L'islam religion du pardon
Des musulmanes de La Caravelle
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La Maison islamo chrétienne a interrogé quelques musulmanes de La Caravelle sur la manière dont elles vivaient le pardon. Au terme de l’entretien, sachant que leurs propos seraient publiés, elles nous ont dit : « Insistez pour dire que l’islam est la religion du pardon. »

Pour vous qui êtes musulmanes, qu’est-ce que le pardon ?

Même si on a commis beaucoup de péchés, Dieu nous pardonne. C’est pour ça que nous aussi, on pardonne. Des jeunes font des bêtises : il faut leur pardonner. Quand on a fait une bêtise, on se tourne vers Dieu et il pardonne. Mais si on continue, c’est autre chose.

On demande pardon quelquefois à quelqu’un pour éviter que Dieu nous juge. Si tu es injuste envers quelqu’un qui ne te pardonne pas, Dieu, bien sûr ne pourra pardonner. Mais si tu pardonnes à celui qui t’a fait du mal, l’affaire est réglée et Dieu n’a plus rien à dire. Il faut préciser qu’il y a des conditions pour que Dieu pardonne. On peut, par exemple, porter tort à quelqu’un sans l’avoir fait exprès. Mais j’ai besoin de Dieu pour pardonner moi-même. Je lui demande d’avoir la force de demander pardon. Si je n’ai pas la possibilité de pardonner, je demande à Dieu de le faire à ma place. Au jour du jugement si celui à que j’ai fait du mal me pardonne, Dieu me pardonne lui aussi. Dieu nous comprend : on fait des erreurs parce qu’on est fragile.

En islam, on n’a pas le droit de juger ceux qui nous entourent. Si Fatima n’était pas là et que je commente ce qu’elle fait, je risquerais de dire des choses pas gentilles. Même si ce que je dis d’elle est vrai, je n’ai pas le droit d’en parler. Si je le fais, je dois aller la trouver pour l’informer de ce que j’ai dit et lui demander pardon. Entre nous il arrive souvent qu’on jase sur les absentes ; le pardon qu’on demande et qu’on nous accorde répare le mal. Bien sûr, certaines sont des hypocrites et se gardent bien d’avouer leurs torts. Nous ne sommes pas des saintes. Nous avons trop tendance, nous les femmes, à parler dans le dos des autres. Il ne faut pas seulement demander pardon mais changer notre façon de vivre. Un jour, le Prophète avait fait part à l’une de ses épouses qu’il allait prendre encore une femme de plus. « Quoi ! dit la femme ; celle-là est trop petite. » Le Prophète a réagi : « Va cracher ! Tu as mangé la chair de ta sœur ! » Après cela, il a fallu qu’elle aille vers la femme en question pour lui demander pardon.

Si quelqu’un a fait le mal, il ne faut jamais commencer par le dénoncer  : ce serait parler derrière lui. C’est lui qu’il faut aller trouver pour lui faire des reproches si c’est nécessaire. Ensuite, si nous pensons qu’il est dangereux, il faut peut-être aller trouver la police mais pas avant de lui avoir parlé.

Beaucoup de Français insultent des musulmans ; ils se moquent des femmes qui portent le voile. Ils leur disent « rentre chez toi  ». Est-ce que ces gens-là méritent d’être pardonnés ? Est-ce que vous leur pardonnez ?

C’est l’affaire entre eux et Dieu. Moi, cela ne me touche pas : ce qu’ils disent, ce sont des paroles en l’air. Moi franchement je pense que si on prend tout cela au sérieux, on ne peut pas vivre. Je comprends les gens : ils ont peut-être peur de nous. Etant donné ce qui se passe dans le monde, ils nous regardent d’une façon bizarre. De toute façon, on ne peut pas plaire à tout le monde.

Jésus nous dit qu’on doit pardonner à tout le monde. Et vous ?

Prophète savait pardonner. Eux, ils savaient pardonner parce qu’ils étaient saints. Nous, ce n’est pas pareil. A moi aussi, il arrive que je ne sache pas pardonner : je ne suis pas une sainte. Je ne suis pas Jésus, je ne suis pas Mohammed. Quand quelqu’un me fait du mal, j’ai du mal à pardonner et à oublier. Si je rencontre une personne qui m’a fait du mal, tout-de-suite je me rappelle ce qu’elle m’a fait.

Quand quelqu’un est sur son lit de mort, il demande souvent à ceux qu’il a offensés de venir lui pardonner. Ils font cette demande cas par cas. Ceci est fréquent chez nous les musulmans. Si on ne lui accorde pas le pardon qu’il demande, là-haut il sera jugé.

En christianisme qui ne pardonnerait pas aurait tort. Est-ce la même chose en islam ?

De toute façon, quand on est là-haut, c’est trop tard ; c’est sur terre qu’il faut pardonner. Quand au tribunal, l’accusé demande pardon à sa victime, cela n’empêche pas le juge de condamner. C’est pareil quand on est devant Dieu. La personne qui a fait du mal à un autre va perdre ses hasannat, c’est-à-dire ses mérites.

Un voleur qui a commis un délit va faire de la prison. Après il va sortir. C’est pareil. Tu vas être jugé à propos des torts que tu as à l’égard de quelqu’un. Ensuite Dieu va te pardonner.

