Le paradis selon l'islam
Mustapha Cherif
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Mustapha Chérif ne cesse de prôner un islam « ouvert ». Il s’agit d’une ouverture à la fois sur les différentes cultures que rejoignent les musulmans au fil de l’histoire et sur l’Au-delà de l’histoire.


Juste récompense

Les religions monothéistes, abrahamiques, dont l’islam est le troisième rameau, sont des religions de la Promesse. Elles fondent leur principe sur un point essentiel : la vie ici-bas est éphémère, la vie dernière dans l’au-delà est éternelle, toutes deux créées par Dieu.

Cette dernière est organisée en Paradis, récompense pour les croyants justes, et en Enfer, punition pour les incroyants injustes. Dieu Seul, Miséricorde et Miséricordieux, est juge. La révélation coranique confirme le principe du Paradis comme récompense.

A Dieu tout fera retour. Il promet le Paradis à ceux qui parviendront auprès de Lui en ayant vécu comme croyants patients, sincères et justes. L’accès à la félicité, l’entrée au Paradis, dépend du comportement sur terre. Le jour du jugement dernier chacun connaîtra son sort. Chaque atome de bien, ou de mal, sera pris en compte : « Celui qui fera un bien du poids d’un atome le verra et celui qui fera un mal du poids d’un atome le verra. » (XCIX, 7-8).

Rien n’est donné d’avance. Il faut mériter le paradis. Il ne suffit pas de croire en Dieu, à ne rien lui associer. Il faut suivre le Prophète, être vertueux, juste et bon. Ne pas porter atteinte à la valeur la plus sacrée, la vie humaine. Et respecter toute la création est essentiel : « Éloignez-vous des péchés abominables, apparents ou cachés. Ne tuez personne injustement. Dieu vous l’a interdit. » (VI-151).

Ne jamais idolâtrer quoi que ce soit, ni mépriser personne, ni violenter quiconque est cardinal. Le Prophète est venu pour semer la miséricorde dans les cœurs, clef pour le Paradis : « Et Nous ne t’avons envoyé qu’en Miséricorde pour les Mondes. » (XI.107)

Il faut apprendre à maîtriser ses mauvais instincts, ses pulsions, ses besoins démesurés et ses désirs effrénés. En somme être un humain responsable, humble, maîtriser l’ego, le moi égoïste, prendre soin de son âme et respecter la dignité d’autrui et la liberté de conscience, se consacrer au bien commun, afin de tenir compte de la Réalité ultime.

Pour aller au Paradis il ne suffit pas d’appliquer les rites cultuels, tels prier, jeûner, donner l’aumône obligatoire et faire le pèlerinage. Il faut honorer la vie, bellement agir, faire le bien, patienter dans les épreuves et donner le bon exemple en toutes circonstances : « Et à ceux qui rendent le bien pour le mal, à ceux-là est réservée une fin glorieuse.» (XIII, 22)

Les croyants ont confiance. Ils savent que leur Créateur les récompensera s’ils agissent humainement, sagement, raisonnablement, en ayant foi en l’invisible : « Aux jardins du séjour éternel, que le Miséricordieux a promis à Ses serviteurs qui ont cru à l’Invisible. Sa promesse arrivera sans doute. » (XIX: 61)

Le Paradis pour tous les croyants justes

Nul n’a le monopole du Paradis, tous les croyants au Dieu Unique de toutes les religions, pieux, justes et vertueux, y accéderont : « Ceux qui ont cru, les musulmans, et les judaïsés, les Nazaréens et les Sabéens, quiconque d’entre eux a cru en Dieu au Jour dernier et accompli de bonnes œuvres, sera récompensé par son Seigneur ; il n’éprouvera aucune crainte et il ne sera jamais affligé. » (II-62) La miséricorde de Dieu est universelle. Certes, chaque religion croit être la meilleure et les musulmans qui s’inscrivent dans la foi sincère, l’ouvert et le respect du droit à la différence et qui ont œuvré, escomptent que la miséricorde divine leur soit accordée en priorité : « Vous êtes la meilleure communauté, qu’on ait fait surgir pour les hommes. Vous ordonnez le convenable, interdisez le blâmable et croyez en Dieu. » (III-110)

Reste à remplir les conditions, à respecter la diversité des voies et, dans l’émulation, rechercher l’excellence, l’ihsan : « Si Dieu l’avait voulu, il aurait fait de vous une seule communauté. Mais il a voulu vous éprouver par le don qu’il vous a fait. Cherchez à vous surpasser les uns et les autres par les bonnes actions. Votre retour à tous se fera vers Dieu, il vous éclairera au sujet de vos différends. » (48-5)

Le Prophète (sws) rappelle que « l’homme sage fait sans cesse son examen de conscience, en vue de ce qu’il aura à affronter après la mort ». Le Paradis est prévu pour les croyants justes et patients, car la justice et la patience sont liées à la piété.

