Histoires vraies

Du Mali à la région parisienne

Omar et Caroline : le risque d'une blessure

L'aventure de Fatiha et Sébastien

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Du Mali à la région parisienne




Carton Adrian Frutiger - Atelier mes-tissages

Deux grands-parents heureux ! En racontant l'histoire d'amour de leur fils,
ils témoignent non seulement de l'alliance d'un homme et d'une femme
mais de la rencontre de deux religions, de deux cultures et de deux continents.

Mon rôle de père

Le père :
Lorsque notre fils, bien inséré dans la vie professionnelle, avec un avenir certain comme consultant en gestion informatique, nous annonça son désir de donner deux ans de sa vie à l'Eglise, nous fûmes, ma femme et moi, surpris. Rien ne semblait le prédestiner à une décision de cette nature. Après démarche, entretien avec la DCC, Délégation Catholique à la Coopération, un jour de l'automne 1991, nous allâmes l'accompagner à l'aéroport de Bruxelles d'où il embarqua pour Bamako au Mali. Au cours de la seconde année de son séjour, il nous fit part de son intention de se marier, ayant rencontré l'âme sSur en la personne d'une jeune musulmane noire. Je fis alors ce que je considérais comme mon devoir, dans mon rôle de père et, dans une longue correspondance, j'attirai l'attention de mon fils sur les risques d'un mariage dont les conjoints sont culturellement si lointains. Il me répondit qu'en France, le nombre d'unions qui se terminait par un divorce était important, bien que les différences culturelles fussent moins grandes. Cette observation me parut juste.

La décision d'un voyage

La mère :
J'ai dû écrire aussi. Je ne sais plus comment j'ai réagi, mais je ne me souviens pas d'avoir été inquiète, (plus que d'habitude) ou gênée. Elle était musulmane, lui chrétien. Je me suis vite dit - peut-être béatement- elle lui apprendra l'altérité de Dieu, il lui apprendra la proximité de Dieu en son Fils.

La jeune fille avait une vingtaine d'années ; lycéenne, en terminale au lycée de Bamako, elle préparait son bac.
Notre famille fit bon accueil à l'annonce, même les plus âgées envoyèrent leur bénédiction.

Pour nous parents, ce fut la décision d'un voyage pour aller rencontrer l'élue et sa famille. Heureusement, il y avait eu pour nous un premier séjour dans le pays pour voir notre fils, sinon nous aurions été assez déroutés par le mode de vie, la culture, les habitudes.

Lors de ce premier voyage, nous sommes allés à la messe au Mali, à Mopti, à quelque 600kms de la capitale ; on y célébrait le baptême d'un petit enfant. Le papa était un policier. Quelle joie de voir qu'avec la famille et la communauté participaient à la fête non seulement les chrétiens mais aussi les ou des musulmans du commissariat. Cela a fait sortir de notre esprit l'idée reçue d'une nette séparation. Le visage de l'ouverture à l'autre s'est manifesté pour nous autant dans l'accueil des chrétiens que dans la venue des musulmans. Nous avons découvert la grande tolérance de l'Islam dans cette terre d'Afrique noire.
Il est vrai qu'il a dû composer avec l'animisme pour exister, car les noirs sont, avant toute chose, animistes, qu'ils le disent ou le nient. Ce qui simplifie bien les choses.

La coutume le veut

Le père :
Quelques mois avant le mariage, nous fîmes donc un second voyage pour connaître notre future bru.

Notre fils ne savait pas si le père serait d'accord pour accepter le mariage de sa fille avec un chrétien. C'est au cours d'une visite chez la mère, qui était dans la confidence, que le père exprima le désir de nous recevoir. Cet homme, polygame, vivait ainsi que la coutume le veut, dans une 'concession' sur laquelle étaient bâties une maison par famille, plus sa maison. On entend par famille une femme et ses enfants. Le père nous reçut chez lui, et nous nous présentâmes en 'vieux', au sens africain du terme, en vieux musulman et en vieux chrétiens, sans concession, mais avec infiniment de respect l'un pour l'autre, comme hommes et comme croyants. A la fin de l'entretien je lui dis : « nous n'avons plus qu'une seule chose à faire, prier Dieu pour le bonheur de nos enfants. » Après quelques instants d'un silence lourd de réflexion, il reprit ma phrase, mots pour mots, mot à mot.

