L'argent dans le Coran
Saad Abssi, Mohammed Benali
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La prédication du Prophète Mohammed,
à ses débuts, était une protestation
contre la mauvaise répartition des richesses.
Fort de l'enseignement du Coran,
le musulman affirme que les situations de détresse
sont imputables aux riches.


La part des pauvres dans l' argent des riches

Le problème de l'argent dans le Coran ou dans l'esprit du Coran.
Dans l'esprit du Coran, l'argent ne doit pas stagner. Il faut que l'argent circule. C'est pourquoi l'épargne est interdite. Bloquer de l'argent pour bloquer de l'argent est interdit. Il faut que l'argent travaille.

Dans le système économique du Coran, il faut faire entrer la zakat. La zakat est la part des pauvres dans l'argent des riches. C'est évalué à 2,5% chaque année. Un musulman doit faire ce versement tous les ans et le destiner aux pauvres. On sort cet argent soit par le biais de l'Etat qui organise la collecte et la redistribution. En Arabie Saoudite, une délégation collecte les zakats. En Algérie aussi; l'argent collecté est investi. Les savants disent : « il vaut mieux créer des projets pour les pauvres plutôt que de leur donner de l' argent ». Cela peut être pour l'aider à créer son entreprise sans avoir à rembourser la somme; ce n'est pas du microcrédit, puisque le crédit est interdit.

Il ne faut pas confondre cette zakat avec celle du ramadan. Celle-ci est l'équivalent d'un repas par personne. Elle va directement aux pauvres et pas du tout à l'investissement ni à la construction. On la verse de préférence trois jours avant la fin du jeûne pour que les bénéficaires puissent acheter de quoi faire la fête pour l' Aïd.

Quant à la zakat qui fait partie des piliers, son taux est variable selon les produits. Par exemple, l'agriculture. Si je récolte 100 kilos de blé je dois 10% pour les pauvres. C'est un impôt mais qui ne passe pas obligatoirement par l'Etat. On demande aux musulmans qu'à une date précise, ils prennent sur leurs deniers une fois qu'ils ont réglé tous leurs problèmes financiers, y compris leurs impôts. Avec cet argent-là on peut construire. Un musulman qui gagne sa vie en France peut envoyer la zakat à des membres de sa famille en Algérie. Il faut pourtant donner la préférence aux pauvres des pays où l'on vit.

Ne pas confondre la zakat et la solidarité

En France, pour verser son argent, chacun est mis devant sa conscience. Des personnes peuvent décider de contribuer à la construction de la mosquée. Mais on ne peut pas faire n'importe quoi. Dans les pays musulmans les « savants » ont interdit de consacrer l'argent de la zakat pour la construction des mosquées. Ils considèrent que ce problème relève de la responsabilité de l'Etat. En Occident ce n'est pas le cas; c'est pourquoi on peut donner la zakat dans ce but. La jurisprudence se modifie en fonction de l' espace et du temps. Le Cheikh Kardaoui, le Grand Imam du Qatar et l'Assemblée européenne de la Fatwa ont donné cette autorisation. Cette institution comprend des membres français, comme, par exemple, monsieur Jaballah.

L'UOIF, pour sa part, a une caisse destinée à récolter la zakat. On élabore des projets à partir de cet argent. Le Secours islamique prend également la zakat. Chacun trouve à qui donner. Personne n' est accrédité officiellement. Il ne faut pas confondre la zakat avec la solidarité. Par exemple lorsque se produit une catastrophe et qu' on fait appel à la générosité des pays, c'est autre chose que la zakat. Chacun est sollicité par de multiples associations nationales. Si on donne à la Croix-Rouge, par exemple, c'est au titre de la solidarité humaine qu'on le fait. La zakat est autre chose. La zakat est une invitation à faire de son mieux pour découvrir les pauvres qui ont besoin de moi. L'an dernier, je réfléchissais avec mes enfants et je proposais une voisine comme bénéficiaire de cet impôt. Mon fils voulait m'en dissuader : « tu ne vas pas donner à quelqu'un dont la mendicité est le métier. » Je lui ai répondu : « ce que tu dis est lamentable ! C'est à moi de décider ». Bien sûr, on peut mettre, au nombre des bénéficiaires de la zakat que j' ai à verser, les victimes d' une catastrophe naturelle ; l'important c'est qu'on regarde autour de soi pour choisir parmi ceux qui ont besoin de moi.

En ce qui concerne l'argent dans le Coran, il faut parler des sourates de l'époque mecquoise. Pourquoi parle-t-on de l'époque mecquoise dans le Coran ? Parce que, quand le Prophète a été envoyé, la situation en Arabie était catastrophique. Il y avait l'exploitation totale du pauvre et de la femme. La femme était un objet dont on héritait comme on héritait d'un chameau. Le pauvre subissait l' esclavage. L' islam a commencé par cette prise de conscience de la fraternité entre pauvres et riches. Les richesses sont à partager. Les privilégiés doivent comprendre que dans leurs richesses une part appartient de plein droit aux pauvres.

Devant la crise actuelle

Dans la crise actuelle nous nous lamentons devant la corruption de gens comme Madoff. Avec ses ruses il a gagné 500 milliards de dollars. Ali, le gendre du Prophète, a dit : « quand un pauvre meurt de faim, c'est le résultat de l'agression d'un riche ». Dans chaque richesse réside la part du pauvre. Pour cette raison aucun homme ne doit souffrir de la faim, de la soif ou du froid. Le drame a pour source le manque de justice. La pauvreté fait apparaître que les richesses sont mal réparties, mal possédées, mal redistribuées.

Le prophète est notre exemple de pauvreté; il est resté chez lui - c'était au tout début de la vie à Médine - quarante jours à ne se nourrir que d'eau et de dattes. On raconte qu'un jour la faim le faisait tellement souffrir qu'il se mettait une pierre sur le ventre pour apaiser la douleur. Certes, il y avait quelques réserves de nourriture mais en quantité assez faible. Il a préféré endurer la faim et donner sa part à ceux qu'on appelle « les Compagnons ». On lui prête ce propos : « quand vous avez à manger, ne faites pas le plein ». Le prophète restait toujours sur sa faim. « Evitez la vie facile, disait-il ; elle ne dure pas ».

Dans le Coran, la richesse est une épreuve aussi bien pour celui qui la possède que pour celui qui en est dépourvu. Que le pauvre ne croie pas qu'il est oublié par Dieu et que le riche est honoré. La détresse de l'orphelin n'est pas à imputer à Dieu pas plus que la faim du pauvre : « Non ! Vous n'honorez pas l'orphelin ; vous ne vous encouragez pas mutuellement à nourrir le pauvre ; vous dévorez avec avidité les héritages ; vous aimez les richesses d' un amour sans bornes » (Sourate 89/17). A celui qui a des richesses à gérer, une tâche est confiée : veiller à sortir de la misère ceux qui sont démunis. Ainsi le veut la loi, ainsi l' exige la justice.

Saad Abssi et Mohammed Benali



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