Le Paradis est le meilleur lieu de séjour, à proximité de Dieu, pour toujours, au profit des pieux justes : « Les jardins d’Éden, où ils entreront, ainsi que tous ceux de leurs ascendants, conjoints et descendants qui ont été de bons croyants. De chaque porte, les anges entreront auprès d’eux  : « Paix sur vous, pour ce que vous avez enduré avec patience ! » Comme est bonne votre demeure finale ! » (XIII: 23-24)


La description du Paradis

paraboles et des métaphores pour décrire les beautés et les bénédictions dans le Paradis : « C’est un Paradis sous lequel coulent les rivières ; ses fruits sont disponibles en permanence, ainsi que son ombrage. Voilà la demeure finale des pieux, tandis que la fin des dénégateurs sera le Feu. (XIII: 35)

En tout état de cause, même si la beauté du Paradis est au-delà de toute imagination, ce n’est ni un mythe, ni une illusion, ni une fiction. Le Paradis est une réalité, transcendantale et eschatologique, que notre entendement ne peut pleinement imaginer.

Le paradis est défini comme la Maison de la Paix et de la Vérité. Il sera le lieu du bonheur infini, marqué par la Rencontre avec le Seigneur et le Prophète, expression de la vraie récompense. Les délices y seront des plaisirs de surcroît.

L’expression coranique « contenant toutes sortes de délices » (55: 48), donne une idée des beautés, des joies et des richesses du Paradis, créées par Dieu. Le plus important est la bienveillance de Dieu sans limites : « ils auront tout ce qu’ils voudront auprès de leur Seigneur. Telle est la grande Grâce !» (42: 22). Les élus auront le don d’obtenir tout ce qu’ils imagineront de bien et de beau.

Le Paradis sera éternel : « Aux croyants et aux croyantes, Dieu a promis des jardins sous lesquels coulent les rivières, pour qu’ils y séjournent éternellement, et des demeures excellentes aux jardins d’Éden. Et la satisfaction de Dieu est plus grande encore, et c’est là l’énorme succès.  » (9: 72)

Au Paradis Dieu sera constamment glorifié et Son nom sans cesse prononcé et sanctifié. Le paradis, selon le degré de piété, de foi et d’actions accomplies ici-bas, comporte de nombreux degrés et niveaux : « ceux qui auront craint leur Seigneur auront pour demeure des étages au Paradis au-dessus desquels d’autres étages sont construits et sous lesquels coulent les rivières. Telle est la promesse de Dieu ! Qui ne manque pas à Sa promesse. (39: 20)

Des versets évoquent allégoriquement la splendeur, la beauté et la préciosité des demeures du paradis : « Ils seront sur des trônes ornés d’or et de pierreries, s’y accoudant et se faisant face » (56: 15-16). Les parfums embaument le Paradis, musc, ambre, les fruits seront à profusion.

Les heureux élus y seront honorés : « Ils seront accoudés sur des trônes de dignité bien rangés… » (52: 20) et « Ceux-là seront dans les jardins d’Éden où ils entreront, parés de bracelets en or ainsi que de perles ; et là, leurs vêtements seront de soie. Et ils diront : Louange à Dieu qui a écarté de nous l’affliction. Notre Seigneur est Pardonneur et Reconnaissant. C’est Lui qui nous a installés, de par Sa grâce, dans la Demeure de la stabilité, où nulle fatigue et lassitude ne nous touchent.  » (35 : 33-35).

Ce sont des images pour décrire ce qui nous échappe. Le Coran décrit le Paradis en laissant ouvert le caractère infini de sa réalité, donné en récompense pour les serviteurs bien-aimés de Dieu. Le paradis est suggéré comme un jardin luxuriant extraordinaire : «  Chaque fois qu’ils seront gratifiés d’un fruit des jardins ils diront : C’est bien là ce qui nous avait été servi auparavant… » (2: 25) La tradition rapporte que des fleuves de miel, de lait et de vin traversent le paradis et abreuvent ses habitants, avec un goût inaltérable. L’être humain ici-bas n’est pas capable de saisir la vie au paradis.