Un moment extraordinaire

Pendant ce court séjour, je vécus un moment extraordinaire qui, aujourd'hui encore m'incite à une réflexion profonde sur notre culture, que l'on veut supérieure et normative. Alors âgé de plus de 60 ans, à l'époque, venant d'un pays réputé civilisé, j'ai dû 'aider' ma future bru dans une rédaction, une dissertation, sur 'le bon sauvage de Rousseau' ! J'étais mal à l'aise. 1er choc.

Second choc : le mariage lui-même. Cela n'a rien à voir avec les coutumes et traditions de nos pays, et très honnêtement, je ne pensais pas manger au plat au repas de noces de mon fils.

Célébrer la joie

La mère :
Nous fîmes donc un troisième voyage. Il y eut le mariage à la mairie et la fête, une immense fête où tout le monde (le quartier, l'école) s'invite. Nous fûmes encore une fois assez déroutés par les coutumes que nous ne connaissions pas et les manières de faire dont nous ne savions pas le sens. Moments assez difficiles, par exemple, quand la jeune mariée reste plusieurs jours à l'écart.

Le mariage se déroula selon les traditions africaines. C'est assez déroutant pour les Européens. La présence d'un 'intermédiaire' qui veille à tout et rencontre les uns et les autres est pour nous surprenante et assez difficile à vivre.

Le mariage civil a peu d'importance, à première vue, en tout cas : les parents de la mariée n'y étaient pas. En islam, à ce que nous savons, pas de sacrement. Il y eut seulement l'après-midi un moment de prière pour le bonheur des époux ; eux n'étaient pas présents, ils n'avaient pas à l'être, semble-t-il. Des tapis furent disposés dehors avec des sièges. Nous, nous fûmes invités, nous acceptâmes et nous avons prié ensemble, les uns à côté des autres, pour le bonheur du nouveau foyer devant la mosquée dont s'occupait le père de notre bru. Rien ne fut demandé à notre fils au sujet d'une quelconque profession de foi, musulmane ou autre. Nous regagnâmes l'Europe. Les jeunes mariés firent de même quelques semaines plus tard. Il était prévu de célébrer la joie de cette union en France ultérieurement, mais cela n'a eu lieu que familialement (les curés écoutent peu ce genre de demande, et celle de notre fils est restée lettre morte).

Grand accueil de la nouvelle fille, soeur, nièce, petite-fille, tante etc. Une très grande tablée à la maison pour faire connaissance, petits plats mis dans les grands.

Le retour et l'installation du jeune couple

Le père :
Troisième choc : le retour et l'installation du jeune couple. Ils s'installèrent dans le studio que mon fils occupait avant son départ, proche de notre domicile. Nous fîmes, ma femme et moi, tout ce que nous pensions devoir être utile aux uns et aux autres, tout ce qui semblait bon. Pour notre bru, nous lui trouvâmes une place dans un lycée proche, et tous les soirs nous nous chargions du soutien scolaire : heures peu aisées, rôle de beau-père maître d'école. Chacun y mit de la bonne volonté.

Nous devons reconnaître la patience des uns et des autres, et plus encore le courage et l'attention de notre bru qui devait s'adapter, apprendre l'exactitude et la rigueur des horaires, connaître les froidures de l'hiver, l'irrégularité de la longueur des jours, sans oublier les courses à faire au marché, chez les commerçants, dans les super marchés. Quand nous revenions nous-mêmes du Mali, le plus petit inter-marché nous semblait être un magasin d'abondance, de luxe, de lumière. Quel conseil donner pour l'achat d'un paquet de nouilles ? Quelle marque ? Quelle forme ? Quelle nature ? Au pays, une seule marque, une seule forme, une seule nature ! et tout à l'avenant.

