Deux figures emblématiques

Jean-Mohammed ABDELJALIL,
1904 -1979,
un musulman devenu prêtre


Abdelmajid-Jean-Marie DUCHEMIN,
1908 -1988,
un prêtre devenu musulman

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On ne peut parler de conversions sans évoquer deux cas particuliers :
celle d'un intellectuel marocain devenu prêtre catholique
et celle d'un prêtre devenu musulman


Jean-Mohammed ABDELJALIL,
1904 -1979,
un musulman devenu prêtre


Dépasser la curiosité intellectuelle.

"Pour ceux qui ne me connaissent pas, je crois devoir me présenter. Je suis un Marocain, de la ville de Fès, d'une famille pauvre et honorable, profondément religieuse, pieuse et exigeante sur la foi et les moeurs(...) A l'âge de vingt-trois ans, durant mes études à la Sorbonne et après des recherches religieuses qui ont duré près de trois ans, je me suis décidé à demander le baptême de l'Eglise catholique."

Que s'était-il passé dans le coeur de ce jeune étudiant qui arrivait à Paris? Mohammed Abd-El-Jalil explique lui-même que le christianisme ne l'intéressait pas :

« Le musulman est tellement convaincu de sa foi, de sa religion, qu'il n'éprouve pas le besoin de s'intéresser à une autre religion(...) Il faut donc que quelque chose attire la curiosité du musulman ; et ce quelque chose doit dépasser la simple curiosité intellectuelle, il doit toucher à la vie. Pour moi, c'est ce qui s'est passé. »
Deux éléments, semble-t-il, vont jouer simultanément dans l'âme de Mohammed : ses liens d'amitié avec quelques chrétiens authentiques, et son hostilité pour leur religion :

« Je suis allé étudier le christianisme dans sa citadelle, à l'Institut Catholique. Je lui étais non seulement opposé mais hostile ; c'était donc pour trouver de nouveaux arguments afin de le combattre, un peu comme St Paul, quoi ! »

Premier contact avec l'Evangile.

Le fin mot de l'histoire, c'est que le jeune homme avait pris pension chez une dame catholique pratiquante de Viroflay. Reçu comme un membre de la famille, le jeune Marocain n'avait pas tardé à aborder le terrain religieux et à exprimer, avec virulence, son hostilité au christianisme. Un jour, n'y tenant plus, la dame lui a dit : « vous n'y connaissez rien, vous n'avez même pas lu les textes, taisez-vous ! » Piqué au vif, Mohammed se mit à lire les Evangiles.Il confie qu'il y sentit immédiatement un appel à dépasser son penchant pour la polémique :

« Ces mots « contre » ou « anti » sont exclus de mon vocabulaire (...) Dès mon premier contact avec l'Evangile, j'ai cru devoir prendre au sérieux la parole de Jésus qui a proclamé qu'il venait non pour condamner mais pour sauver.»

Il s'était cependant inscrit à l'Institut catholique et y suivait des cours, tout en continuant ses études de lettres à la Sorbonne. Il semble avoir été plus frappé par la personnalité des chrétiens qu'il y a rencontrés que par les idées qu'ils lui présentaient.

« Une des plus grandes grâces de ma vie fut (et demeure) celle d'avoir pu rencontrer, écouter, interroger, fréquenter, aimer des personnalités exceptionnelles. C'est la rencontre de laïcs, notamment parmi les professeurs, de laïcs qui pratiquaient vraiment leur christianisme, qui m'a amené à me poser cette question : « n'y a-t-il pas pour moi quelque chose dans le christianisme, qui pourrait davantage transformer ma vie que ne le fait l'islam ? »(...) La grande vertu que je remarquais chez ces laïcs, c'est la charité : se rendre utile aux autres, être soucieux d'autrui, voilà ce qui me frappait chez eux. Puis je vins à me poser une seconde question: «Pourquoi cette religion est-elle forte? »

Trois ans de réflexion.

Trois ans d'études, trois ans pendant lesquels il sent autour de lui un faisceau de prières par lequel ces amis l'offrent et l'abandonnent à l'action de Dieu. Finalement, convaincu que Dieu est bien là à lui faire signe, il demande le baptême en 1928. Il devient franciscain en 1929, prêtre en 1935. L'année suivante, il est nommé professeur à l'Institut Catholique de Paris où il enseigne jusqu'en 1964.

D'après J.M. Gaudeul : « Appelés par le Christ, ils viennent de l'islam »
Cerf 1991 (pages 77 à 80).






Abdelmajid-Jean-Marie DUCHEMIN,
1908 -1988,
un prêtre devenu musulman



Un prêtre hors du commun

L'abbé Jean-Marie Duchemin a été un prêtre hors du commun du diocèse de la Sarthe. Pendant la deuxième guerre mondiale, sa renommée débordait les limites de la paroisse de Bernay-en-Champagne, où il s'est abstenu de mettre une croix sur les tombes de deux prisonniers algériens fusillés par les Allemands. Tout le diocèse a eu des échos de la réception qu'il organisa, en présence du Cardinal Grente et du préfet de la Sarthe, en l'honneur d'un paroissien qui venait d'avoir son douzième enfant. C'est à lui qu'a pensé le Cardinal, évêque du Mans et académicien, quand la duchesse des Cars lui a demandé un « prêtre intelligent et cultivé ». Affecté au château de Saint-Symphorien, il a été le confesseur de la duchesse jusqu'à ce qu'un conflit autour d'une école libre l'amène à soutenir les fermiers contre les châtelains. Ses souvenirs de cette période furent ravivés quand je lui ai signalé la publication dans les années 1980 des carnets de l'abbé Mugnier, ce «confesseur des duchesses » de la fin du 19° siècle.

