Mariages islamo-chrétiens aujourd'hui
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La femme musulmane en Europe,
pour se libérer des interdits où l'enferme la loi,
a le choix entre le Coran et la Charte des Droits de l'Homme.

Droits de Dieu ou Droits de l'homme

La France de notre temps est aux prises avec des interdits qui emprisonnent la femme musulmane et qui divisent l'islam européen.

D'un côté ils enferment l'islam et le mettent en danger de communautarisme. La politique du logement depuis plus de trente ans a isolé à la périphérie des villes, les familles venues du Maghreb ou d'Afrique noire. Un enseignement traditionnel dans beaucoup de mosquées de banlieue renforce les barrières en empêchant les jeunes filles d'unir leur vie à celle d'un jeune chrétien. On peut s'interroger. Ces pratiques matrimoniales vécues dans l'Hexagone ne contribuent-elles pas à retarder l'avènement d'un véritable islam de France qui, comme le disait un homme politique, « a sa place à la table de la République » ? Le danger n'est pas vain. L'impossibilité de communiquer atteint son comble avec la vision du monde véhiculée par les tablighs ou les salafistes. Ils enferment l'islam du pays dans une citadelle impénétrable ; aucune rencontre avec autrui n'est possible s'il ne se convertit à l'islam.

Face au risque de communautarisme, surgit celui de la sécularisation. En 1995, alors que se préparait la IVème Conférence Mondiale des Femmes, à Pékin, un collectif se mettait en place au Maghreb. Des Marocaines, des Tunisiennes et des Algériennes hautement cultivées étudiaient les législations de leurs pays pour les contester et contribuer à une libération de la femme maghrébine. Voulant écarter « le caractère immuable des dogmes systématiquement mis en avant s'agissant de la condition des femmes », elles ont rédigé « Cent mesures et dispositions pour une codification maghrébine égalitaire du statut personnel et du droit de la famille ». L'article 16 s'attaque de front à la question des mariages inter religieux : « La disparité de culte n'est pas un empêchement au mariage de la musulmane avec un non-musulman ». Elles veulent la promotion de la femme parce qu'elles veulent la sauvegarde des Droits de la personne humaine. « C'est, en effet, disent-elles, à partir de ce système de valeurs que s'est progressivement élaboré depuis un siècle, un consensus international ».

Une religion séculière?

Cette référence aux Droits de l'homme donne à réfléchir. Ces derniers sont un fruit de l'Occident. On comprend l'hésitation des pays musulmans à s'incliner devant eux. Il est bien vrai que presque tous ont adhéré aux différentes déclarations internationales qui éliminent toute forme de discrimination religieuse. Reste pourtant qu'en 1990, par la voix des différents ministres des affaires étrangères, l'Organisation de la Conférence Islamique, faisant connaître sa propre version des Droits de l'homme, maintenait les interdits de la charia. « Les droits de l'homme n'ont aucun rapport avec l'islam, écrit avec raison Tariq Ramadan ; ils sont une création occidentale qui ne peut être acceptée ». Ils risquent d'être perçus comme une religion nouvelle qui veut s'imposer partout. Ce n'est pas par hasard si Georges Bush a employé le mot « croisade » pour justifier la guerre d'Irak. Se référer aux Droits de l'homme revient peut-être à substituer à l'islam une religion séculière.

Libération de la femme et perte de l'islam

C'est bien ce à quoi on assiste dans les banlieues françaises. A Vitry, voici quelques années, une jeune beurette avait été brûlée vive et jetée dans une poubelle. Il est vrai que dans les banlieues des grandes villes françaises, les cités sont parfois le théâtre de comportements machistes intolérables. Les populations, d'origine musulmane le plus souvent, n'ont pas eu des formateurs compétents pour les ouvrir aux valeurs authentiques de leurs traditions religieuses. Des militantes féministes se sont emparées du drame de Vitry-sur-Seine pour lancer une campagne dans les banlieues. L'association « Ni putes ni soumises » milite avec efficacité pour l'émancipation des femmes et des jeunes filles maghrébines. La perte de l'islam est le prix de leur affranchissement. « Mon père est parti faire son pèlerinage à La Mecque. J'ai honte d'être sa fille », disait l'une d'elles.

L'islam, instrument de libération

Il faut citer ces paroles d'un père de famille musulman, d'origine algérienne  : « Si ma fille venait me dire 'j'aime un chrétien', je la mettrais en garde. Je lui dirais : "informe-toi sur ses intentions. Assure-toi qu'il respectera ta foi musulmane et qu'il ne t'empêchera pas de faire tes cinq prières. J'ajouterais ensuite :"à toi de prendre tes responsabilités. La vie que Dieu t'a donnée est entre tes mains. Après cela je me tournerais en secret vers mon Seigneur pour le supplier que mes enfants et petits-enfants aient la possibilité de devenir musulmans! » Il semble bien, en effet, que les interdits qui enferment la femme musulmane sont oeuvre purement humaine. A première vue aucun texte du Coran ni aucun propos du Prophète ne semble trancher cette question. L'islam possède en lui-même assez de ressources pour vivre les questions posées à la conscience contemporaine.

L'Eglise a dû attendre de nombreuses décennies pour harmoniser la conscience chrétienne et la démocratie qu'elle avait d'abord condamnée. Des théologiens ne se sont pas découragés ; ils ont permis à l'Eglise de faire peau neuve sans pour autant s'écarter du message évangélique. Grâce à eux le Concile Vatican II avait les arguments pour que, par exemple, les baptisés puissent se tourner avec confiance et respect vers les musulmans. Grâce à eux les chrétiens peuvent partager les soucis des hommes de leur temps non en se soumettant aux idéologies du siècle mais en relisant l'Evangile et les Ecritures avec des yeux neufs.

Vers un islam progressiste

Hélas ! Pendant ce temps l'islam au Maghreb était maintenu sous la tutelle coloniale. Notons, au passage, que ceci ne gênait apparemment pas les autorités ecclésiastiques de cette époque : aucune voix ni à Rome ni dans l'Eglise de France ne s'est élevée pour dénoncer cette injustice. Heureusement, les temps ont changé. Aujourd'hui des penseurs musulmans sont à l'oeuvre : des hommes et des femmes. Faisons-leur confiance! Il faut chercher dans l'islam lui-même la façon de vivre avec son temps. Si l'empêchement de disparité de culte pour une musulmane est un mal qu'il faut regretter, seul l'islam est équipé pour s'y opposer. Terminons sur ces paroles d'une femme théologienne et musulmane : « Tandis que l'Occident déplore constamment ce qu'il décrit comme « la montée du fondamentalisme islamique», il n'accorde pas d'attention significative ni de soutien aux musulmans progressistes qui sont bien plus représentatifs de l'islam moderne « majoritaire » que les musulmans conservateurs à droite ou les musulmans séculiers à gauche  » (Riffat Hassan ; «Se comprendre» ; mars 2007).





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