Elle attend un premier enfant

La mère :
Nous ne nous entendions pas mal, mais nous avions peu de relations personnelles. Elle avait toujours besoin d'un intermédiaire pour s'adresser à moi. J'appris peu à peu qu'elle ne pouvait m'appeler parce que je ne suis pas de sa génération, mais longtemps j'ai eu tendance à me formaliser, à prendre pour un rejet ou de l'indifférence ce qui est conforme à la façon de se comporter dans son pays.

Difficultés nouvelles quand elle attend un premier enfant. Elle ne le dit pas. Je pense : « elle n'a pas confiance en moi ». Et elle finit par m'expliquer que chez elle c'est la mère qui dit « il me semble que tu as grossi, tu n'attends pas un bébé ? » Ce que je prenais pour de la distance est donc une attitude liée à sa culture que je connais encore mal.

Le risque de la méfiance

Le père :
Accueillir demande du temps, de l'écoute, une certaine transformation de nos habitudes de penser. Sur les grands principes, la tolérance est facile, mais dans les gestes quotidiens, les petits riens de la vie qui semblent, aux uns et aux autres, aller de soi, c'est moins aisé. La manière d'aborder l'autre, de lui demander un service, des nouvelles de sa santé, peut, si l'on n'y prend pas garde, engendrer de la méfiance, des incompréhensions, voire de petits conflits larvés, qui peuvent dégénérer en crise plus grave.

La mère :
Les années ont passé. Aujourd'hui je peux dire qu'elle est une fille pour moi. Pas moyen de faire la vaisselle quand elle est là et de toucher à quoi que ce soit. C'est elle qui le fait. Et je prends conscience que je l'ai souvent choquée sans doute quand, au départ et les premières années, j'ai proposé souvent mon aide. Chez elle, les jeunes aident les vieux et non l'inverse.
Elle a toujours trouvé du travail, elle est active, pugnace, malgré tous les revers qu'elle subit du fait du racisme ambiant. Elle élève bien ses enfants : elle sait la valeur de l'école comme celle de la démocratie ; elle cherche à leur donner le goût de l'effort et de la régularité. Nous avons appris à nous connaître, à nous apprécier et à nous aimer. Nous sommes des parents et des grands parents heureux.

Avoir un peu d'humour

Le père :
15 ans ont passé. Aujourd'hui j'ai deux adorables petits fils, bien élevés, gentils, respectueux des convenances et des usages. Ma bru se sent chez elle à la maison, elle a trouvé du travail, a obtenu un BTS de secrétaire de direction par validation des acquis de l'expérience, sait nous demander un service. Les enfants ne sont ni baptisés, ni circoncis mais posent des questions sur la prière par exemple.
Comme le dit mon épouse, elle est vraiment aujourd'hui une fille pour nous.

L'accueil d'un gendre anglais l'année précédente fut pour moi une bonne école : la culture européenne est bien moins uniforme que l'on ne le pense et les relations familiales anglaises assez différentes de celles de France ! Bien sûr, vu du Mali, c'est la même chose, mais vu de Paris, c'est une autre histoire. On peut aussi en dire autant de qu'importe quel bru ou gendre.
Les conjoints des enfants sont toujours d'un monde plus ou moins éloigné du sien et recevoir un auvergnat n'est pas toujours si facile. Pour tous, il faut écouter, essayer de comprendre l'autre, partager les joies et les peines, les soucis et les espoirs, être disponible, faciliter la tâche. Et avoir un peu d'humour. Ce n'est jamais simple d'accueillir le conjoint de ses enfants.

G. et T. G


Carton Adrian Frutiger - Atelier mes-tissages


Omar et Caroline:
le risque d'une blessure


Carton Adrian Frutiger - Atelier mes-tissages

Rien ne sert de le cacher.
La rencontre de l'autre porte toujours avec elle le risque d'une blessure.
Caroline en a fait la triste expérience.