Le penseur soufi Al Ghazali définit le paradis sur la base d’un dire du Prophète : « Le paradis est ce qu’aucun œil n’a vu, aucune oreille n’a entendu, et qui n’a jamais traversé le cœur d’un être humain. » Dieu ne dévoile qu’une image du paradis, son essence n’est connue que de lui Seul. Les élus auront à découvrir l’inexprimable.

Des hadiths du Prophète offrent une description de l’entrée au paradis, après les épreuves du jugement, les bienheureux accèdent par les portes du paradis. Chacune a un nom selon les qualités des croyants, telles : porte de la prière, du jeûne, du repentir, de l’aumône, de la patience…et une porte réservée à ceux qui accéderont au paradis sans jugement.


Les hôtes du paradis

Pour la vie future, parmi les hôtes privilégiés du Paradis, après les prophètes, précise le Coran il y aura les véridiques qui ont cru et adoré Dieu authentiquement, pacifiquement et sincèrement, ayant mené avec droiture, sagesse et patience le grand djihad, la guerre contre leurs passions et ego, et les martyrs morts, en termes de légitime défense, le petit djihad, pour la cause de Dieu et de la patrie.

Dieu n’aime pas les violents, les agresseurs, ceux qui sèment le désordre et portent atteinte à la vie humaine : « Si tu tends la main afin de me tuer, moi je ne tendrai pas la mienne afin de te tuer, car je crains Dieu, le Seigneur de ce bas-monde et de l’au-delà. » (5 :28).

En effet, le suicide, le meurtre et le terrorisme sont absolument interdits. Ce sont des abominations. Ceux qui les pratiquent sont voués à l’enfer et non point au paradis. Il n’y a pas de guerre sainte en islam, mais la guerre défensive, comme dernier recours, dans des conditions humanitaires strictes.

Le petit djihad ne peut se justifier que sous l’égide d’un État pour défendre la dignité et la souveraineté et afin que la violence ne dégénère pas, jamais pour semer la terreur, tuer des innocents et imposer par la contrainte ses opinions. Un hadith authentique précise : « Nul ne sentira le parfum du paradis s’il a violenté autrui ».

Le Prophète avait quitté la situation de minorité à la Mecque pour la responsabilité d’un État à Médine, quand il s’est engagé dans la voie de la légitime défense. La violence aveugle mène en enfer : « Dieu n’ordonne jamais de mauvaises actions.» (7-28). Lors de son triomphe final le Prophète pardonne à tous ses ennemis et instaure la fraternité.

Allégorie pour illustrer l’idée de belles créatures chastes au paradis, les « houris », sont promises aux vertueux et en aucun cas aux pervers, aux assassins et aux extrémistes, qui sont fascinés par la mort et qui finiront en enfer. La religion chez les déviants est un masque. Rien ne peut justifier la barbarie. Les causes sont politiques, mafieuses, pathologiques et l’ignorance.

C’est un blasphème et une offense que de lier le paradis et ses félicités, un ordre qui nous dépasse, à des postures immondes que la religion réprouve. Pour la tradition musulmane, au paradis les hommes et les femmes retrouveront leurs conjoints qu’ils aimaient sur terre, pour mener une nouvelle vie heureuse, qui ne sera perturbée par aucun souci ni désagrément.

Les pieux savent que l’essentiel est d’aimer Dieu, de croire et d’agir pour sa Face. Rabia Al Adaouia, grande mystique musulmane, qui ne contestait pas l’existence du paradis et sa nature, parcourait les rues d’Al Basra, en Irak, portant un seau rempli d’eau dans sa main droite et un brasier dans sa main gauche. Intrigués, des passants demandaient ce qu’elle comptait faire. La mystique a répondu : « Je monte au ciel, pour mettre le feu au paradis, éteindre l’enfer et faire disparaître les deux. Ainsi les gens vont adorer Dieu et le vénérer sans peur d’un châtiment ou l’attente d’une quelconque récompense. »

Dans le sens allégorique, il faut croire aux bonheurs offerts dans le Paradis, qui participe à la réalité ultime, lieu de la rencontre finale et de la contemplation du Divin. Le paradis sera le lieu de la découverte, de la béatitude et du dévoilement. La manifestation de Dieu et sa vision seront l’ultime et suprême récompense : « Celui à qui rien ne ressemble  » (Coran).

Mustapha Cherif
Mustapha Cherif est philosophe et islamologue, auteur notamment de « Sortir des extrêmes » édition Points sur les i, Paris 2016.


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