Vivre ensemble à Gennevilliers
Point de vue de l'imam
Mohammed Benali


Point de vue d'un élu
Patrice Leclerc


Point de vue du curé
Joël Cherief


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Point de vue de l'imam
Mohammed Benali

Mohammed Benali prend conscience de l'importance,
pour l'islam, de la laïcité française.


Prier dans les salles des cafés !

Je ne pourrais pas résumer l'histoire de l'islam à Gennevilliers, ou l'islam de Gennevilliers. Je vais parler simplement de quelques moments les plus importants. Comme dans beaucoup de villes en France, les anciens, qui sont présents depuis les années 40 ou 50, me disaient qu'il n'y avait qu'une seule mosquée pour la région parisienne  : celle de Paris. Le vendredi, si on avait le temps, ou, pendant le mois de Ramadan, pour les prières, tout le monde se dirigeait vers la mosquée de Paris. Cette mosquée a un grand minaret pour rendre hommage aux musulmans qui sont morts pour notre pays, pour la France, pendant la première guerre mondiale.

La première salle de prière à Gennevilliers se situait dans la cave d'un café. Les personnes qui entraient dans le café et ceux qui entraient dans la mosquée passaient par la même porte. La seule différence est que ceux qui venaient faire la prière traversaient le café sans s'arrêter dans la salle et descendaient à la cave. Ce café était prêté par un non musulman : une partie de la communauté s'était adressée à lui pour demander s'il n'avait pas un lieu où il puisse faire la prière. Cette mosquée a été fermée il y a seulement quelques mois pour des raisons d'insalubrité. Heureusement ! La communauté musulmane de France est en train de tourner une page : celle des salles de prière insalubres, des caves et des sous-sols. Certains expriment une certaine nostalgie pour cette époque et moi-même je rends hommage aux anciens qui ont fait des efforts, avec les moyens de l'époque, pour pouvoir acquérir ces hangars et ces lieux de culte de fortune.

Une autre salle de prière, celle du Port à Gennevilliers, a été ouverte à peu près en 1980 ; elle a une autre histoire. Il fallait reloger les résidents des bidonvilles de Nanterre. Le site du port de Gennevilliers a été choisi pour construire des immeubles qui accueilleraient ces personnes. Des résidents se sont regroupés pour demander qu'on leur construise aussi une salle de prière, au milieu de cet ensemble. Cette demande a été acceptée pour convaincre les musulmans de venir s'installer là. Cette mosquée est aussi un acte politique: elle a été construite par le Conseil Général des Hauts-de-Seine à l'époque. Nous avons toujours géré cette mosquée, nous le faisons encore actuellement; nous allons prochainement la fermer et restituer le terrain au Conseil Général des Hauts-de-Seine.


De la mosquée du Port
à cette grande mosquée

Sur Gennevilliers, il y avait aussi les foyers de travailleurs immigrés. Dans chaque foyer, les résidents souvent s'adressaient au gérant pour lui demander une salle. Il y avait bien sûr des problèmes techniques parce que rien n'avait été prévu au départ comme lieu de culte. Donc on bricolait, on transformait ces locaux. Ainsi on avait, à Gennevilliers, huit salles de prière dans des foyers de travailleurs immigrés. C'est pourquoi je dis que nous avons moins de mosquées et de salles de prière aujourd'hui qu'hier ! Mais nous avons un lieu digne où vous êtes et où nous sommes heureux de vous accueillir. Ce lieu, nous l'avions toujours souhaité.

Dans des conditions pareilles, nous avons commencé à réfléchir. On s'est dit: nous ne pouvons pas continuer à faire la prière dans de telles conditions. Nous ne voulons pas huit salles de prière, nous en voulons une seule, mais plus grande pour répondre à la demande, plus accueillante, transparente, où même des non-musulmans peuvent entrer et se sentir comme chez eux. Un travail a été organisé à partir d'une demande de la communauté. On a commencé à réfléchir sur le projet de construction de cette mosquée de Gennevilliers que nous avons actuellement. Je remercie tous les musulmans et tous les non musulmans - quelle que soit leur origine ou leur tendance politique - qui nous ont aidés pour pouvoir prendre en charge ce projet. Le Prophète a dit: «Ne remercie pas Dieu celui qui ne remercie pas les gens.»