"Je me sentais en grande confiance"

Je l'avais connu par hasard chez une amie qui fêtait son anniversaire. Quand je suis sortie pour retourner chez moi, il m'a proposé de me raccompagner ; il a été très correct avec moi. J'ai appris qu'il était marocain. Il avait vingt-six ans. Depuis six mois, il avait quitté Casablanca où il avait fait ses études. Pour que ses diplômes d'enseignant soient validés ici, il fallait qu'il puisse justifier de deux ans de travail en France. En attendant mieux, il travaillait comme gardien de nuit.

Quand nous nous sommes séparés, il m'a demandé mon numéro de portable et, en me disant «au revoir», il garda longtemps sa main dans la mienne. Le lendemain il m'a appelée au boulot ; je travaillais alors comme employée de bureau. J'ai bien voulu qu'il m'attende à la sortie. Il est revenu tous les soirs. Très vite il m'a dit « je t'aime » ; moi je me sentais en grande confiance avec lui.

Nous nous connaissions depuis moins d'un mois lorsque j'en ai parlé à ma mère. « Fais-le venir à la maison », m'a-t-elle répondu. Il a su séduire toute la famille : mère, père et frère. Souvent il venait dîner. Les repas ne posaient pas de problèmes ; bien sûr, on évitait de manger du porc mais quand mon père tendait la bouteille vers lui, il ne refusait pas un peu de vin.

On s'approchait du 25 décembre ; je lui ai dit que j'étais croyante et que j'irais à la Messe de Noël avec ma famille ; il a voulu nous accompagner. Après la cérémonie, pendant le repas qui a suivi, il nous a parlé de Jésus ; il nous a appris que les musulmans le respectent et que le Coran en parle avec vénération. C'était la première fois qu'il parlait de religion.

"Se marier à l'église"

Lorsqu'il m'a demandée en mariage, je lui ai dit : « D'accord mais à condition qu'on puisse se marier à l'église ». Je suis allée raconter mon histoire au prêtre, dans ma paroisse; je l'ai senti réticent et il m'a orientée vers un de ses confrères connaissant bien l'islam. Nous l'avons rencontré tous les deux, cinq ou six fois. Omar était heureux parce qu'il avait devant lui quelqu'un capable de répondre à ses objections sur la Trinité ou sur Jésus, Fils de Dieu. Il était surtout content parce qu'ils ont abordé le problème de la Palestine ; le prêtre était d'accord avec lui pour dénoncer les injustices faites aux arabes dans la région. Il a été soulagé parce qu'il croyait que tous les chrétiens étaient sionistes.

On a réfléchi sur le mariage, bien sûr. Le prêtre m'a parlé de l'Islam devant lui : « Tu dois connaître la religion de ton mari !  ». Omar l'approuvait. On s'est intéressé à l'éducation des enfants que l'on désirait. « Si tu empêchais Caroline de présenter Jésus à vos enfants, dans les termes où les chrétiens en parlent, ce serait malhonnête ; l'Eglise peut vous marier à condition que tu respectes la foi de Caroline ». Il était d'accord. J'étais d'accord aussi pour qu'il parle de l'islam en famille autant qu'il le voudrait. Il acceptait que je mène nos enfants à l'église. On n'a pas voulu trancher la question : « seront-ils baptisés à la naissance ? » On était d'accord pour s'interroger de nouveau lorsque le moment serait venu.

"Omar a tout approuvé"

Le prêtre nous a expliqué les conditions à respecter pour que nous puissions nous marier : Omar a tout approuvé. On nous a proposé d'aller voir un imam pour qu'il m'explique ce que l'islam pense du mariage mais Omar a refusé.

J'étais folle de joie le jour de notre mariage : une belle journée de printemps ensoleillée ; les arbres devant l'église étaient tout blancs de fleurs et le ciel était bleu. Pendant la célébration, Omar était souriant ; je le regardais dans les yeux ; il était tout ému quand il a dit : « je te prends pour épouse et je me donne à toi ». Je me rappelle que le prêtre, dans son sermon, avait beaucoup insisté sur l'importance de la parole que nous échangions : « elles sont un cadeau que Dieu vous fait ».

