Les conversions :
un phénomène de société

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Les conversions, à l'heure de la mondialisation,
sont devenues un phénomène de société.
Elles risquent de créer un obstacle au dialogue.
Ne nous bouchons pas les yeux sur la réalité.

Une Eglise menacée?

Les conversions entre islam et christianisme, en France, font peur ! Une peur parfois alimentée par les intellectuels. Alain Besançon compare l'Europe aux pays du Levant ou d'Afrique du Nord, lors des années qui suivirent la mort du Prophète. Les églises se sont effondrées au contact de l'islam. L'auteur des « Trois tentations pour l'Eglise » prétend montrer que le christianisme alors a fondu comme neige au soleil parce que les chrétiens n'avaient pas suffisamment intériorisé l'enseignement des conciles. Aujourd'hui l'Eglise est défaillante dans la transmission du message de Jésus ; L'islam en Europe, dans ces conditions, deviendra vite, si l'on n'y prend garde, la religion dominante et dans quelques décennies les chrétiens ne seront plus qu'une infime minorité.

Des familles à l'épreuve.

La peur est vécue dans les familles. Chacun connaît parmi ses amis, telle ou telle conversion de jeune chrétien. On s'inquiète alors pour ses propres enfants lorsqu'on les voit fréquenter des copains africains ou maghrébins. Les sentiments des musulmans n'ont rien à envier à ceux des chrétiens. Dans l'esprit des musulmans, les chrétiens sont souvent confondus avec les Témoins de Jéhovah dont le prosélytisme est agressif. Lorsqu'ils vont au bled, pendant les vacances, on les accable de cassettes et de Nouveaux Testaments traduits en arabe. Au moins pour les aînés, la rencontre des chrétiens rappelle la période qui précède les indépendances ; convertir revenait à coloniser. Cette crainte à l'égard du christianisme est parfois inculquée dès l'enfance. Un jeune garçon demandait un jour à Mohammed Benali: « est-il vrai que lorsqu'on passe devant une église, il faut changer de trottoir ? »

Une source de souffrance.

Les conversions entre Islam et christianisme engendrent la souffrance. Au Secrétariat pour les Relations avec l'Islam, on reçoit des confidences de familles où les enfants sont devenus musulmans. Les parents se culpabilisent, du côté chrétien (« nous n'avons pas su transmettre nos valeurs à nos enfants !»). Les relations se détériorent : frères et soeurs s'estiment trahis. Tout cela peut s'accompagner d'une certaine arrogance. Le converti est assuré d'avoir la vérité et regarde tous les siens avec mépris. Il faut changer les habitudes de la famille, au point de vue nourriture, par exemple, pour éviter les drames. Les parents sont acculés à réinventer la manière de vivre, de façon à ne pas couper les ponts avec ceux qu'ils aiment.
La souffrance est peut-être pire en islam lorsque quelqu'un passe au christianisme. Il faut dire que la sharia dans les pays musulmans, peut punir de mort celui qui apostasie et la sentence est parfois appliquée. La presse s'est largement fait l'écho du cas d'Abdul Rahman, en Afghanistan, un homme de 41 ans passé au christianisme. Le premier ministre canadien, Condoleeza Rice et Benoît XVI sont intervenus auprès des autorités pour que sa vie soit épargnée. Il a pu échapper au pire : on a considéré qu'il était frappé d'aliénation mentale. Quitter l'islam pour entrer en christianisme est impensable. Il ne s'agit pas seulement d'une démarche individuelle ; le croyant ne fait qu'un avec l'Oumma, sa patrie à la fois humaine et spirituelle. C'est devenir, aux yeux de toute la communauté musulmane, un paria et, malgré des liens affectifs souvent très forts, la rupture est souvent inévitable. Aussi, beaucoup préfèrent-ils cacher leur nouvelle identité religieuse et mener une double vie pour éviter une sorte de suicide social.