Certains disent qu'on voit plus de voiles et de personnes en djellaba, dans les rues maintenant à Gennevilliers, depuis que cette nouvelle mosquée fonctionne. En réalité, il n'y a pas plus de femmes voilées aujourd'hui mais c'est la seule mosquée où il y a une salle pour les femmes, ouverte, transparente sur la salle de prière des hommes à Gennevilliers. Avant, dans les huit salles de prière, il n'y avait aucune place pour les femmes. Elles n'attendaient que l'ouverture de cette mosquée pour pouvoir sortir. Pour moi, cette présence des femmes dans la rue pour se rendre à la mosquée est un point positif.


Vive la laïcité !

Pour en venir à la laïcité, je disais toujours à la communauté musulmane que pour moi il n'y a pas de contradiction entre un musulman pratiquant et la laïcité. Je suis musulman pratiquant et je suis laïque. Il ne faut pas opposer la pratique religieuse et la laïcité. Du moment que cette laïcité est juste, qu'elle porte des valeurs de justice et d'égalité des chances pour tous les citoyens. Malheureusement, comme dans toutes les religions et dans toutes les tendances politiques, il y a des extrémistes. Parfois aussi on commence à voir que la laïcité devient une religion de plus. On voit des extrémistes dans la laïcité. C'est peut-être aussi un certain nombre de comportements de musulmans qui induit cette attitude. Certains musulmans peuvent avoir suscité un ensemble de réactions de laïques qui veulent simplement défendre le territoire qu'ils ont acquis depuis 1905. Si vous demandez aux catholiques la «guerre» qu'il y avait entre la laïcité et la pratique du catholicisme, vous allez dire : « Nous les musulmans, on a de la chance ! On n'a rien vu de tout cela.» Donc, les critiques des laïques ne me dérangent pas ; elles me donnent une chance de me corriger moi. Elles sont pour moi une sorte de miroir pour pouvoir regarder mes erreurs et mes fautes et trouver les limites propres aux religions dans la laïcité. Car il y a des limites, il y a un certain nombre de choses que nous musulmans devons respecter.

Nous devons aussi défendre cette laïcité qui est pour nous une chance. Je pense sincèrement que la laïcité est une chance pour ma religion; c'est la laïcité qui a permis à ma religion d'avoir ses droits. Vous le savez, les droits ne se donnent pas, ils se demandent et même, ils s'arrachent. Nous les musulmans, nous n'avons pas su demander nos droits. Peut-être les jeunes générations le feront-elles mieux. Jusqu'à ce jour, la plupart du temps nous nous contentons de dire qu'il y a une injustice et nous ciblons les pouvoirs publics; mais je dis franchement que nous n'avons pas su aller présenter l'image de notre religion aux pouvoirs publics, aux laïcs, aux partis politiques, à tout le monde pour pouvoir avoir plutôt des amis et éviter d'avoir des ennemis. Il est vrai que certaines pratiques, certains comportements de musulmans peuvent choquer dans la ville; mais je pense qu'on est au début. Le temps va nous permettre de corriger un certain nombre d'erreurs. Un travail doit être fait par les responsables de la communauté pour pouvoir transmettre cette image de fraternité, d'amitié, de paix, de respect mutuel aux chrétiens, aux juifs, aux athées, aux humanistes, aux citoyens simplement et à tout le monde.

Mohammed Benali





Point de vue d'un élu :
Patrice Leclerc

«Votre liberté de croyant, c'est aussi ma liberté de ne pas croire.»
Telle est la conviction de cet élu local qui dit sa fierté de voir,
avec la construction de la mosquée, s'enrichir le patrimoine culturel de sa ville.
Il s'interroge néanmoins sur les retombées d'un islam
qui s'affirmerait de façon trop ostentatoire ou se replierait sur son identité.


Des regards différents mais un même engagement

Les chrétiens et les musulmans qui ont préparé l'initiative de cette construction m'ont demandé de dire franchement comment je ressens la situation, comment je pense qu'elle est ressentie maintenant que l'édifice est achevé. Je m'en tiendrai là, et prenez ma franchise pour une marque de respect.