Pendant les premiers mois de notre mariage, nous habitions chez nos parents. Omar demeurait le garçon délicat qui m'avait toujours plu. Une chose m'étonnait : il ne parlait jamais de sa famille et quand je l'interrogeais, il écartait le sujet. Je crois que devant ses parents il aurait eu honte de se présenter avec une chrétienne.

"J'ai craqué"

On a pu avoir assez vite un appartement de deux pièces et, là, tout s'est vite gâté. D'abord ses horaires ont changé ; je ne savais plus à quelle heure il fallait l'attendre. Il s'est mis à prier ; il faisait ses ablutions, se retirait dans la chambre et faisait ses prosternations : je ne le reconnaissais plus. Les repas sont devenus une corvée pour moi. J'évitais soigneusement de lui servir du porc et pourtant la viande que je préparais pour lui n'était jamais bonne. Il disait que c'était un péché d'en manger. Pour m'expliquer ses absences, il m'a avoué qu'il allait à la mosquée voisine. On lui a fait subir, je crois, un véritable lavage de cerveau.

Un jour, tout a éclaté. Il est venu vers moi avec un sourire charmeur : « ma chérie, j'ai un cadeau à te demander, pour mon anniversaire. J'aimerais que tu mettes le voile islamique ». « Tu avais promis au prêtre que tu respecterais ma religion ! » « C'était, m'a-t-il répondu, parce que j'avais peur qu'il dise non à notre mariage. Je t'aime tant ! » Alors j'ai craqué. Je suis partie en claquant la porte et je suis retournée chez mes parents. Quand il a téléphoné, je lui ai dit : « je ne veux plus te voir ! » et j'ai raccroché.

J'ai su, par des amis, qu'il était retourné au Maroc. J'ai mal ! Je crois que je l'aime encore !

Caroline


Carton Adrian Frutiger - Atelier mes-tissages


L'aventure de Fatiha et Sébastien


Carton Adrian Frutiger - Atelier mes-tissages

Il a fallu, pour Sébastien et Fatiha,
prendre le temps de la réflexion pour faire le saut
et se lancer dans ce qu'ils appellent l'aventure de l'amour.


"Pendant ma dernière année universitaire"

Nous nous sommes rencontrés pendant ma dernière année universitaire. Il y eut un jour où une petite étincelle d'Amour nous a été confiée par Dieu.

Différente par sa culture et sa foi et pourtant si proche par ses valeurs et son éducation, Fatiha m'a impressionné par sa beauté et sa personnalité. Sa culture, différente de celle dans laquelle j'avais grandi, m'intriguait. Mon intérêt très vif pour les voyages et en particulier pour la dimension « découverte de l'autre » m'a toujours fasciné. Cette fascination venait de prendre la forme de celle qui deviendra ma femme trois ans plus tard.
Les premiers temps de notre relation nous ont permis de témoigner de nos nombreux points communs : l'Amour, la conception de la vie, la famille et rapidement les questions de foi sont arrivées dans nos discussions, chacun affirmant la vérité de sa foi. Rapidement l'accumulation de questions sans réponses a eu raison trois fois de notre relation amoureuse. Mais à chaque fois, l'absence de l'autre devenait invivable. La dernière rupture a été la plus douloureuse. Nous sommes tous deux tombés malades.

L'accumulation de questions sans réponses

Dans cette même période, pour ma part, la peur de l'engagement, et de s'engager sans même connaître ma future belle famille me faisait douter, d'autant plus que Fatiha me présentait un tableau plutôt noir quant à l'acceptation de ma présence dans sa famille. Cette peur de Fatiha vis-à-vis de son père a peut être ses raisons dans tout ce qui a trait aux tabous des relations amoureuses en particulier pour les jeunes filles. Par ailleurs, Fatiha voulait être sûre de mes sentiments envers elle afin qu'elle ne se retrouve pas dans une situation délicate vis-à-vis de son père. Pour elle, la peur du jugement de son père et de son grand frère lui imposait un choix qui ne pouvait être que le bon. Pour moi, l'essentiel était que ma famille proche accepte Fatiha.