Un sujet tabou

Ces sujets sont délicats. C'est parce qu'on hésite souvent à en parler les uns devant les autres que nous nous penchons sur la question. Nous faisons part de nos réactions; sans doute sont-elles contestables sur plus d'un point; elles permettent néanmoins de lever un tabou et de libérer la parole.
D'emblée, reconnaissons que certaines conversions appellent le respect, même si elles nous déconcertent. Evoquons Massignon : l'intellectuel agnostique, au contact de l'islam, se convertit et devient un catholique militant. Jeune chercheur, en mission archéologique, il est pris pour un espion. Il échappe aux poursuites grâce à l'hospitalité d'une famille irakienne. L'européen découvre ce qu'est l'autre aux yeux d'un musulman : un dépôt sacré. Il s'agit pour lui d'une manifestation de l'Autre, du Tout Autre, Dieu comme un Etranger :
« L'Etranger qui m'a pris tel quel, au jour de sa colère, inerte dans la main comme le gecko des sables, a bouleversé petit à petit, tous mes réflexes acquis, toutes mes précautions, et mon respect humain(...) Je transcris simplement un cri, imparfait, certes, mais poignant, de Rumi (quatrain n° 143), où le Désir divin, essentiel, insatiable et transfigurant, jaillit du tréfonds de notre adoration silencieuse et nue, la nuit. « Celui-là dont la beauté rendit jaloux les anges, est venu au petit jour, et il a regardé dans mon coeur; il pleurait et je pleurais jusqu'à la venue de l'aube, puis il mi'a demandé : « de nous deux qui est l'amant ?».
De nombreux témoignages de conversion nous le confirment : Dieu peut s'infiltrer dans le coeur d'un homme ou d'une femme et l'orienter comme Il l'entend. Devant toutes les conversions qui se produisent, nous sommes invités à avoir un regard capable de déceler le passage de Dieu.

Une invitation au respect

Ceci dit, nous ne pouvons manquer de nous poser quelques questions. Beaucoup de ces conversions n'ont-elles pas des explications purement humaines ? Le mariage est une motivation forte : quand un amour rapproche deux personnes, on est prêt à beaucoup de concessions, sincères ou non. Très souvent, lorsque des musulmans voient partir l'un des leurs, ils ont des soupçons : « n'a-t-il pas quelque intérêt personnel à agir de la sorte ? » Quand un jeune s'écarte des convictions de ses parents, ne s'agit-il pas d'une crise d'adolescence ? D'une façon générale, ne faut-il pas reconnaître que la multiplication des conversions est un signe des temps ? Aujourd'hui, nous vivons dans une société pluraliste où l'individu est roi. Choisir sa religion plutôt que de la recevoir comme un héritage, n'est-ce pas un acte d'autonomie ? Toutes ces questions sont pertinentes et il convient de se les poser et, éventuellement, de les formuler à ceux que nous connaissons et qui s'interrogent sur leur orientation religieuse pour les aider à se préciser leurs véritables intentions.

Un risque de violence

Ces motivations particulières ont une importance réelle mais qui n'est que relative par rapport aux conversions qui sont le résultat d'une action prosélyte. Manipuler les consciences est, selon nous, un acte de violence qui ne peut se réclamer de la volonté de Dieu. Nos deux religions en sont bien conscientes. «Pas de contrainte en religion », dit le Coran (Sourate 2, 256).
« La liberté consiste en ce que tous les hommes doivent être soustraits à toute contrainte de la part tant des individus que des groupes sociaux et de quelque pouvoir humain, de telle sorte qu'en matière religieuse nul ne soit forcé d'agir contre sa conscience ».
Ainsi s'exprime Vatican II dans sa « Déclaration sur la liberté religieuse» (n°2). Bien sûr, le mal atteint son comble lorsque la pression s'exerce sur des enfants ou sur des jeunes. Il va de soi que parents et éducateurs se doivent d'être attentifs aux pressions dont ils pourraient être les témoins.

Une insulte au dialogue

Nous nous insurgeons contre le prosélytisme pour une autre raison. Il est une insulte au dialogue. L'un des partenaires a la vérité et son interlocuteur n'a pas la parole. S'il s'exprime, son discours n'est pris au sérieux que dans la mesure où il permet d'être réfuté. La foi en Dieu ouvre sur l'autre alors que le prosélytisme tente d'enfermer autrui. Comment vivre un vrai dialogue islamo chrétien lorsqu'on se demande si celui qui fait face n'a pas pour but de vous conquérir ? Comment se libérer de la peur malsaine dans laquelle baignent beaucoup de nos contemporains sinon par un dialogue où les uns sont libres devant les autres? Inclinons-nous devant la volonté de Dieu, laissons-nous guider par Lui plutôt que de faire plier autrui devant nos convictions personnelles.



Image "Carmel de la Paix" - Mazille

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