Je veux préciser que je ne suis pas là comme porte parole de la municipalité. Je m'exprime en mon nom. Il y a dans la majorité municipale des élus qui croient en Dieu, musulmans ou chrétiens, des athées, peut-être des juifs, des bouddhistes ou des protestants cachés. Le critère de la croyance n'est pas un critère qui nous différencie sur les choix politiques.

Je suis personnellement un matérialiste qui ne se pose même pas la question de l'existence ou non de Dieu. C'est avec ces yeux-là que je participe aux rencontres avec les chrétiens et les musulmans, surtout parce que je respecte et apprécie l'engagement social de Saad, Mohamed, Michel, Christine mais aussi d'autres personnes de ces deux communautés.

Un vrai monument pour notre ville

Alors à mon avis qu'est-ce que change la présence de ce bâtiment ? C'est d'abord très positif. Je ressens une fierté dans la communauté musulmane. Fierté d'avoir un lieu de culte décent, fierté d'avoir réussi à construire cette belle Mosquée. Fierté qui va au-delà des musulmans. Cette Mosquée est belle, ses responsables sont accueillants, elle est faite et construite avec des matériaux innovants en terme de développement durable : c'est un vrai monument pour notre ville. Les gens ont envie de la visiter. C'est un plus architectural, patrimonial.

Un lieu digne et décent pour les musulmans gennevillois est la réparation d'une forme d'injustice.

C'est aussi un sentiment de force, une concrétisation du mot « communauté » au sens positif de gens qui partagent quelque chose en commun, et non au sens de renfermement sur soi qu'implique le mot « communautarisme ». Les musulmans de Gennevilliers, sont divers, pluriels, comme les catholiques, mais peuvent aujourd'hui vivre ensemble des moments rythmant leur vie: entrées et sorties de prière, grandes fêtes.

A contrario, il y a des effets plus contrastés.
Cette belle Mosquée fait une démonstration publique de présence religieuse, comme bâtiment, et au moment où la religion catholique a des bâtiments mais moins de fidèles, elle rend visible la présence de croyants dans la ville.


Pour celles et ceux qui ont combattu la calotte, c'est le sentiment d'un retour en arrière. Après des siècles de combat qui ont fait reculer la religion dans la sphère publique, cette présence, le retour du religieux, apparaît comme un camouflé.

Cela peut-être, pour les catholiques, vécu comme une concurrence, une autre hégémonie religieuse. J'habite à côté de la Mosquée et elle rythme un peu ma vie par la fréquentation de la rue qui change en fonction des heures de prière.

Les ressentis sont, de mon point de vue, contrastés et contradictoires. Les mêmes qui ont envie de visiter la Mosquée, peuvent aussi la ressentir comme menaçante parce qu'elle concurrence leur religion, ou affirme trop une présence religieuse dans l'espace public.

Je termine pour être sur le sujet du vivre ensemble.
Y a-t-il des choses qui me gênent avec les croyants ? En règle général non, car ce n'est pas mon critère de choix ou de questionnement. Je respecte les croyants comme les non-croyants.

Par franchise, je le dis, je peux me sentir au mieux interloqué, au pire un peu agressé, quand par exemple cela fait plusieurs année que je fais la bise à une jeune femme et que du jour au lendemain, sous un prétexte religieux, elle me serre la main. Je me demande toujours ce que j'ai d'impur pour reprendre une notion religieuse. Qu'ai-je fait de mal ?

«La laïcité c'est la liberté pour tous.»

Sur le même plan, je suis contre une loi interdisant le port du voile, même si le port du voile ne fait vraiment pas partie de mon projet de société. C'est pour moi à la fois une question de liberté individuelle et de débat politique ou de combat politique sur l'émancipation des femmes. Ce débat m'apparaît d'autant plus nécessaire que le port du voile devient visiblement important. Cela me fait penser au village natal de mon papa où celui qui n'allait pas à la messe était au ban de la société du village. Une forme de pression sociale s'exerce ainsi que je ne peux accepter sans réagir.

