux ans après les émeutes dans les banlieues françaises et trois ans après que la France eut interdit le voile islamique à l'école ».

Un an auparavant, le 22 juin 2006, le Pew Global Research Project, l'un des principaux organismes américains qui mesure grâce à des sondages réguliers les « attitudes globales » à travers le monde, publiait une enquête intitulée « La grande rupture : comment les Occidentaux et les musulmans se voient réciproquement  les musulmans d'Europe [sont] plus modérés ». Celui-ci, un peu plus de six mois après les émeutes en France, faisait déjà apparaître un certain nombre de traits spécifiques concernant les musulmans de l'Hexagone.

Les bienfaits du système français

De tous les pays interrogés, les sondés français étaient les premiers en proportion (74%) à considérer qu'il n'y avait pas de conflit entre le fait d'être un musulman pieux et vivre dans une société moderne, et les seuls majoritairement de cette opinion dans les quatre pays de l'Union européenne considérés (Allemagne 26%, Grande Bretagne 35%, Espagne 36%). Quant aux musulmans français, ils étaient les seuls de toutes les populations musulmanes interrogées à travers le monde à estimer en majorité (48% contre 46%) que des Arabes avaient commis les attentats du 11 septembre 2001 (56% des musulmans britanniques en disculpant totalement les arabes contre 17% qui en attribuaient la responsabilité à certains d'entre eux - et non au Mossad ou à quelque judéo-croisé).

En France encore, 65% de la population avait une bonne opinion des musulmans, contre 63% du Royaume-Uni (elle baisserait significativement ultérieurement) et 54% aux Etats-Unis. Quant aux musulmans français, ils étaient 91% à avoir une bonne opinion des chrétiens (contre 71% des musulmans britanniques, 27% des Pakistanais, et seulement 17% des Turcs) ; plus remarquable encore, 71% des musulmans français avaient une bonne opinion des juifs - les seuls en Europe à exprimer majoritairement ce sentimen - sans parler des pays musulmans (de 32% au Royaume-Uni à 1% en Jordanie).

Enfin, pour les six principaux défauts attribués aux Occidentaux par les musulmans (égoïstes, arrogants, violents, intéressés, immoraux et fanatiques), alors que les musulmans britanniques se situaient dans le haut de l'échelle, entre 67% et 44%, les musulmans français se situaient tout en bas (entre 51% et 26%).

Et à l'inverse, pour les six qualités majeures (respectueux des femmes, généreux, tolérants, honnêtes et pieux) conférés aux Occidentaux, les musulmans français venaient toujours devant leurs coréligionnaires britanniques (de 77% à 51% contre 56 à 42%), sauf en ce qui concerne la piété  dont seuls 26% de musulmans français créditaient les autres Français, une opinion réaliste dans l'Hexagone où la religion n'est que faiblement pratiquée et la foi guère tenue pour une vertu sociale.»

Extrait du livre de Gilles KEPPEL «Terreur et Martyre» pages 273 - 275



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