Tout effort de s’imaginer Dieu est vain.
Selon un mystique égyptien du IIIème
siècle de l’hégire, « Quelque idée que
vous fassiez de Dieu en votre esprit, Il est
différent d’elle ».
Le mystère de Dieu et
celui de la révélation
C’est en revenant au Coran que le musulman cherche des réponses aux
questions posées. Concernant « le mystère de Dieu », on sait que le
mot « mystère » ne fait pas partie du lexique théologique musulman.
C’est le terme coranique « ghayb » qui en est proche. On le traduit par
« l’inconnaissable ». Dieu est au coeur de cet inconnaissable. Parfois le mot
« ghayb » est utilisé à la place du mot « Dieu », comme dans le verset II, 3 :
« Ceux qui croient au Ghayb et s’acquittent de la prière... ».
Par la Révélation, Dieu dévoile au Prophète quelques « signes de l’inconnaissable
» « car tu n’étais pas devant eux quand ils jetaient leurs calames (flèches
divinatoires jetées dans une rivière) pour savoir qui d’entre eux devait être
tuteur de Marie, encore moins lorsqu’ils se querellaient (à ce sujet) »(III, 49).
Ces signes du Ghayb sont révélés au Prophète, qui les ignorait au même
titre que son peuple – à qui il doit transmettre : « ...Tu ne les connaissais pas
auparavant, ainsi que ton peuple... » (XI, 49).
Le mot « ghayb » est parfois utilisé au
pluriel : « allam al ghuyub... » : « c’est Toi
qui connaît l’inconnaissable sous toutes
ses formes... »(V, 109).
C’est par la Révélation que des signes du « ghayb » peuvent être connus. Le
« mystère » de Dieu se ramène à celui de la Révélation (Wahy en arabe).
« Voilà ce que ton Seigneur t’a révélé de la sagesse. Ne mets donc point un
autre dieu que Dieu... » (XVII, 39).
La Révélation est liée au phénomène prophétique, qui est aussi ancien que
« l’oubli » par Adam de l’engagement que Dieu lui avait fait prendre. Le
Coran cite les principaux prophètes, élus par Dieu et contestés, et parfois
tués, par leurs peuples : « Nous t’avons fait une révélation, comme nous
avons fait une révélation à Noé et aux prophète (venus) après lui. Nous avons
révélé à Abraham, Ismaël, Issac, Jacob, les (douze) tribus, Jésus, Job, Aaron,
Salomon et nous avons donné à David le psautier.
« Nous avons fait une révélation à des prophètes dont nous t’avons précédemment
narré (le récit) et à d’autres que nous ne t’avons cités. Dieu a parlé
à Moïse de vive voix » (IV, 163-164).
L’essence de Dieu
reste inconnaissable
Pour le commun des croyants, nous avons
donc le Dieu révélé. On y croit après avoir
cru à l’authenticité de la révélation coranique
qui recommande de se contenter
de ce que Dieu dit de lui-même. Etant entendu que l’ « essence divine »
(Dhat) restera l’inconnaissable par excellence. « Ne cherchez pas à connaître
l’essence de Dieu », recommande le Prophète. Mais il est recommandé d’en
méditer les attributs. Il est transcendant, créateur et rémunérateur. « Il est le
Premier et le Dernier, l’Extérieur et l’Intérieur »(LVII, 3).
« Où que vous vous tourniez, là est la face de Dieu »(II, 115)
« Dieu est Unique, Il n’a pas d’associés » (VI, 163). « Toute chose périt,
sauf Sa face »(XXVIII, 88). « Tout passe et il ne restera que la face de ton
Seigneur »(LV, 26-27).
L’insistance sur la transcendance divine donne l’impression d’un être lointain.
En réalité, « nous avons créé l’homme et nous savons ce que son âme
lui suggère, car nous sommes plus près de lui que sa veine jugulaire »(L, 16).
Tout effort de s’imaginer Dieu est vain. Selon Dhu Nun al Masri, un mystique
égyptien du IIIème siècle de l’hégire, « Quelque idée que vous fassiez
de Dieu en votre esprit, Il est différent d’elle ».
Il paraît mystérieux, mais Il est « la lumière des cieux et de la terre. Sa
lumière est semblable à une niche où se trouve une lampe. La lampe est dans
un verre pareil à un astre étincelant qui s’allume grâce à un arbre béni : un
olivier qui n’est ni d’orient, ni d’occident et dont l’huile brillerait sans qu’un
feu la touche ou peu s’en faut. Lumière sur lumière.
Dieu dirige vers sa lumière qui il veut. Il propose aux hommes des paraboles.
Dieu connaît parfaitement toute chose » (XXIV, 35).
Les voies qui mènent à
Dieu sont multiples
Les « voies qui mènent à Dieu sont multiples
», nous dit Ibn Qotayba, un théologien
et auteur d’Adab du IIIème siècle
de l’hégire. C’est ainsi que nous avons
le « Dieu révélé » du commun des croyants, dont la connaissance s’acquiert
par une lecture régulière du Coran, Parole de Dieu en langage humain.
Il y a aussi le Dieu éprouvé des mystiques qui, à force d’ascèse et de prières et
de méditation, ont le sentiment de la présence divine. L’élévation spirituelle
passant par neuf degrés conduit au « Ons », ou familiarité avec Dieu.
Il y a enfin le Dieu prouvé des philosophes qui, en ayant foi dans les capacités
de l’esprit humain, ont une connaissance du Dieu révélé par les moyens de
l’intelligence.
Ainsi, en Islam, la méditation mystique et le raisonnement des philosophes
aboutissent au même résultat que celui qui a la « foi des grands-mères »
( équivalent chez Ghazali de la « foi du charbonnier ») et qui entretient ses
convictions par une lecture régulière du Coran comme si le Livre lui était
révélé à lui personnellement pour la première fois.
Tous, quand il s’agit de répondre à la question de Claude Tresmontant
(« Comment se pose le problème de l’existence de Dieu ») s’appuient sur les
apports de l’abondante littérature des « dala’îl en-nubuwa » (les preuves de
la prophétie), qui montre que le Prophète, surnommé El Amine (le digne de
confiance) ne s’est pas fait illusion à lui-même, ni n’a menti aux autres. Il n’a
fait que transmettre fidèlement la Parole divine exprimée dans la langue des
Koreichites de la Mecque au septième siècle.
Sadek Sellam