Avocat, prêtre ou antiquaire

Ne parler que de cet aspect de la vie du père Duchemin serait très réducteur. « Dans mon jeune temps, je voulais être avocat, peintre ou antiquaire », disait-il. «  Après ma sortie du séminaire, j'ai fini par avoir les connaissances de ces trois professions ». Il pouvait en effet reconnaître très facilement un faux canapé Louis XV. Il a écrit de nombreuses pièces de théâtre pour venir en aide aux prisonniers de guerre. Et il est devenu peintre, signant ses toiles « Dutou  », comme Duchemin-Touchard, ce dernier patronyme étant celui de sa mère, morte peu de temps après sa naissance en 1908 au Mans. Il avait acquis les connaissances d'un avocat pour les besoins de son action en faveur de la réinsertion des jeunes délinquants.

C'est sa grande connaissance de ces jeunes qui lui valut d'être conseiller à la Liberté surveillée et d'être réveillé un jour à 3 heures du matin par le procureur de la République qui lui demandait d'aller parlementer avec un jeune forcené qui, après son évasion de prison, s'était réfugié dans une maison de campagne qu'encerclaient des dizaines de gendarmes et de policiers. Avec son regard à la fois perçant et doux, sa voix lente et son langage très précis, il persuada le forcené de lui remettre son arme. « Car je sais que tu ne la remets pas à ces salauds de gendarmes », lui précisa-t-il en lui faisant part de l'indulgence de la justice promise par le procureur.

Avec l'aide du Coran

Il s'est engagé dans cette action après son départ en 1959 de Pezè-le-Robert pour s'installer au Mans. En 1963, il s'est occupé d'un ancien sous-officier algérien dont le contrat d'engagement de 5 ans venait d'expirer au camp d'Ovour, dans une forêt à 8 kms du Mans. Ce «rapatrié» était en train de sombrer dans l'alcoolisme. S'apercevant qu'il avait appris le Coran par coeur, le père Duchemin, après avoir lu son bréviaire, discutait tous les matins avec lui d'une sourate du Coran pour le sortir de sa déchéance, et l'aidait à surmonter ses remords, car il finit par lui avouer qu'il avait torturé. « Mais sur ordre de mes supérieurs », précisait-il. Aidé par des chefs d'entreprise catholiques, le père Duchemin réussit à trouver plusieurs emplois à cette victime morale de la guerre d'Algérie.

Avocat, prêtre ou antiquaire

Ne parler que de cet aspect de la vie du père Duchemin serait très réducteur. « Dans mon jeune temps, je voulais être avocat, peintre ou antiquaire », disait-il. « Après ma sortie du séminaire, j'ai fini par avoir les connaissances de ces trois professions ». Il pouvait en effet reconnaître très facilement un faux canapé Louis XV. Il a écrit de nombreuses pièces de théâtre pour venir en aide aux prisonniers de guerre. Et il est devenu peintre, signant ses toiles « Dutou  », comme Duchemin-Touchard, ce dernier patronyme étant celui de sa mère, morte peu de temps après sa naissance en 1908 au Mans. Il avait acquis les connaissances d'un avocat pour les besoins de son action en faveur de la réinsertion des jeunes délinquants.

C'est sa grande connaissance de ces jeunes qui lui valut d'être conseiller à la Liberté surveillée et d'être réveillé un jour à 3 heures du matin par le procureur de la République qui lui demandait d'aller parlementer avec un jeune forcené qui, après son évasion de prison, s'était réfugié dans une maison de campagne qu'encerclaient des dizaines de gendarmes et de policiers. Avec son regard à la fois perçant et doux, sa voix lente et son langage très précis, il persuada le forcené de lui remettre son arme. « Car je sais que tu ne la remets pas à ces salauds de gendarmes », lui précisa-t-il en lui faisant part de l'indulgence de la justice promise par le procureur.

Quarante jours avec les Tabligh

Progressivement, l'action du père Duchemin s est orientée vers « les migrants », comme il disait. En relisant régulièrement le Coran, il a tapé à la machine toute la traduction par Edouard Montet (achetée en 1957 à la mosquée de Paris) selon un classement par thèmes. Il relisait ses livres de théologie du séminaire, en même temps qu'il lisait sur l'islam, notamment sur le soufisme. En 1971, il réussit à convaincre Mgr Chevallier (qui avait été son professeur au séminaire) d'affecter un terrain diocésain à la construction d'une mosquée dans son quartier de Pontlieue. En 1976, l'évêque l'autorise à faire un voyage de 40 jours au Pakistan et en Afghanistan avec le Tabligh.

Il est devenu musulman cette année-là. Il continuait à célébrer des «messes coraniques » jusqu'à son départ au Maroc en septembre 1987. « Dieu est Un. Ce sont les hommes qui multiplient les religions. Je remercie l'Eglise d'avoir fait de moi ce que je suis devenu», m'a-t-il dit quand je lui ai rendu visite à Casablanca début septembre 1988. Trois jours après, j'ai reçu du Mans un coup de téléphone de Mamadou Dramé, un ancien étudiant malien à El Azhar devenu ouvrier que le père Duchemin aidait à interpréter ses rêves : « le père est mort !!! », m'annonça-t-il en pleurant.

Sadek SELLAM



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