"Au-delà de tous les préjugés"

Alors après une profonde réflexion de chacun et un cheminement personnel, notre relation a pris un nouveau départ. Réaliser l' « aventure » de notre vie, l'amour au-delà de tous les préjugés. C'est à cette période que j'ai personnellement recherché l'aide d'un prêtre en charge des relations islamo-chrétiennes. J'ai alors rencontré le Père N. avec qui j'ai beaucoup échangé évoquant mon choix de mariage avec Fatiha, les points communs, les différences de nos religions et les difficultés pour vivre notre foi en tant que couple mixte ceci probablement afin d'éprouver mes sentiments à l'égard de Fatiha. Il a ensuite su accueillir Fatiha toujours en respectant sa foi et en essayant de nous accompagner dans notre choix. Grâce à lui, nous avons pu rencontrer aussi un autre couple mixte qui a traversé les mêmes difficultés ce qui a contribué à nous démontrer que notre choix était possible.

Toutes les peurs et les préjugés sont tombés lorsque j'ai pu rencontrer son grand frère. J'ai partagé beaucoup de points d'intérêts qui nous ont rapidement rapprochés. Je lui ai donc fait part de notre intention de nous fiancer. Sa réaction fut positive et encourageante.

"La nouvelle a été annoncée"

J'ai ensuite annoncé avec Fatiha cette heureuse nouvelle à mes parents qui nous ont tout de suite soutenus, connaissant Fatiha. Après la première rencontre de son frère, pour Fatiha, la peur de l'annonce à son père a été si grande qu'elle a préféré passer par une tante qui avait connu ce genre de situation avec sa propre fille. Fatiha a ensuite pu annoncer la nouvelle à son père qui a été très heureux mais un peu déçu que sa fille ait eu peur de lui annoncer directement. Fatiha a finalement annoncé l'intention de se fiancer à sa mère qui en a été très très heureuse.
La nouvelle a été annoncée à l'ensemble de mes frères lors d'un repas préparé par Fatiha. Ils ont été très heureux de cette nouvelle. Ensuite, de mon côté familial où la famille est très importante, certaines personnes ont été plus ou moins difficiles avec ma future fiancée même si cela partait d'une intention de protection. C'est en ce sens que l'influence sociale et familiale a joué un rôle important dans notre relation tantôt négatif tantôt positif suivant les personnes rencontrées. En effet, pour chacun de nous il était inconcevable que nos parents et frères rejettent notre relation et en ce sens, le pari est aujourd'hui réussi. Je pense qu'il est vrai que lorsque l'on épouse quelqu'un, d'une certaine manière on épouse aussi sa famille même si dans les premiers temps l'on peut être rejeté de celle-ci.

"Nous sommes très heureux"

Nous avons pu nous fiancer en avril 2003 et cet événement a été l'occasion de rencontrer la belle famille et de faire se rencontrer les parents respectifs. Les échanges ont été très chaleureux et profondément humains. Mes parents ont été très compréhensifs et nous ont toujours soutenus à chaque étape. Ses parents ont su m'accepter comme je suis avec ma foi comme les miens avec Fatiha. Nous nous sommes mariés au début de l'été 2003.

Plus de trois ans ont déjà passé et nous sommes très heureux de notre vie aujourd'hui. Les différents temps religieux de chacun sont partagés ensemble et chacun de nous respecte l'autre y compris dans sa foi. Il est vrai qu'il n'est pas toujours facile de vivre sa foi individuellement mais avec notre amour et le respect que l'on a pour l'autre, nous parvenons à partager ces moments dans la joie.
Ce bonheur se poursuit grâce à notre petite Lina, arrivée cet hiver, qui nous comble de joie et renforce notre Amour. Nous savons qu'elle nous amènera à nous poser beaucoup de questions et c'est pourquoi nous nous préparons ensemble à lui faire partager nos richesses dans le respect et l'amour à l'image de notre couple mixte.

Sébastien



Carton Adrian Frutiger - Atelier mes-tissages

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