Pour moi la laïcité, c'est la liberté pour tous. Je l'ai déjà dit ici : votre liberté de croyant, c'est aussi ma liberté de ne pas croire. Et cette liberté ne peut s'exprimer pleinement que si nous vivons pleinement ensemble, si nous avons des actions communes, des projets communs qui transcendent nos croyances pour faire société.

Patrice Leclerc




Point de vue du curé :
Joël Cherief

Après des années de crispation face à l'état laïque,
après un temps d'effacement par souci de convivialité,
face à un islam bien visible,
les catholiques de Gennevilliers s'interrogent :
sur quel fondement spirituel s'appuyer pour construire la «fraternité»
affichée dans la devise républicaine ?


Le rapport à la laïcité

Ici, à Gennevilliers, les catholiques ont trois églises : St Jean des Grésillons, Notre-Dame des Agnettes et l'église ancienne du village. En fait, nous fonctionnons comme une seule paroisse.

J'essaie de répondre à la question : comment les catholiques aujourd'hui vivent leur rapport à la laïcité? Pour faire bref, je dirai que nous vivons bien, mais que le point d'équilibre est rompu.

La laïcité c'est d'abord un processus. C'est une question de gestion de l'espace. Il s'agit d'indiquer aux communautés religieuses leur place et donc leur limite. La limite dont elles ne doivent pas déborder. En contrepartie, elles ont une vraie place.

Il y a donc une géographie. Cette géographie met en oeuvre un intérieur et un extérieur, et public - privé. Cette organisation de l'espace s'est exercée sur l'Eglise catholique par contrainte, dans le cadre d'un conflit qui a été parfois extrêmement dur et avec l'usage de la violence.

Il y a eu dans l'histoire des moments où cette recherche d'un espace pour l'Eglise est venue de l'intérieur même de l'Eglise. Et d'ailleurs lorsque l'Etat a exercé sa contrainte, il n'y avait pas d'un côté les laïcs et de l'autre les chrétiens ; un certain nombre de chrétiens étaient, eux aussi, partisans de redéfinir l'organisation de l'espace.

Un temps de crispation

Il faut se rappeler qu'il y a d'abord eu une crispation et cette crispation a été d'autant plus forte que certains ont cru que c'était la religion elle-même qui était visée en son cSur. En indiquant à l'Eglise catholique des limites et une place précise, certains ont pensé qu'on ne voulait pas seulement la contenir mais peut-être aussi la viser.

Dans cette situation concrète, on aurait pu penser que l'Eglise fasse preuve d'imagination pour construire un modèle nouveau, fasse preuve de liberté intellectuelle et spirituelle. Mais, du fait de la crispation, elle a poursuivi la mise en place du modèle développé au 19è siècle. Simplement, elle l'a fait sur un espace plus réduit.

Ce modèle, qui est totalisant et qui donc peut devenir totalitaire, visait à prendre en charge toute la vie. Pas simplement les étapes de la vie depuis la naissance, la puberté, le mariage et puis la mort, mais aussi toutes les dimensions de la vie: l'éducation, les loisirs, la santé, la solidarité. On a donc constitué aux Grésillons, au Village, une sorte de forteresse qui visait à se protéger non seulement des idéologies antichrétiennes ou athées mais d'une société considérée comme immorale ou permissive.

Dans cette situation où l'on est forteresse contre forteresse, bloc contre bloc, on ne peut pas parler de « vivre ensemble ».

Je ne dis pas qu'il n'y ait pas eu de véritables relations entre personnes, familles, mais on n'est pas dans une problématique de «vivre ensemble». On est dans une problématique où l'on est à côté les uns des autres, une problématique de juxtaposition.


Une problématique de juxtaposition

Mais cet affrontement a eu des conséquences inattendues. Il y a eu chez les catholiques, un travail considérable de retour aux sources: sources bibliques, théologiques et en particulier sur les théologiens des premiers siècles que l'on appelle les Pères de l'Eglise, aux sources de la liturgie. Ce fut un travail d'historiens mais aussi de théologiens. Et donc il y a eu, bien avant la deuxième guerre mondiale, tout un courant qui consistait à sortir de la forteresse pour aller rencontrer les gens tels qu'ils sont, ceux qui ne sont pas de notre bord. Evidemment l'objectif était de les ramener à soi.