Un jour, on demandait à Jésus : « Combien de fois dois-je pardonner à quelqu’un ? » Jésus lui a répondu  : «  Un nombre de fois incalculable  : soixante-dix fois sept fois.  » Jésus ne donne pas seulement tort à celui qui a fait du mal mais aussi à celui qui refuse de pardonner. Est-ce qu’on trouve quelque chose de ce genre dans le Coran ?

A nous aussi, Dieu demande de pardonner. Si nous avons fait du mal, Dieu est capable de pardonner à chacun d’entre nous. En ce qui concerne les torts que nous avons les uns avec les autres, c’est à nous de nous débrouiller. Il ne pardonne pas mais il ne condamne pas s’il y a un conflit entre nous.

A propos des insultes que, dans la société française, on peut faire à des musulmans : est-ce qu’on peut pardonner aux personnes qui méprisent une femme parce qu’elles portent le voile ?

En ce qui me concerne, je leur pardonne mais bien des autres ne leur pardonnent pas. Je ne sais pas si elles ont tort ou pas. Je pense que c’est par méchanceté qu’on refuse de pardonner. Ces femmes-là croient que tous sont comme ceux qui les insultent et ça ce n’est pas bien. La presse, la télé parlent sans cesse des musulmans : «  L’islam  ! L’islam ! L’islam ! » Mais la majorité des musulmans ne fait de mal à personne ! Les gens croient que tous les musulmans sont le Daesh, ce n’est pas bien. Mais nous on leur pardonne.

Il vaut mieux pardonner mais on n’est pas obligé de pardonner  ; Dieu ne nous punira pas de ne pas le faire mais quand on le fait, on prendra sur des mérites de la personne qu’on a offensée. Quelqu’un, par exemple, a volé 500€ à son voisin qui lui pardonne. Au jour du jugement c’est une affaire classée. Quand ils vont être devant Dieu, Dieu va prendre parmi les mérites du voleur et les donner à celui qui a pardonné.

L’islam est la religion du pardon. Si on veut vivre dans la sérénité, il faut pardonner. Sans pardon on est dans la jungle. Quand on a fait du mal à quelqu’un, on a trois jours pour demander pardon. Passé ce délai le pardon ne vaut plus rien. Il est vrai, par exemple, que si on attend plus de trois jours, le conflit naît entre les époux. J’ai une amie qui n’a pas pardonné à son mari qui l’avait trompée  : ils ont divorcé. Elle avait trois enfants ; elle aurait dû pardonner pour pouvoir vivre avec lui. Bien sûr, c’est très difficile, pour une femme qui a été trompée, de pardonner.

Quand on est devant quelqu’un de dangereux : si on lui pardonne, il risque de continuer à faire du mal. Dans ce cas-là, comment dans un pays musulman, pardonner à eux qui font du mal et protéger la société ?

Dans la religion musulmane, on coupait la main des voleurs qui s’étaient rendus coupables trois fois. En Egypte, un voleur récidiviste, a demandé à son père de lui couper les deux mains pour qu’il puisse cesser d’être tenté. Avec la déclaration des Droits de l’homme cette pratique a cessé dans presque tous les pays, sauf peut-être en Arabie Saoudite ou en Afghanistan. Mais il faut reconnaître que si on se contente de le mettre en prison, à sa sortie il va recommencer.

Il y a des limites au pardon, bien sûr. Si une femme a été violée elle doit dénoncer son agresseur à la police, sinon le coupable continuera à faire le mal. Je dois lui pardonner à cause du jugement de Dieu mais je dois laisser la justice faire son travail. Le pardon n’empêche pas le jugement.

Il n’y a pas seulement le mal qu’on fait aux humains, il y a aussi celui qu’on fait aux animaux. Il y avait une femme prostituée. Un jour elle a trouvé un chien qui avait soif. Elle a enlevé sa chaussure, elle a été à la rivière et rempli sa chaussure d’eau pour donner à boire à cette pauvre bête. A cause de cela elle est allée au Paradis. Un simple geste lui a valu d’être pardonnée de tous ses péchés. On raconte cette histoire pour inviter les humains à pardonner à leur tour.

Les Français ont eu en Algérie un comportement très répréhensible : colonisation, injustice, massacres, tortures etc. Même si, personnellement, je n’ai rien à me reprocher, je suis solidaire, en tant que Français, de ces fautes-là. Par ailleurs, j’ai de vrais amis algériens. Est-ce que je dois considérer que cette amitié est la preuve qu’ils pardonnent à la France ?

Monsieur Macron a reconnu qu’en Algérie, les Français ont commis des crimes. Ils doivent demander pardon. Tes relations d’amitié, c’est ton affaire. Mais ceux qui, en Algérie, sont morts pendant la guerre, c’est autre chose. Les Algériens qui sont tes amis n’ont rien à te reprocher et rien à te pardonner. C’est une relation de personne à personne et pas une relation à l’égard d’un peuple tout entier ; la France devrait demander pardon pour les crimes commis en Algérie.

Mais nous ne sommes pas sûres de connaître assez bien l’islam et le Coran pour bien répondre à vos questions. J’aime beaucoup écouter les conférences d’Ahmed Didat.

Un groupe de musulmanes de « La Caravelle »

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