Mais petit à petit s'est faite une conscience vive que rester dans une forteresse n'a pas d'avenir et qu'il faut entrer dans une autre attitude : celle de rencontrer les autres, de se lier à eux et donc de vivre avec eux.

Vers la fin des années 50, dans la paroisse Saint Jean des Grésillons, ce qu'on appelait les oeuvres ont été laissées. A saint Jean de nombreux bâtiments hébergeaient toute une série d'activités : théâtre, chorale, cinéclub, bien d'autres possibilités de rencontres pour des jeunes, des enfants, des adultes. Petit à petit, ces Suvres ont été fermées pour permettre aux chrétiens d'aller faire du théâtre ou de chanter avec les autres, de regarder les films dans le cinéma municipal. Ce mouvement a été prolongé, à la fin des années 60 et au début des années 70, au « Village ». Au fond, la seule chose qui ait été gardée est l'antenne du Secours-Catholique qui d'ailleurs aujourd'hui est un lieu ouvert : dans l'équipe du Secours Catholique, il y a des chrétiens, bien sûr, mais aussi des agnostiques et quelques musulmans.

Pour vivre ce mouvement de sortie, les signes extérieurs ont été abandonnés. Par exemple, nous les prêtres, nous ne portons pas le clergyman. Les religieuses pareillement : non seulement elles ont laissé le dispensaire mais elles ont aussi quitté l'habit. Beaucoup de chrétiens se sont engagés dans la vie associative, syndicale et politique. Une solidarité est devenue effective, une « vie ensemble » petit à petit s'est construite.

Une effective solidarité

Mais, et c'est là que je voudrais aborder le point de rupture, la solidarité - si elle a été effective - a un coût. Et ce coût, c'est le silence. Ne pas s'afficher comme chrétiens, ne pas le dire - d'ailleurs certains ont découvert au bout de tant et tant d'années, parfois le jour des funérailles que quelqu'un avec qui ils ont milité était chrétien.

Il y a plus encore : ne pas rendre compte du fondement de son engagement, en rester aux valeurs, les valeurs qui sont communes: la solidarité, la justice, oeuvrer pour la paix, toutes choses qui sont essentielles et que l'on met en avant mais dont on ne dit jamais sur quoi, nous les chrétiens, nous les fondons.

Le point d'équilibre, à mon avis, est rompu, non pas d'abord parce qu'une nouvelle communauté religieuse prend sa place dans la société - je parle de la communauté musulmane - mais peut-être parce que le système de la laïcité, tel qu'il a fonctionné jusqu'à présent, s'appuyait sur un Etat qui pouvait assumer quelque chose du fondement. Il y avait la morale républicaine qui avait un fondement. Il pouvait être perçu soit comme la laïcisation du fondement religieux, soit comme une expression d'une autre idéologie.

Mais aujourd'hui, l'Etat a renoncé à indiquer et gérer l'enjeu du fondement de la société. Or on ne peut pas prétendre vivre ensemble, dans une même société et dans une même ville, si quelque part il n'y a pas de fondement.

Nous attendons l'Etat sur la liberté, comme garant de la liberté de chacun, aussi comme garant des libertés concrètes. Nous attendons l'Etat sur l'égalité ; et Dieu sait si à Gennevilliers, on attend l'Etat sur l'égalité ! Mais l'Etat se trouve démuni devant l'enjeu de la fraternité. Même les Droits de l'Homme, qui paraissent aujourd'hui être ce que l'on met en avant, ne sont pas fondés. Pour dire autrement, chacun est renvoyé à lui-même comme fondement de lui-même.


Un fondement spirituel à trouver

Faut-il pour autant revenir ou rechercher un fondement religieux ? Certains en ont la tentation. Je parle de chez nous. Personnellement, je pense qu'il faut redécouvrir un fondement spirituel dont les religions sont l'une des formes d'expression, dont certaines philosophies en sont une autre, et dont les sagesses en sont encore une autre. Il me semble que si l'on veut avancer dans le «vivre ensemble» il faut que revienne dans le débat, et dans le débat public, pas seulement entre moi et vous comme personnes, il faut mettre dans le débat public l'expression spirituelle de l'existence humaine.

Joël Cherief


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